DERNAU: Dans l'école élémentaire de Dernau, à l'ouest de l'Allemagne, les rires d'enfants ont cédé la place au bruit assourdissant de marteaux-piqueurs. L'école est le chantier d'une équipe de bénévoles que Rebekka et sa mère ont rejoint pour la journée.
"Jusqu'ici j'avais des examens et donc pas de temps", raconte cette étudiante de 22 ans à l'AFP, masque anti-poussière autour du cou. "Mais j'avais toujours dit que je viendrai dès que possible" dans les régions durement touchées par les inondations historiques de la mi-juillet.
Dernau, dans la bucolique vallée de l'Ahr, non loin de Bonn, est l'une des nombreuses communes sinistrées où se relaient sans discontinuer, depuis les premiers jours de la catastrophe, des brigades de volontaires venus de tout le pays pour aider dans la tâche monumentale de déblayer, nettoyer, reconstruire.
Aux côtés des structures publiques, comme la protection civile, les pompiers et de nombreuses associations, ils apportent depuis près de deux mois une contribution essentielle, reconnue par les autorités.
"La plupart de l'aide est privée", affirme Marita, 78 ans, dont la maison, à quelques rues de l'école Saint Martin, est désormais inhabitable, à l'image de rues entières du centre-ville après les crues qui ont fait plus de 180 morts dans l'ouest de l'Allemagne.
Dessins du monde d'avant
En pleine campagne électorale, les politiciens "sont en plein combat de boue, mais la vraie boue est ici, et eux ne le sont pas", renchérit Christine Jahn, une bénévole venue de Saxe.
Avant une visite de la chancelière Angela Merkel dans la région, vendredi, un sentiment d'abandon se propage là où beaucoup ont tout perdu.
"Ca ne sert pas à grand chose, si elle vient mais qu'on ne reçoit pas énormément d'aides de la part de l'Etat", lance Marita, qui assure vouloir se réinstaller à Dernau une fois son logement reconstruit.
L'Allemagne a débloqué cet été des centaines de millions d'euros d'aides d'urgence pour les sinistrés, promettant une distribution sans bureaucratie superflue. Un programme massif de reconstruction doté de 30 milliards d'euros a été adopté par le gouvernement.
Dans un couloir de l'école, une chaîne humaine s'est formée pour sortir, seau après seau, les gravats du bâtiment, dont le rez-de-chaussée et le sous-sol doivent être entièrement rénovés.
La mère de Rebekka, Judith, est à Dernau depuis plusieurs semaines. Avec sa fille, cette enseignante de Cologne s'occupe de retirer des murs les dessins colorés, reliques du monde d'avant.
Christine Jahn, retraitée de 66 ans, se dévoue quant à elle pour fournir café et sandwichs aux volontaires, à quelques kilomètres du village, au pied d'une immense usine Haribo, où certains passent les nuits dans des tentes.
Ici, les bénévoles sont accueillis et reçoivent outils ou équipements de protection avant d'être répartis en bus, là où leur aide est la plus utile.
Cette ancienne ouvrière originaire de l'ex-RDA, à l'autre bout du pays, est venue directement après la catastrophe pour prêter main forte.
"Je suis à la retraite, n'ai pas besoin de poser des congés, mais j'arrive toujours à m'activer -- probablement un peu moins vite que les jeunes, mais ça va !", lance-t-elle.
Elle repartira dans quelques jours, pour son premier long repos, avec des griefs contre les autorités.
"Ils auraient dû organiser plus de choses, mais ils sont assis sur leurs chaises dans leurs bureaux", accuse-t-elle.
Boutique solidaire
Dans la gare de Dernau, hors service depuis les crues, s'empilent pâtes, boîtes de soupe et tubes de dentifrice.
Le bâtiment de briques aux poutres rouges apparentes sur la façade, s'est transformé en boutique solidaire baptisé "Tante Emma", centralisant les dons, distribuant machines et outils aux habitants.
Arrivé il y cinq semaines, Daniel fait partie des piliers du lieu.
"Mon nouveau contrat démarre le 1er décembre, j'ai du temps d'ici-là", raconte l'aide soignant de 29 ans.
"Rien ne fonctionne ici sans les bénévoles" car "nos institutions étaient complètement défaillantes", selon lui.
"Tante Emma" se prépare d'ores et déjà à passer l'hiver, prévient Thorsten Cirkel, l'âme de la boutique.
"Cela va probablement durer des mois, jusqu'à ce qu'il y ait un vrai magasin dans le village", juge le quinquagénaire.