L'exécutif face à «l'horreur» d'un «acte de guerre»

Le président français François Hollande s’adresse à la nation, le 14 novembre 2015, au lendemain des attentats (Photo, AFP).
Le président français François Hollande s’adresse à la nation, le 14 novembre 2015, au lendemain des attentats (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 08 septembre 2021

L'exécutif face à «l'horreur» d'un «acte de guerre»

  • Il n'est pas encore 22H00 le 13 novembre 2015, la France est frappée par l'attaque jihadiste la plus meurtrière de son histoire
  • François Hollande donne son feu vert à une intervention au Bataclan, où deux jihadistes sont enfermés avec douze otages, et convoque un conseil des ministres pour décréter l'état d'urgence

PARIS: Il le redoutait comme une fatalité depuis des mois. Alors lorsque ce soir-là, un journaliste l'appelle pour l'informer qu'une fusillade vient de faucher les clients du bar La Belle équipe, Manuel Valls réalise aussitôt que son cauchemar est devenu réalité.

"Depuis des mois, je suis concentré, marqué, voire obsédé par ce risque-là", se remémore l'ex-Premier ministre. "A ce moment-là, je comprends que nous y sommes, que l'attaque coordonnée et organisée contre la France que nous craignions a commencé (...) qu'on a basculé dans quelque chose qui va être terrible".

Il n'est pas encore 22H00 le 13 novembre 2015, la France est frappée par l'attaque jihadiste la plus meurtrière de son histoire.

Ce vendredi soir, François Hollande assiste au stade de France à une rencontre amicale de football entre la France et l'Allemagne. De la tribune, il est le témoin inattendu du premier acte.

A 21H16, une forte détonation toute proche fait sursauter le chef de l'Etat et les 80.000 spectateurs. Quatre minutes plus tard, un autre "boom". "La deuxième détonation ne me laisse plus de doute", raconte-t-il, "nous sommes frappés par un acte terroriste".

Aussitôt, François Hollande quitte discrètement la tribune présidentielle pour le PC sécurité du stade.

"Je fais continuer la partie de manière à ce qu'il n'y ait pas de panique et de mouvement de foule", poursuit-il. "Mais je sais alors qu'il y a des attaques en plein Paris et que nous sommes devant un acte de grande ampleur (...) un acte de guerre".

Arraché à un dîner en famille, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve le rejoint très vite à Saint-Denis.

Lui aussi anticipait une attaque massive. "Nous n'avons pas d'information spécifique sur ce jour-là, mais nous savons que le niveau de menace est extraordinairement élevé. Et nous ne le cachons d'ailleurs pas aux Français".

«Vertigineux»

"Nous comprenons alors qu'il s'agit d'une attaque importante", poursuit l'ancien ministre, "et qu'il faut immédiatement activer la cellule interministérielle de crise de Matignon de façon à mobiliser l'ensemble des administrations".

Gaspard Gantzer n'a rien oublié de ces quelques minutes où ceux qui dirigent le pays réalisent ce qui est en train de se jouer.

"Personne n'est encore au courant mais nous, nous savons qu'un massacre est déjà en cours", détaille l'ancien communicant de l'ex-président. "On a le sentiment qu'un monde s'effondre sous nos pieds, ça a quelque chose de vertigineux."

Une fois le trio exécutif replié place Beauvau, la réaction s'organise.

François Hollande donne son feu vert à une intervention au Bataclan, où deux jihadistes sont enfermés avec douze otages, et convoque un conseil des ministres pour décréter l'état d'urgence.

"Ça s'est imposé comme une évidence à partir du moment où nous avons compris (...) que nous devions être capables très vite d'agir et de protéger les Parisiens, les Franciliens, les Français, d'organiser dans la mesure du possible, avec méthode, les contrôles aux frontières", commente Manuel Valls.

Et avant-même l'épilogue de la prise d'otages du Bataclan, François Hollande décide de s'adresser aux Français.

"Lui voulait attendre la fin du Bataclan mais il a dû parler avant", dit Gaspard Gantzer. "J'avais reçu des centaines de SMS. Où est le président, pourquoi il n'a pas parlé ? La pression était insupportable".

«C'est une horreur»

Avec une poignée de conseillers, le chef de l'Etat griffonne quelques idées sur une feuille et se lance. Il est près de minuit, toute la France est scotchée devant la télévision. Le président est grave, ému et décrit sans fard la situation. Ses mots claquent: "c'est une horreur".

"Je voulais que chacun comprenne bien que ce qui nous était fait était d'une violence, d'une intensité, d'une volonté morbide, meurtrière", explique François Hollande, "que face à l'horreur nous devions nous-mêmes être des humains".

Sitôt les deux preneurs d'otages neutralisés, le chef de l'Etat ira lui-même se confronter à l'horreur au Bataclan.

"C'est là que je vois des visages, des femmes et des hommes qui sortent de ce lieu hagards, perdus, terrorisés au sens plein du terme et que je me rends compte de l'ampleur de la catastrophe".

Près de la salle de concert, un Parisien interpelle vivement Bernard Cazeneuve: "tout ça, c'est de votre faute !" 

"Ça s'explique par le sentiment d'effroi, la peur qui s'empare du pays, la volonté ou le besoin des Français d'exprimer cette angoisse spontanément", explique aujourd'hui l'ex-ministre.

"On comprend à travers cette phrase que l'ambiance ne sera pas la même qu'après le 11 janvier", observe Manuel Valls. "Les terroristes se sont attaqués à un mode de vie (...) nous savons que la réaction des Français, et la nôtre, nous amènera à d'autres décisions".

Après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, plus d'un million de Français se sont retrouvés dans les rues de Paris pour crier leur amour des libertés. Trois jours après ceux du 13 novembre, le président choisit un discours solennel devant l'Assemblée et le Sénat réunis à Versailles pour marquer "l'unité" du pays.

Elle sera de courte durée.


Mandat d'arrêt de la CPI contre Netanyahu: la France «doit appliquer les règles», estime Braun-Pivet

Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire.  L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI. (AFP)
Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire. L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI. (AFP)
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  • La Cour pénale internationale, à laquelle Israël n'a pas adhéré et dont les États-Unis se sont retirés, a lancé jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de Benyamin Netanyahu et du chef de la branche armée du Hamas palestinien Mohammed Deif
  • "A partir du moment où la France est signataire, adhérente du statut de Rome et reconnaît la CPI, je pense qu'elle doit appliquer les règles qui en découlent, il n'y a pas de raison d'y déroger", a expliqué Yaël Braun-Pivet sur Sud radio

PARIS: La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (Renaissance) a estimé mardi qu'en tant que signataire du statut de la Cour pénale internationale, la France "doit appliquer les règles" et arrêter le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu s'il venait sur le territoire hexagonal.

"A partir du moment où la France est signataire, adhérente du statut de Rome et reconnaît la CPI, je pense qu'elle doit appliquer les règles qui en découlent, il n'y a pas de raison d'y déroger", a expliqué Yaël Braun-Pivet sur Sud radio.

La Cour pénale internationale, à laquelle Israël n'a pas adhéré et dont les États-Unis se sont retirés, a lancé jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de Benyamin Netanyahu et du chef de la branche armée du Hamas palestinien Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

"C'est toute la difficulté de la justice internationale (...), c'est quand même compliqué d'avoir une justice qui n'est pas reconnue par tous", a estimé la présidente de l'Assemblée française, défendant néanmoins "la stricte application du droit".

"En vertu de la séparation des pouvoirs, je n'ai pas d'injonction à faire au gouvernement et au pouvoir exécutif", a-t-elle précisé, "mais, en tout état de cause, il nous faut tirer les conséquences de cette adhésion à la CPI, évidemment".

Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire.

L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI.

A l'inverse, la Hongrie a invité le chef du gouvernement israélien en signe de défiance.


Budget: «pas de catastrophe annoncée» tempère Braun-Pivet face aux menaces de censure

La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a déclaré mardi ne pas envisager de "catastrophe annoncée", face aux menaces de censure qui planent sur le projet de budget de l'Etat pour 2025. (AFP)
La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a déclaré mardi ne pas envisager de "catastrophe annoncée", face aux menaces de censure qui planent sur le projet de budget de l'Etat pour 2025. (AFP)
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  • "J'entends tout et souvent n'importe quoi (...) Nos textes sont bien faits, notre Constitution et nos règles sont là, donc pas de catastrophe annoncée, pas de +shutdown+ à l'américaine (...) Il n'y a pas de scénario catastrophe"
  • Outre les oppositions, certains alliés de Michel Barnier font monter la pression pour limiter les hausses d'impôts

PARIS: La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a déclaré mardi ne pas envisager de "catastrophe annoncée", face aux menaces de censure qui planent sur le projet de budget de l'Etat pour 2025.

"J'entends tout et souvent n'importe quoi (...) Nos textes sont bien faits, notre Constitution et nos règles sont là, donc pas de catastrophe annoncée, pas de +shutdown+ à l'américaine (...) Il n'y a pas de scénario catastrophe", a déclaré Mme Braun-Pivet, invitée sur Sud Radio.

"Le gouvernement peut présenter au Parlement ce qu'on appelle une loi spéciale pour prélever les impôts à partir du 1er janvier, il peut y avoir reconduction des dépenses par décret pour pouvoir payer les fonctionnaires, les retraités, etc. (...) Je ne veux pas inquiéter nos compatriotes. Nous sommes en responsabilité réelle", a-t-elle ajouté.

Interrogée sur les pressions auxquelles est confronté le Premier ministre Michel Barnier - Marine Le Pen pour l'extrême droite puis Mathilde Panot au nom de la gauche ont fermement maintenu lundi leurs menaces de censure du gouvernement après leurs entretiens avec le locataire de Matignon - Yaël Braun-Pivet considère qu'il s'agit plutôt de "positions politiques".

"Le rôle du Premier ministre, lorsqu'il construit un budget, c'est de prendre en compte les expressions des parlementaires élus de la nation représentant les Français. (...) Il faut faire des choix et c'est justement ça qui lui incombe en tenant compte des opinions et des expressions politiques des uns et des autres".

Face à l'intention du RN de voter la censure si le budget restait "en l'état" selon Marine Le Pen, la présidente de l'Assemblée nationale a rappelé que la motion de censure est "un droit constitutionnel qui appartient aux parlementaires" et appelé à ce que "chacun se mette dans une position constructive pour le bien de notre pays".

Outre les oppositions, certains alliés de Michel Barnier font monter la pression pour limiter les hausses d'impôts.

Le chef des députés macronistes Gabriel Attal, qui était reçu mardi matin avec les autres dirigeants du "socle commun", a redit lundi ses "doutes" à ce sujet mais jugé Marine Le Pen "totalement irresponsable", en marge d'un déplacement dans l'Orne.


France: la menace de la censure s'accroît sur le gouvernement Barnier

Cette vue générale prise à Paris le 2 avril 2024, montre le Sénat français lors d'une session. (AFP)
Cette vue générale prise à Paris le 2 avril 2024, montre le Sénat français lors d'une session. (AFP)
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  • Formé le 21 septembre à l'issue de plusieurs semaines de crise politique suivant la dissolution inattendue de l'Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron, en juin, l'exécutif se sait bâti sur du sable, étant minoritaire
  • Le Premier ministre n'a visiblement pas davantage convaincu la cheffe de file des députés de la France insoumise

PARIS: Le risque de censure s'est accru lundi sur le gouvernement français: la cheffe de file de l'extrême droite Marine Le Pen et Mathilde Panot au nom de la gauche ont fermement maintenu leurs menaces en ce sens, après des entretiens avec le Premier ministre conservateur Michel Barnier.

Formé le 21 septembre à l'issue de plusieurs semaines de crise politique suivant la dissolution inattendue de l'Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron, en juin, l'exécutif se sait bâti sur du sable, étant minoritaire.

Une censure ne serait pas "le chaos", a souligné Mme Le Pen après avoir été reçue lundi par M. Barnier.

Alors que selon elle le Premier ministre a "campé sur ses positions", elle a affirmé que le RN ne "renoncer(ait) pas à défendre les Français", refusant de céder "à la petite musique (...) consistant à dire si jamais ce budget est refusé, s'il y a une censure, ça va être dramatique, ça va être le chaos".

Le RN est le parti comptant le plus grand nombre d'élus à l'Assemblée (125 sur 577 sièges).

Le Premier ministre n'a visiblement pas davantage convaincu la cheffe de file des députés de la France insoumise (gauche radicale), Mathilde Panot, qu'il a reçue ensuite.

A sa sortie de l'entretien, Mme Panot a appelé "l'ensemble des députés", y compris du RN, à voter la motion de censure. Elle a prévu de la déposer avec ses alliés du Nouveau front populaire (NFP) si le Premier ministre utilisait l'article 49.3 de la Constitution -qui lui permet de faire passer un texte sans vote- pour forcer l'adoption de son budget 2025 décrié.

Mme Panot a "acté des désaccords profonds" avec M. Banier, le budget étant selon elle "le plus violent socialement et écologiquement" de la Ve République.

Alors que la France est lourdement endettée et que le gouvernement veut faire voter de nombreuses économies, la gauche et l'extrême droite, qui s'y opposent, pourraient le faire tomber ensemble.

"Jusqu'à présent, on avait une opposition de style entre la gauche et le RN", observe le politologue du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Olivier Costa. "La gauche souhaitait censurer le gouvernement Barnier dès que possible, l'estimant illégitime, alors que l'extrême droite souhaitait le laisser œuvrer pour s'afficher en parti responsable".

Mais "pour la première fois depuis que Barnier est en poste, il y a un risque réel d'avoir une motion de censure contre lui", souligne-t-il.

- "Mort politique" -

Un raidissement attribué par nombre d'analystes aux ennuis judiciaires de Marine Le Pen, qui à l'instar de son parti est accusée de détournements de fonds publics européens, pour un préjudice de 4,5 millions d'euros.

Les réquisitions ont été lourdes à l'encontre de Mme Le Pen: cinq ans d'emprisonnement, dont deux ferme, 300.000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité avec exécution immédiate, ce qui signifie qu'elle deviendrait inéligible dès le prononcé du verdict, même en cas d'appel.

"C'est ma mort politique qui est réclamée", considère la candidate trois fois malheureuse à la présidentielle française, qu'une condamnation empêcherait de concourir à celle de 2027.

Alors que le RN refuse officiellement de lier une éventuelle censure à ses ennuis judiciaires, le chercheur Olivier Costa voit dans les déclarations à répétition de ses cadres une "stratégie d'agitation" médiatique.

"Si le gouvernement Barnier tombe, plus personne ne se souciera du procès des assistants parlementaires du RN, alors qu'ils sont actuellement sous le feu de la rampe", estime-t-il.

- "Chienlit" -

Le vote de la motion de censure pourrait intervenir dans la deuxième quinzaine de décembre, si le gouvernement a recours à l'article 49.3.

"Est-ce que le RN passera réellement à l'acte? Je ne sais pas", souligne toutefois le politologue Pascal Perrineau, professeur à Sciences Po Paris, interrogé par l'AFP. Car il y aura selon lui "un coût politique" pour ceux qui feront tomber l'exécutif.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", parce qu'"il n'existe aucune majorité alternative au socle qui soutient le gouvernement", a estimé le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot.

La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a elle évoqué le risque d'"un scénario à la grecque" pour la France, la censure du budget pouvant selon elle plonger le pays dans une crise financière.