BEYROUTH: L'organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) accuse mardi l'Egypte de dizaines d'"exécutions extrajudiciaires" de "terroristes" présumés, appelant la communauté internationale à suspendre ses livraisons d'armes au Caire et à sanctionner ses responsables.
Des officiers de police et de la Sûreté nationale ont "apparemment tué des dizaines de présumés +terroristes+ à travers l'Egypte lors d'exécutions extrajudiciaires présentées comme des +échanges de tirs+", affirme l'organisation basée à New-York, évoquant le chiffre officiel d'au moins 755 personnes tuées dans 143 échanges de tirs entre janvier 2015 et décembre 2020 -- pour un seul suspect arrêté.
Et ce alors que les personnes tuées "ne représentaient pas un danger imminent pour les forces de sécurité ou d'autres personnes quand elles ont été abattues et, pour beaucoup, se trouvaient déjà en détention", selon HRW.
Dans la plupart des cas, les autorités assurent que les affrontements ont été initiés par les "terroristes" -- souvent accusés d'être membres de la confrérie désormais interdite des Frères musulmans, dont était issu le défunt président Mohamed Morsi, renversé en 2013.
Depuis l'arrivée au pouvoir du président Abdel Fattah al-Sissi en 2014, les autorités mènent une impitoyable répression contre tous types d'opposition, islamiste comme libérale.
En rétorsion, "les partenaires internationaux de l'Egypte devraient cesser de lui livrer des armes et imposer des sanctions aux agences de sécurité et aux officiels responsables de ces abus qui continuent", poursuit le rapport.
HRW assure que des analyses indépendantes prouvent que dans trois cas sur cinq étudiés, l'hypothèse d'un échange de tir est impossible. "Des photographies montrent que les mains (...) ont été entravées ou menottées dans le dos peu avant le décès", détaille le document.
L'ONG a interrogé des proches, des avocats, des militants et un journaliste sur les cas de 14 hommes. "Huit proches ont rapporté qu'eux-mêmes ou des amis avaient assisté à l'arrestation (de l'un d'eux) très probablement par la Sûreté nationale, avant que leur mort ne soit annoncée", affirme HRW.
Huit autres personnes "ont dit avoir vu des signes de ce qu'ils appellent des sévices sur le cadavre de leur proche, dont des brûlures, des coupures, des fractures ou des dents déchaussées", ajoute l'ONG.
"Les incidents étudiés démontrent un schéma clair d'exécutions illégales qui se répète et font peser de sérieux doutes sur l'ensemble des +échanges de tirs+ rapportés", conclut-elle.
En mars, 31 pays avaient exhorté l'Egypte à cesser d'user de sa législation antiterroriste pour museler l'opposition et maintenir indéfiniment ses critiques en détention préventive dans un pays qui compte plus de 60 000 détenus d'opinion, selon des ONG.