BERLIN: A droite, l'impopulaire conservateur Armin Laschet, à gauche, l'expérimenté mais peu charismatique ministre des Finances Olaf Scholz. Sauf coup de théâtre, l'un des deux dirigera l'Allemagne après les législatives de dimanche prochain.
Les deux hommes ont toutefois un point commun: apparaître comme l'héritier d'Angela Merkel qui se retirera après 16 ans de règne: le premier car il dirige son parti conservateur, le second car il s'efforce, un peu en trompe l'oeil, de reprendre à son compte l'image de fiabilité et de modération de la chancelière.
L'austère grand argentier
Qualifié d'incarnation de "l'ennui en politique" par le Spiegel, celui qu'on a surnommé "scholzomat" pour ses phrases débitées d'une voix de robot, a néanmoins ressuscité en quelques mois un parti social-démocrate (SPD) donné moribond. Il fait même figure dans les derniers sondages de candidat le mieux placé pour le poste suprême.
Également vice-chancelier du gouvernement de coalition d'Angela Merkel, cet homme de 63 ans, réfléchi et pointilleux, a fait un parcours presque sans faute, cultivant habilement ses similarités -sobriété, compétence technique- avec la toujours très populaire Angela Merkel.
Comme elle, le natif d'Osnabrück, au nord-ouest de l'Allemagne, goûte peu les grands discours et les visions politiques, si chères au SPD.
Comme elle, il est un pragmatique, qui depuis 2018 a veillé au strict maintien d'une gestion financière rigoureuse en Allemagne en tant que ministre des Finances, conformément à son crédo "on ne dépense que ce que l'on a".
Entré au SPD à l'âge de 17 ans, il a flirté au début avec les idéaux de gauche avant d'emprunter une voix plus centriste, ce qui l'a un temps marginalisé dans sa formation.
En 2019, les militants lui ont ainsi préféré pour présider le plus vieux parti d'Allemagne un tandem de quasi inconnus mais nettement plus à gauche.
Il est parvenu à rebondir à la faveur de la pandémie, n'hésitant pas, avec Mme Merkel, à briser le tabou de la rigueur budgétaire et se posant en gestionnaire expérimenté de crises.
Dans sa campagne, il n'en défend pas moins des thèmes typiquement de gauche, comme l'augmentation du salaire minimum ou une augmentation de l'imposition des plus fortunés.
Seules ombres au tableau, les affaires. Il fut notamment éclaboussé par le scandale Cum-ex, une fraude sur les dividendes de plusieurs milliards d'euros du temps où il dirigeait Hambourg de 2011 à 2018, sans que son implication n'ait toutefois pu être établie.
Et à une semaine du scrutin, il sera auditionné lundi devant les députés sur une enquête judiciaire mettant en cause une unité anti-blanchiment, sous la tutelle de son ministère.
L'héritier mal-aimé
Face à lui, Armin Laschet est auteur d'une performance dont il se serait bien passé: faire dégringoler l'Union chrétienne-démocrate (CDU) et son parti frère bavarois CSU à un niveau historiquement bas de 20% des intentions de vote dans les sondages à quelques semaines d'un scrutin national.
Ce dirigeant de la Rhénanie du Nord-Westphalie, région la plus peuplée d'Allemagne, n'a jamais été très aimé.
Cela ne s'est pas arrangé pendant la campagne, où il a de accumulé les bévues, dont un embarrassant fou rire filmé lors d'une cérémonie d'hommage aux victimes des crues meurtrières de juillet. De surcroît dans son propre Land.
Le Rhénan de 60 ans se considère comme l'héritier naturel d'Angela Merkel, dont il partage le cap centriste et pro-européen. Il fut aussi l'un des rares à la soutenir après sa décision d'accueillir des centaines de milliers de migrants de Syrie ou d'Afghanistan en 2015.
Fervent catholique, il est issu d'une famille modeste -mineur à l'origine, son père a réussi à se reconvertir dans l'enseignement.
Celui qui aime à souligner son admiration pour l'empereur Charlemagne s'illustre néanmoins par des louvoiements dans ses prises de position ou un manque de détermination en temps de crise, qui font régulièrement douter de sa capacité à devenir chancelier.
Souvent donné battu, l'ancien journaliste a néanmoins surpris par son âpreté dans le combat, parvenant à décrocher la présidence de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), puis à arracher la candidature de droite à la chancellerie.
En juillet, il avait invité ses rivaux à ne pas le sous-testimer: "beaucoup se sont en tous les cas trompés".