Les «visions dantesques» de l'ex-procureur de Paris François Molins

L'ancien procureur de Paris François Molins (Photo, AFP).
L'ancien procureur de Paris François Molins (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 08 septembre 2021

Les «visions dantesques» de l'ex-procureur de Paris François Molins

  • Le 13 novembre 2015, la France a basculé dans «une autre dimension»
  • «On ne s'attend pas à voir tout ça», confie la gorge nouée François Molins, déjà marqué par l'horreur de la tuerie à Charlie Hebdo dix mois plus tôt

PARIS: Six ans n'ont pas effacé les "visions dantesques" des pires attentats de l'après-guerre: le 13 novembre 2015 reste pour l'ancien procureur de Paris François Molins cette "nuit dense et tragique" où la France a basculé dans "une autre dimension".

C'était un soir particulièrement doux pour la saison. Alors que les Parisiens se massent sur les terrasses, François Molins s'apprête à aller se coucher après "une semaine assez fatigante" à Marrakech pour un sommet sur la lutte antiterroriste.

A "21h25-21h30, j'ai eu un appel m'avisant qu'une explosion avait eu lieu sur l'une des portes du Stade de France, la porte D, et qu'il y avait un mort à déplorer", se remémore avec précision celui qui est devenu en 2018 procureur général près la Cour de cassation. 

Les premiers renseignements sont comme souvent "parcellaires", mais l'information vite vérifiée.

Le patron du parquet de Paris rallume sa télé. Des bandeaux d'une chaîne d'information évoquent "des fusillades en cours", "des mitraillages de terrasses avec des kalachnikovs", de nombreux morts.

François Molins comprend "tout de suite" qu'on est "en plein dedans". Dedans, c'est cette menace d'attentats jihadistes de grande ampleur tant redoutée depuis des mois.

Pour le magistrat, il n'y a pas une minute à perdre. Il s'agit de vite "prendre les bonnes décisions et dans le bon tempo".

En lien avec la cheffe de la section antiterroriste du parquet, Camille Hennetier, qui représentera l'accusation au procès qui s'ouvre en septembre avec deux autres avocats généraux, il saisit les services d'enquête, lance une cellule de crise, rappelle "les collègues". 

Puis il fait "immédiatement revenir" ses officiers de sécurité pour "partir sur place". 

"Abominable"

François Molins est l'un des premiers arrivés, "vers 22h15-22h30", sur les terrasses mitraillées à l'arme de guerre. "Je me suis retrouvé devant des scènes... lourdes et assez terribles", raconte le magistrat, son regard bleu clair se voilant à l'évocation de "tous ces gens couchés sur les trottoirs", des "visions dantesques".

Le procureur de Paris débarque d'abord devant La Bonne bière.

Un brigadier du XIe arrondissement le repère dans la mêlée des pompiers, des policiers et des médecins venus secourir les blessés. "Tout de suite, (il) a pris son gilet pare-balles pour me le mettre. C'était une entrée en matière un petit peu brutale", commente laconiquement M. Molins.

Au Carillon, il se fait raconter par "une dame derrière le comptoir", encore sous le choc, "la voiture arrêtée, le commando qui descend et puis les rafales au fusil d'assaut".

Après les terrasses, le procureur rejoint ses collègues au Bataclan, où la scène est "plutôt figée". Deux policiers de la BAC (brigade anti-criminalité) viennent de "neutraliser l'un des terroristes", les deux autres se sont réfugiés avec des otages au premier étage. 

Pendant de longues heures, les magistrats du parquet de Paris, les responsables policiers et des services de secours sont maintenus à distance de la salle de concerts, dans un bar où ils peuvent "boire un peu d'eau et recharger les batteries des portables, qui s'usent beaucoup dans ces moments-là".

Ils assistent aussi à la sortie du Bataclan de "grappes humaines, il n'y a pas d'autre mot, à moitié nues", retrace M. Molins.

Une fois l'assaut donné et les démineurs passés, le procureur peut entrer au Bataclan. Il y pénètrera trois fois. "On ne s'attend pas à voir tout ça", confie la gorge nouée François Molins, déjà marqué par l'horreur de la tuerie à Charlie Hebdo dix mois plus tôt.

Traque

Pudiquement, il évoque aussi l'écoute de "toute la bande-son", l'enregistrement sonore capté à l'intérieur où l'on entend distinctement "les discours des terroristes, les cris des victimes et les coups (...) des exécutions". "Quand on a vu, puis qu'on entend, c'est particulièrement abominable", lâche le magistrat.

Le 14 novembre en fin de journée, François Molins donne sa première conférence de presse sur les attentats.

Les traits creusés, le procureur, devenu depuis les tueries de Mohamed Merah le visage qui rassure après chaque attentat, débute par un message de compassion pour les victimes. Puis il livre le déroulé, presque minute par minute, de cette "barbarie".  

Neuf scènes de crimes, pas d'auteurs: "l'enquête ne fait que débuter".

Elle va progresser très rapidement grâce aux données téléphoniques d'un des kamikazes du Stade de France, qui orientent les investigations vers la Belgique. Parallèlement s'engage la chasse aux deux survivants du commando des terrasses, Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh.

Elle s'achève le 18 novembre par la mort des deux jihadistes lors d'un assaut du Raid à Saint-Denis.

Ces "cinq jours très intenses" restent un moment "complètement hors norme" dans la carrière du haut magistrat.

Son bureau à la Cour de cassation n'est situé qu'à quelques encablures de la salle qui accueillera le procès tout aussi exceptionnel de ces attentats. Il n'y assistera pas "par délicatesse" envers ses anciens collègues. Mais suivra "de très près" les débats.


Un influenceur franco-iranien jugé en juillet pour apologie du terrorisme

La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels. (AFP)
La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels. (AFP)
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  • La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels
  • Se présentant comme journaliste indépendant sur TikTok, où il est suivi par 330.000 abonnés, le mis en cause, qui s'est fait connaître avec une association d'aide aux plus démunis, y partage de nombreux contenus sur l'actualité du Moyen-Orient

BOBIGNY: Un influenceur franco-iranien sera jugé début juillet devant le tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour apologie du terrorisme, ont indiqué jeudi à l'AFP le parquet et ses avocats.

Shahin Hazamy, 29 ans, s'est vu "délivrer une convocation à une audience du 3 juillet pour apologie du terrorisme par un moyen de communication en ligne en public", a déclaré le parquet, confirmant son arrestation mardi révélée par le magazine Le Point.

La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels.

Se présentant comme journaliste indépendant sur TikTok, où il est suivi par 330.000 abonnés, le mis en cause, qui s'est fait connaître avec une association d'aide aux plus démunis, y partage de nombreux contenus sur l'actualité du Moyen-Orient.

"En s'en prenant à un journaliste la justice envoie un très mauvais signal à la liberté de la presse. Notre client Shahin Hazamy a subi un traitement inadmissible, avec une perquisition devant ses enfants en bas âge alors que les faits reprochés ont bientôt deux ans", ont déclaré à l'AFP ses avocats Nabil Boudi et Antoine Pastor.

Ces poursuites font suite à l'arrestation fin février d'une autre Iranienne en France, Mahdieh Esfandiari, actuellement écrouée pour apologie du terrorisme dans le cadre d'une information judiciaire confiée au Pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLH).

Annonçant cette nouvelle arrestation en France d'un de ses ressortissants, la télévision d'Etat iranienne a fustigé mercredi une "violation flagrante de la liberté d'expression dans un pays qui prétend être une démocratie".


Macron appelle à intégrer Mayotte dans la Commission de l'océan Indien

Le président français Emmanuel Macron a demandé jeudi "l'intégration" du département français de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), en plaidant pour une "approche pragmatique" face à l'hostilité des Comores. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron a demandé jeudi "l'intégration" du département français de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), en plaidant pour une "approche pragmatique" face à l'hostilité des Comores. (AFP)
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  • "Nous ne pouvons pas laisser un territoire et ceux qui y vivent à l'écart d'un certain nombre de nos programmes", a dit M. Macron, en citant expressément Mayotte, au cinquième sommet de la COI dans la capitale malgache Antananarivo
  • Mais à la différence de La Réunion, autre département français dans cette partie du monde, Mayotte reste à la porte de l'organisation intergouvernementale

ANTANANARIVO: Le président français Emmanuel Macron a demandé jeudi "l'intégration" du département français de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), en plaidant pour une "approche pragmatique" face à l'hostilité des Comores.

"Nous ne pouvons pas laisser un territoire et ceux qui y vivent à l'écart d'un certain nombre de nos programmes", a dit M. Macron, en citant expressément Mayotte, au cinquième sommet de la COI dans la capitale malgache Antananarivo.

La COI réunit les États insulaires (Madagascar, Comores, Maurice, Seychelles et La Réunion pour la France) dans le sud-ouest de l'océan Indien.

Mais à la différence de La Réunion, autre département français dans cette partie du monde, Mayotte reste à la porte de l'organisation intergouvernementale.

"L'implication de nos populations, l'intégration de toutes nos îles dans les efforts de la COI pour la prospérité et la sécurité, dans la pluralité de ses dimensions maritime, alimentaire et pour la santé sont dans l'intérêt de nos peuples et de la région", a insisté M. Macron.

Il a suggéré toutefois d'"avancer de manière pragmatique vers cet objectif", sans réclamer l'intégration pleine et entière immédiate de l'archipel.

"La France est le premier bailleur de la COI", a-t-il aussi souligné, en précisant que l'Agence française du développement (AFD) gérait un "portefeuille de 125 millions d'euros de projets" de l'organisation.

"La COI est un modèle de coopération (...) Aucune de nos îles ne peut relever seule le défi", a-t-il ajouté, évoquant un "océan Indien profondément bousculé" par les défis planétaires actuels.

"Ensemble, en conjuguant nos atouts (..) nous pouvons tracer une voie nouvelle singulière", a-t-il assuré.

L'Union des Comores s'oppose à l'intégration de Mayotte dans la COI car elle conteste la souveraineté de la France sur Mayotte, restée française lorsque l'archipel des Comores est devenu indépendant en 1975.

Mayotte, tout comme les îles Éparses, autre territoire français hérité de la colonisation et revendiqué par Madagascar, sont au cœur du canal du Mozambique, voie majeure de transport maritime qui renferme d'importantes réserves en hydrocarbures.


Narcobanditisme à Marseille: le ministre de l'Intérieur annonce 21 arrestations dans «le haut du spectre»

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) s'entretient avec la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence Martine Vassal et le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur Renaud Muselier lors d'une visite d'inspection des mesures de sécurité publique à Marseille. (AFP)
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) s'entretient avec la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence Martine Vassal et le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur Renaud Muselier lors d'une visite d'inspection des mesures de sécurité publique à Marseille. (AFP)
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  • Les personnes arrêtées sont de "hauts responsables qui tiennent un réseau à la Castellane", "pas du menu fretin", a-t-il insisté: ce "ne sont pas des petites mains, des charbonneurs, mais des responsables de haut niveau du narcobantitisme"
  • Toutes ces interpellations jeudi matin n'ont cependant pas eu lieu à Marseille, pour ce réseau qui présente des "ramifications nationales mais avec des racines marseillaises", a ajouté le ministre sans plus de détail

MARSEILLE: Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a annoncé jeudi un coup de filet avec 21 interpellations de trafiquants appartenant au "haut du spectre" du narcobanditisme marseillais, lors d'un déplacement à Marseille.

Une opération "a eu lieu très tôt ce matin avec 21 interpellations liées au narcobanditisme, dans le haut de spectre, qui doit nous permettre de démanteler un réseau important sur Marseille", qui tenait la cité de la Castellane, dans les quartiers populaires du nord de la ville, a déclaré Bruno Retailleau lors d'une conférence de presse.

Les personnes arrêtées sont de "hauts responsables qui tiennent un réseau à la Castellane", "pas du menu fretin", a-t-il insisté: ce "ne sont pas des petites mains, des charbonneurs, mais des responsables de haut niveau du narcobantitisme", a insisté M. Retailleau.

Selon une source policière, cette enquête portait notamment sur du blanchiment.

Toutes ces interpellations jeudi matin n'ont cependant pas eu lieu à Marseille, pour ce réseau qui présente des "ramifications nationales mais avec des racines marseillaises", a ajouté le ministre sans plus de détail.

Au total, 170 enquêteurs ont été mobilisés pour ce coup de filet qui est, selon le ministre, "un coup dur", "sinon mortel", porté à ce réseau.

La cité de la Castellane, vaste ensemble d'immeubles blancs en bordure d'autoroute, est connue pour être un haut lieu marseillais de ces trafics de stupéfiants qui empoisonnent le quotidien des habitants. En mars 2024, Emmanuel Macron s'y était rendu pour lancer des opérations "place nette XXL" contre les trafiquants et depuis la présence policière y était quasi constante, mais si le trafic était moins visible il se poursuivait notamment via les livraisons.

Ce coup de filet n'a a priori "pas de lien" avec les récents faits visant des prisons en France, a également précisé le ministre.

Le ministre était à Marseille pour dresser un premier bilan des plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien, lancés en février, avec par exemple mercredi 1.000 fonctionnaires mobilisés dans les Bouches-du-Rhône qui ont procédé à 10.000 contrôles d'identité.

Au total, 106 personnes ont été interpellées, dont une trentaine d'étrangers en situation irrégulière, dans le cadre d'une opération "massive" et "visible".