CARACAS, Vénézuela : Gustavo Martinez est ingénieur dans une compagnie pétrolière à Caracas mais malgré son salaire au-dessus de la moyenne il ne peut accéder à la propriété. L'hyperinflation au Venezuela a totalement asséché le crédit immobilier.
L'inflation vertigineuse qui avoisine les 3.000% empêche les banques d'accorder des prêts en bolivar, la monnaie locale. Dans les rares cas où elles le font, la période de remboursement est généralement inférieure à six mois.
Le bolivar a encore perdu 73% de sa valeur par rapport au dollar depuis le début de l'année. En ce début septembre, un seul dollar américain équivaut à 4 millions de bolivars.
Dès lors, le dollar, bien que n'étant pas la monnaie officielle mais qui est abondamment utilisé dans la vie quotidienne, fait loi dans les transactions immobilières.
Les candidats à la propriété doivent donc s'arranger pour payer par virement bancaire ou en cash avec des mallettes remplies de billets verts.
Le crédit bancaire est quasiment à l'arrêt au Venezuela où les banques n'ont que 140 millions de dollars de prêts en cours pour une population de quelque 30 millions d'habitants, contre 14 milliards dans la Colombie voisine et ses 50 millions d'habitants.
Le montant des prêts immobiliers ne s'élève qu'à 840.000 dollars, soit 0,6% de l'ensemble des crédits au Venezuela, selon les chiffres officiels publiés en mars.
En 2014, avant l'effondrement mondial des prix du pétrole qui a fait plonger l'économie du Venezuela fortement dépendante des exportations de brut, la proportion des crédits immobiliers sur l'ensemble des prêts était de 7,2%, selon l'économiste Cesar Aristimuno.
- Rêve lointain -
Mais dans un pays où le salaire minimum dans la fonction publique n'est que de 2 dollars par mois, l'accession à la propriété n'est qu'un lointain rêve pour de nombreux jeunes Vénézuéliens qui n'ont souvent même pas les moyens de louer un logement. Ils finissent par vivre chez leurs parents, souvent en couple, beaucoup plus longtemps qu'ils ne l'avaient prévu.
Il n'existe pas de statistiques officielles sur le nombre de Vénézuéliens qui vivent chez leurs parents jusqu'à 30 ou 40 ans, mais c'est un phénomène largement observé.
Gustavo Martinez, l'ingénieur de 30 ans, est plus chanceux que la plupart.
Après avoir déménagé dans la capitale en janvier, il a vécu chez sa grand-mère avant de louer un appartement avec sa petite amie.
Il ne veut pas dévoiler combien il gagne, mais assure que c'est au-dessus du salaire moyen vénézuélien de 50 dollars mensuels et les loyers dans une banlieue modeste de la capitale commencent à 150 dollars, selon l'agent immobilier Carolina Quintero.
"Un appartement coûte environ 50.000 dollars. Aucun emploi ne permet de s'offrir ça", affirme M. Martinez à l'AFP. "Et encore moins si il faut sortir cette somme comptant".
Avec 50.000 dollars on peut s'offrir un appartement d'environ 70 mètres carrés dans un quartier à revenu moyen de Caracas.
- "Quelque-chose à moi" -
L'adoption à marche forcée, bien qu'informelle, du dollar par le pays comme bouclier contre l'inflation a cependant donné au secteur immobilier un petit coup de pouce.
"En 2019, nous avons connu une croissance de cinq pour cent des transactions et nous espérons clôturer 2021 avec un +20%", déclare Francisco Lopez, président de la Chambre immobilière du Venezuela.
L'agent immobilière Carolina Quintero explique que la plupart des transactions sont effectuées par des transferts de banques étrangères, avec souvent un dépôt de garantie en espèces de 20%.
Avec cette situation, un marché parallèle du crédit a émergé avec des prêteurs proposant des emprunts aux coûts rédhibitoires (d'environ 15% d'intérêts mensuels) et des garanties allant jusqu'à trois fois le montant désiré.
Gustavo Martinez espère pouvoir un jour s'acheter "quelque chose à moi" et a déjà commencé à économiser.
"Cela aurait été génial s'il y avait un système de prêts en dollars pour que les gens qui peuvent se permettre de faire des versements puissent obtenir un crédit", dit-il.
Mais le gouvernement vénézuélien fait tout pour décourager les banques d'en accorder et obligent à un consentement préalable, impossible à obtenir, de la Banque centrale.