MOSCOU : Le parti Russie Unie de Vladimir Poutine s'orientait dimanche soir vers une majorité claire au Parlement, à l'issue de législatives marquée par la répression et l'exclusion de presque toute opposition anti-Kremlin.
La formation au pouvoir récoltait 45,32% des voix, selon des résultats portant sur un tiers des bureaux de vote.
"Je vous félicite tous pour cette victoire propre et honnête", a lancé face à des partisans l'un des dirigeants du parti, Andreï Tourtchak.
Le parti du Kremlin devance les communistes du KPRF (21,82%) et semble pouvoir conserver sa majorité des deux tiers à la Douma, la chambre basse du Parlement. Ces scores témoignent néanmoins d'une baisse par rapport à 2016, lorsque Russie Unie avait obtenu 54,2% des voix et les communistes 13,3%.
La moitié des 450 sièges de députés sont attribués à la proportionnelle. Les autres le sont au scrutin majoritaire et Russie Unie était en tête dans 190 de ces circonscriptions, selon la Commission électorale.
Compte-tenu du résultat préliminaire des communistes, les partisans de l'opposant emprisonné Alexeï Navalny, revendiquaient eux le succès de leur stratégie du "vote intelligent", consistant à appeler à voter pour les candidats les mieux placés pour gêner ceux de Russie Unie, faute d'avoir pu participer aux élections.
Ils accusaient également les autorités de falsification massives lors du décompte nocturne des voix, dénonçant la "faillite morale" du pouvoir.
«Vote intelligent»
La participation était aux alentours de 45% des 108 millions d'électeurs vers 18H00 heure de Moscou, soit trois heures avant la fin de ce vote qui s'est déroulé sur trois jours, de vendredi à dimanche.
Outre Russie Unie et les communistes, trois autres partis sont en position de passer la barre des 5% pour être représentés: les nationalistes de LDPR (8,29%), les centristes de Russie Juste (7,45%), et un nouveau venu, le parti des "Nouvelles personnes" (6,26%).
Toutes ces formations sont considérées comme étant largement dans la ligne du Kremlin. Tout comme les communistes d'ailleurs.
Les partisans de M. Navalny, emprisonné depuis son retour en janvier en Russie après un empoisonnement qu'il attribue au Kremlin, étaient bannis du scrutin après que leur organisation a été classée "extrémiste" par la justice.
Ce mouvement s'est félicité du résultat de son appel au "vote intelligent", au regard des gains communistes, mais que du coup les autorités s'efforçaient de trafiquer, selon les partisans de M. Navalny.
"Il est clair que Russie Unie a essuyé une défaite cinglante", a dénoncé sur la chaîne YouTube Navalny-Live, Léonid Volkov, un proche exilé de l'opposant.
Selon lui, les autorités sont en train de "falsifier sans vergogne (le décompte) devant le monde entier", en particulier les résultats du vote en ligne à Moscou, dont la publication a été reportée sine die, la capitale russe étant une place forte de l'opposition.
Ces élections avaient été précédées par des mois de répression qui ont conduit à la mise à l'écart de la quasi-totalité des opposants anti-Poutine.
Les autorités ont également mis la pression sur Apple et Google qui ont fini par supprimer vendredi de leurs boutiques l'application du mouvement de M. Navalny donnant des consignes de vote.
«Transparent»
Observateurs indépendants et opposants ont aussi fait état de fraudes importantes lors du scrutin, notamment des bourrages d'urnes.
D'après l'ONG spécialisée Golos, qui a relevé plus de 4 800 irrégularités potentielles, "la baisse du niveau de transparence, de clarté du système électoral est une évidence".
La présidente de la Commission électorale, Ella Pamfilova a balayé ces affirmations, louant "la transparence" du scrutin.
Russie Unie est néanmoins loin de pouvoir affirmer avoir gagné le coeur des Russes, comme en témoigne sa cote de confiance à moins de 30%, selon le centre de sondage étatique VTsIOM.
Le parti est miné par les affaires de corruption, souvent révélées d'ailleurs par le mouvement de M. Navalny.
En outre, les Russes ont vu leur niveau de vie s'effriter ces dernières années, une réalité qui s'est accélérée avec la pandémie de coronavirus.
Cette image très écornée ne menace cependant pas Vladimir Poutine qui reste populaire.
"Nous croyons tout simplement en lui", résume Anna Kartachova, une moscovite de 50 ans.