STRASBOURG : Bruxelles dévoilera jeudi les contours d'une instance dotée de six milliards d'euros chargée de préparer l'UE aux futures pandémies, indique le projet, qui suscite de vives critiques des eurodéputés dessaisis du dossier.
Baptisée HERA ("Health Emergency Response Authority"), la nouvelle structure doit "renforcer la capacité de l'UE à prévenir, détecter et contrer rapidement" les prochaines crises sanitaires, en assurant le développement, l'approvisionnement, le stockage et la distribution des traitements médicaux nécessaires.
Dans son projet d'"Europe de la santé", Bruxelles avait affiché dès novembre 2020 son ambition de créer l'équivalent de la puissante Autorité pour la recherche et développement en biomédical (Barda) aux Etats-Unis, qui dépend du ministère américain de la Santé et dispose de colossaux moyens pour collaborer avec les laboratoires.
Selon le texte qui doit être endossé jeudi par les commissaires, HERA ne sera pas une agence indépendante sur le modèle de l'Agence européenne des médicaments (EMA) ou du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).
Elle sera établie "au sein de la Commission, comme ressource partagée pour les Etats membres et l'UE", un format qui permettra de la rendre complètement opérationnelle "dès début 2022", de fonctionner de façon flexible et de s'appuyer sur les pouvoirs et l'expertise de l'exécutif européen, souligne le document.
La structure devra "renforcer la coordination" entre les Etats membres, en lien avec l'industrie pharmaceutique, afin notamment de résoudre les problèmes de pénuries et de dépendance mis en évidence par la pandémie de Covid-19.
HERA sera pilotée par un conseil réunissant experts de la Commission et représentants des Etats, et le Parlement européen devra se contenter d'un observateur.
Si les Etats, dont la santé est une compétence exclusive, devront donner leur feu vert, le texte ne sera pas débattu ni voté par le Parlement européen --un camouflet pour les eurodéputés réunis cette semaine à Strasbourg.
"Les ambitions semblent à la baisse. Cette autorité ne doit pas être une coquille vide, ni un simple comité de réaction à la main de la Commission et des Etats", a regretté Nathalie Colin-Oesterlé (PPE, droite), rapporteure d'un texte sur les pénuries de médicaments.
"On se retrouve avec une proposition dénuée de toute ambition législative, le Parlement s'apprêtant à être exclu de la discussion", même si "on comprend la nécessité d'aller vite et d'être pragmatique", a réagi Véronique Trillet-Lenoir (Renew, libéraux).
Les eurodéputés ont adopté mercredi, contre l'avis de la Commission, une proposition pour élargir les domaines d'intervention du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), par 598 voix pour, 84 contre et 13 abstentions.
Le texte, destiné à être discuté avec la Commission et les Etats, propose d'étendre le mandat de l'agence au-delà des maladies transmissibles pour qu'il couvre également les principales maladies non-transmissibles (maladies cardiovasculaires et respiratoires, cancers, diabètes et maladies mentales).
Présente à Strasbourg, la commissaire à la Santé, Stella Kyriakides, s'était pourtant dite lundi dans l'hémicycle opposée à un tel élargissement.
"Cela fera doublon avec le travail déjà fourni dans les Etats membres (...) et ces nouvelles tâches grèveront les ressources de l'ECDC, contribuant à l'affaiblir (pour ses missions principales) plutôt qu'à le renforcer", avait-elle fait valoir.
Les mesures proposées doivent également permettre à l'ECDC de recueillir davantage de données épidémiologiques auprès des Etats, afin de fournir de meilleures analyses et modélisations pour contrôler les foyers de contagion, a expliqué la rapporteure polonaise Joanna Kopcińska (CRE, droite nationaliste).
Les propositions de révision des mandats de l'ECDC, mais également de l'EMA, "dessinent les contours d’une véritable Union européenne de la santé", s'est félicitée Mme Trillet-Lenoir.