PARIS: Christo, le maître de l'empaquetage, voulait qu'on considère ses oeuvres comme « l'expression d'une liberté totale, irrationnelle, exempte de toute justification ». Avant l'Arc de Triomphe, l'artiste et sa femme Jeanne-Claude ont sublimé d'autres monuments naturels ou culturels. En voici cinq exemples.
« Wrapped coast » à Sydney (1969)
Le couple choisit la côte de « Little Bay », une falaise sur 2,5 kilomètres au sud de Sydney balayée par l'océan Pacifique. C'est la première fois qu'ils s'attaquent à un espace naturel.
Ils sélectionnent un tissu synthétique épais et blanc, utilisé par les agriculteurs, capable de résister aux vagues et à l'eau de mer salée. Christo pilote la mise en place de son installation titanesque nécessitant quelque 93.000 m2 de tissu, 56 kilomètres de corde, quinze alpinistes et une centaine d'artistes et architectes.
Inauguré le 28 octobre 1969, l'empaquetage dure dix semaines. « L'urgence d'être vu est d'autant plus grande que demain tout aura disparu ... Personne ne peut acheter ces oeuvres, personne ne peut les posséder, personne ne peut les commercialiser, personne ne peut vendre des billets pour les voir ... Notre travail parle de liberté », affirme Christo.
Musée d'art moderne à Chicago (1969)
En 1969, Christo jette son dévolu sur le Musée d'art moderne de Chicago: il est séduit par sa structure-emballage en forme de boîte à chaussures. C'est sa première oeuvre américaine.
En 1967, Christo s'était déjà fait la main sur la Kunsthalle de Bern, son premier empaquetage d'un édifice public.
Cette fois, il choisit une bâche kaki pour contraster avec la neige qui recouvre la ville l'hiver.
Alarmés par l'étrange installation, les pompiers exigent que la bâche soit démontée avant de finalement accepter qu'elle reste.
L'empaquetage du Pont-Neuf (1985)
En 1975, Christo se lance dans le projet de transfigurer le Pont Neuf, « berceau de la capitale et grand sujet de l'histoire de l'art », explique-t-il. « Empaqueté il passe du statut de sujet d'art à celui d'oeuvre ».
Le maire Jacques Chirac est d'abord réticent mais le couple mène une intense campagne de persuasion pendant dix ans.
Quarante mille mètres carrés de toile sont tissés en Allemagne et piqués à Armentières dans le Nord. Plongeurs, cordistes, alpinistes: 400 personnes collaborent pour tendre 11 kilomètres de corde sous l'oeil médusé des Parisiens.
« Je veux offrir un autre regard et d'autres habitudes au public, accoutumé à un espace immuable depuis des siècles », lance Christo. « Il s'agit de redécouvrir l'architecture du pont en soulignant les reliefs(...) provoquer un impact conceptuel et sensoriel nouveau ».
Le Pont Neuf reste emballé 15 jours.
L'empaquetage du Reichstag, Berlin (1995)
Enveloppé d'un tissu argenté de 100 000 m2, l'empaquetage du parlement allemand n'est réalisé que vingt ans après la première demande d'autorisation de Christo. Rejetée plusieurs fois par Berlin, l'oeuvre n'a pu voir le jour qu'après un vote au parlement en 1994.
L'artiste loue le Reichstag mais également un périmètre de cinq cents mètres autour du bâtiment pour s'assurer qu'aucune entreprise n'utilise l'espace pendant son installation.
« Chaque projet est très biographique », confie-t-il au Centre Pompidou. « Je me suis échappé de Bulgarie pendant la guerre froide. (...) Le Reichstag est le seul espace physique où le bloc soviétique a rencontré l'Ouest, c'est le seul endroit où l'Est et l'Ouest se sont rencontrés à Berlin (...) C'est pour cette raison que j'ai voulu l'empaqueter ».
Visité par des millions de personnes, l'empaquetage est retiré après deux semaines. Berlin aurait souhaité le garder plus longtemps.
« C'était l'une des plus belles choses que j'ai jamais vues », confiait Christo au Guardian.
Les arbres du musée Beyeler à Riehen en Suisse (1997)
Pendant de nombreuses années, Christo et Jeanne-Claude emballent des arbres. En 1997, ils revêtent les 160 arbres du musée Beyeler en Suisse d'un toile transparente de polyester mêlée de fibres argentés. Leur idée est de voiler pour mieux dévoiler. Les arbres sont transformés en objets changeants. Ces apparitions incongrues permettent de rendre visible le vent qui s'engouffre dans le tissu.