KRANJ, SLOVENIE : Les pays de l'UE ont détaillé vendredi leurs conditions pour leur relation future avec les talibans, et décidé de se coordonner pour assurer une présence civile à Kaboul afin d'aider aux évacuations, sous réserve que la sécurité le permette.
"Nous devons parler avec le nouveau gouvernement afghan, ce qui ne signifie pas une reconnaissance, c'est un dialogue opérationnel", a déclaré le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, lors d'une conférence de presse à l'occasion d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE en Slovénie.
"Ce dialogue opérationnel s'intensifiera en fonction du comportement de ce gouvernement", a-t-il ajouté.
Il a exposé une série de conditions, alors que le nouveau gouvernement à Kaboul doit être dévoilé par les talibans au plus tôt ce samedi.
Les Européens posent notamment comme conditions que l'Afghanistan ne serve pas de base arrière au terrorisme, le respect des droits humains, notamment ceux des femmes, la liberté de la presse, un gouvernement "inclusif et représentatif" et un accès sans entrave pour l'aide humanitaire, que l'UE envisage d'augmenter.
De retour au pouvoir 20 ans après en avoir été chassés par une coalition emmenée par les Etats-Unis, les talibans ont multiplié, depuis leur prise de Kaboul le 15 août, les déclarations d'ouverture visant à rassurer la population et la communauté internationale.
«Conditions pas négociables»
Josep Borrell a ajouté que les talibans devaient respecter leur engagement à permettre aux ressortissants étrangers et aux Afghans en danger de quitter le pays, après la fin des opérations d'évacuation dirigées par les Etats-Unis fin août.
"Pour nous, ces conditions ne sont pas négociables", a commenté le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas.
"Bien sûr, personne ne se fait d'illusion sur le fait qu'elles seront toutes remplies à 100% dans les jours qui viennent", a-t-il ajouté, évoquant une "tâche sur le long terme".
"Nous ne voulons pas juger les talibans et le gouvernement sur leurs paroles mais sur leurs actes", a poursuivi le ministre allemand, ajoutant que le dégel de l'aide au développement en dépendrait.
Pour permettre le départ de ceux qui n'ont pu être évacués, les pays de l'UE sont convenus d'établir une "présence" à Kaboul.
Selon M. Borrell, les personnes à évacuer sont "quelques centaines ou milliers" : "elles ont travaillé avec nous ou ont travaillé à construire un Afghanistan démocratique et libre".
Il a indiqué que les 27 avaient décidé de "coordonner (leurs) contacts avec les talibans, y compris via une présence à Kaboul (...) si les conditions de sécurité le permettent". Si la sécurité n'est pas assurée, "nous irons à Doha", a ajouté l'Espagnol.
Mais "nous n'allons pas rouvrir une délégation avec un chef de délégation comme si rien ne s'était passé", a-t-il précisé.
Les diplomates européens ont quitté l'Afghanistan pour rejoindre des Etats voisins ou rentrer dans leurs pays.
Mais l'UE redoute qu'une absence diplomatique européenne ne laisse le champ libre à des puissances comme la Russie, la Chine, l'Iran, le Pakistan ou encore le Qatar, qui ont gardé leurs ambassades ouvertes.
Heiko Maas a indiqué que les pays de l'UE auraient besoin de "garanties sur la sécurité" avant le retour de diplomates.
"Si nous voulons aider les Afghans, nous avons besoin de gens sur place", a-t-il dit.
Les Nations unies ont indiqué avoir repris les vols humanitaires dans le nord et sud du pays.
Le chef de la diplomatie de l'UE a aussi évoqué la nécessité de poursuivre, via "une plateforme politique régionale de coopération", la collaboration avec les pays voisins de l'Afghanistan.
Mardi, à l'occasion d'une réunion de leurs ministres de l'Intérieur, les Vingt-Sept s'étaient engagés à soutenir les pays de la région dans l'accueil des réfugiés fuyant les talibans.
L'UE souhaite éviter un afflux migratoire sur son sol comme en 2015, ce qui ne s'est toutefois pas produit jusqu'à présent. Le Pakistan et l'Iran accueillent les plus gros contingents de réfugiés afghans.