CALAIS : Moustapha Souleiman, 21 ans, est fermement déterminé à atteindre la Grande-Bretagne et ne se laissera pas décourager par les menaces de Londres d'intercepter les bateaux transportant illégalement des migrants dans la Manche et de les renvoyer en France.
Souleiman, qui a fui la région soudanaise du Darfour en 2019, a tenté à deux reprises d'effectuer le périlleux voyage à travers certaines voies maritimes les plus fréquentées au monde, au cours de l'année passée. Les deux fois, il a été intercepté par la police française avant même de quitter la plage.
«Nous n’allons pas arrêter d’essayer encore et encore jusqu'au dernier jour de notre vie», a déclaré Souleiman à Reuters dans un camp sur un terrain abandonné à la périphérie de Calais.
Si la police française empêche plus de migrants à passer que les années précédentes, elle n'a que partiellement endigué le flux. Les migrants sont trop nombreux, le rivage trop long et les passeurs trop rusés pour échapper à la sécurité.
La Grande-Bretagne est irritée par le nombre de migrants qui traversent et accuse la France de ne pas faire assez pour sécuriser ses frontières.
Le Premier ministre Boris Johnson a défendu le retrait de la Grande-Bretagne de l'Union européenne sur la promesse de «reprendre le contrôle» des frontières et cette semaine, son gouvernement conservateur a approuvé des projets de loi pour forcer les canots de migrants à faire demi-tour, au milieu de la Manche.
La France a affirmé qu'elle méritait mieux qu'une telle «attitude». Les organisations humanitaires ont déclaré que les projets de loi pourraient violer les lois maritimes.
Soleiman a confié qu'il serait prêt à se jeter en haute mer si jamais un navire de patrouille britannique se tenait entre lui et les côtes britanniques.
«(La Grande-Bretagne) est ma seule issue», a-t-il reconnu dans un anglais hésitant.
En face du principal hôpital de Calais, une odeur d'urine est sentie partout dans l'air et des papiers de soie souillés jonchaient les étroits sentiers sablonneux qui serpentaient à travers la brousse. Les migrants les plus chanceux avaient des tentes, d'autres se reposaient à l'air libre sur des bâches en plastique.
L'Afghan Ali Houssaini, 16 ans, n'est arrivé dans cette ville portuaire du nord qu'un jour plus tôt après un voyage de plusieurs semaines depuis sa ville natale d'Oruzgan. Houssaini a déclaré qu'il s'était enfui à pied et en voiture à travers la frontière iranienne alors que les talibans déferlaient dans son pays natal. Ses parents l'avaient poussé à partir, mais ne pouvaient pas se permettre d'emmener ses deux jeunes frères et sœurs.
«J'essaie de trouver un nouveau pays, une nouvelle vie sans guerre», a confié l'adolescent. « La Grande-Bretagne est ma destination finale. C'est un bon pays. Je peux terminer mes études et être en sécurité».
Houssaini avait déjà entendu des récits de traversées dangereuses dans des canots pneumatiques surchargés.
«Nous n’avons pas le choix. Je dois le faire», a-t-il indiqué.
Certains législateurs britanniques ont affirmé que les tactiques de dissuasions britanniques ne seraient jamais utilisées car elles mettraient les migrants en danger de noyade.
Le nombre de personnes essayant d'atteindre la Grande-Bretagne dans de petits bateaux de fortune, environ 13000 jusqu'à présent en 2021, est minuscule par rapport aux flux de migrants vers des pays comme le Liban et la Turquie, qui accueillent des millions de réfugiés.
L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) indique que 40830 migrants ont débarqué par mer en Italie cette année au 2 septembre et près de 21 000 en Espagne.
Le problème est devenu une sonnette d'alarme pour les membres du parti de Johnson. Mais pour de nombreux migrants, les décisions de la Grande-Bretagne sont préjudiciables.
«C'est inhumain», a soutenu un deuxième Soudanais qui s'appelait Adam A. «Ils veulent nous jeter à la mer».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com