PARIS : Eric Zemmour, relaxé mercredi par la cour d'appel de Paris après des poursuites pour injure et provocation à la haine, n'est plus seulement un polémiste mais "un acteur du débat politique national" selon le CSA, qui demande aux médias audiovisuels de désormais décompter ses prises de parole.
"Au regard des récents développements", Eric Zemmour peut "être regardé dorénavant, tant par ses prises de position et ses actions, que par les commentaires auxquels elles donnent lieu, comme un acteur du débat politique national", a estimé le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) dans un communiqué mercredi soir.
Cette demande doit être appliquée par les médias dès jeudi, fait savoir le régulateur de l'audiovisuel, alors qu'une candidature d'Eric Zemmour à l'élection présidentielle est régulièrement évoquée.
"Censure : le CSA prend désormais le relais des juges. Je ne me tairai pas", a riposté mercredi soir sur Twitter le polémiste, qui avait annoncé cesser sa chronique hebdomadaire dans Le Figaro, le temps, avait-il dit, de promouvoir son livre à paraître le 16 septembre intitulé "La France n'a pas dit son dernier mot".
Plus tôt mercredi, la cour d'appel de Paris avait relaxé le polémiste qui était poursuivi pour injure et provocation à la haine après une violente diatribe contre l'islam et l'immigration, prononcée en 2019 lors d'une réunion politique.
En première instance, le chroniqueur de 63 ans avait été condamné pour ces propos à 10.000 euros d'amende.
Lors d'une "convention de la droite" organisée par des proches de l'ex-députée du Front national (devenu RN) Marion Maréchal le 28 septembre 2019, Eric Zemmour avait prononcé un discours fustigeant des immigrés "colonisateurs" et une "islamisation de la rue".
Le journaliste y avait également décrit le voile et la djellaba comme "les uniformes d'une armée d'occupation".
Dans les motivations de son arrêt, dont l'AFP a obtenu lecture, la cour d'appel a jugé que "aucun des propos poursuivis ne visent l'ensemble des Africains, des immigrés ou des musulmans mais uniquement des fractions de ces groupes".
Série de poursuites judiciaires
"Il n'est nullement justifié de propos visant un groupe de personnes dans son ensemble en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée", ajoute la cour, "d'où il suit que les infractions poursuivies ne sont pas constituées".
"C'est une immense victoire", a affirmé à l'AFP l'avocat d'Eric Zemmour, Me Olivier Pardo, qui accuse le parquet d'avoir "déformé" les propos de son client.
Les associations antiracistes, qui s'étaient constituées parties civiles, se disent "sidérées". "C'est une grosse déception", a réagi auprès de l'AFP une des avocates de la Maison des potes, Me Ambre Benitez. "C'est une décision catastrophique pour le débat public, cela autorise tous les excès racistes", a renchéri Me Jérôme Karsenti. L'association va se pourvoir en cassation.
En première instance, le tribunal correctionnel de Paris avait estimé en septembre 2020 que ces propos constituaient "une exhortation, tantôt implicite tantôt explicite, à la discrimination et à la haine à l'égard de la communauté musulmane et à sa religion".
"Les opinions, même choquantes, doivent pouvoir s'exprimer, néanmoins les faits reprochés vont plus loin et outrepassent les limites de la liberté d'expression puisqu'il s'agit de propos injurieux envers une communauté et sa religion", avait ajouté la présidente de la 17e chambre correctionnelle.
Le discours d'Eric Zemmour avait à l'époque été largement dénoncé dans la classe politique et provoqué un âpre débat dans les médias pour lesquels il travaillait.
En dépit de cette controverse, le chroniqueur a depuis été embauché par CNews, où il intervient toujours dans une émission quotidienne. Ses commentaires ont dopé l'audience de la chaîne d'information mais lui ont valu aussi une série de poursuites judiciaires. Contactée par l'AFP, la chaîne n'a pas souhaité commenter la décision du CSA.
Eric Zemmour était aussi convoqué mercredi devant le tribunal pour avoir mis en cause les migrants mineurs, qu'il avait qualifiés de "voleurs" et d'"assassins" sur CNews en septembre 2020.
Ce procès a finalement été renvoyé au 17 novembre.