LONDRES : Le Royaume-Uni a défendu mercredi sa volonté de revenir sur certains engagements pris dans le cadre du Brexit, une violation assumée du droit international qui provoque la colère des Européens à un moment critique des négociations sur la future relation entre le Royaume-Uni et les 27.
Signe de la gravité de la situation, l'UE a annoncé dans la nuit que le vice-président de la Commission européenne « Maros Sefcovic se rendra à Londres jeudi pour rencontrer le ministre britannique Michael Gove pour une réunion extraordinaire du comité mixte ».
Il s'agit « d'obtenir des clarifications du Royaume-Uni quant à l'application pleine et entière, et à la date prévue, de l'accord de retrait », a expliqué le porte-parole de l'exécutif européen Eric Mamer sur Twitter.
Plus de sept mois après la sortie historique du Royaume-Uni de l'Union européenne, les deux parties sont censées s'accorder avant la fin de l'année sur les modalités de leur coopération, commerciale ou sécuritaire.
Dans ce contexte délicat, le gouvernement britannique a publié le projet de loi retouchant pour le « clarifier » le divorce officiellement prononcé en janvier dernier.
Concernant en particulier les dispositions douanières en Irlande du Nord, il est destiné à faciliter les échanges commerciaux au sein du Royaume-Uni après la fin de la période de transition post-Brexit qui s'achèvera fin décembre.
Mais en retoquant un traité international, ce texte « viole le droit international d'une manière très spécifique et limitée », de l'aveu même du ministre chargé de l'Irlande du Nord, Brandon Lewis.
Pour la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, une telle violation « saperait la confiance » entre les deux partenaires. L'Allemande s'est dite dans un tweet « très préoccupée » par les annonces britanniques, soulignant locution latine à l'appui que le respect des conventions représente le « fondement de relations futures prospères ».
« Etat voyou »
La décision britannique a suscité une pluie de critiques, jusque dans le camp conservateur de Boris Johnson, y compris de la part d'anciens chefs du gouvernement, de Theresa May à John Major. Ce dernier estime que si le Royaume-Uni « perdait sa réputation d'honorer ses promesses », il perdrait « quelque chose qui n'a pas de prix et que nous ne retrouverons peut-être jamais ».
Devant les députés, Boris Johnson a défendu un texte qui vise à « garantir la fluidité et la sécurité » du marché intérieur britannique.
Le protocole nord-irlandais vise à garantir l'absence de frontière physique entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande, membre de l'UE, et à éviter la résurgence de tensions dans cette région, ensanglantée par trois décennies de « troubles » jusqu'à la signature de l'accord de paix du Vendredi saint en 1998.
Le retour de contrôles douaniers fait craindre un regain de tensions dans la province britannique.
Il s'agit de « protéger notre pays contre l'interprétation extrême ou irrationnelle du protocole, qui pourrait conduire à une frontière en mer d'Irlande d'une manière qui, à mon avis serait préjudiciable à l'intérêt de l'accord du Vendredi Saint et préjudiciable aux intérêts de la paix dans notre pays », a plaidé M. Johnson.
Le leader des indépendantistes écossais du SNP à la Chambre des communes, Ian Blackford, l'a accusé de créer un « état voyou ».
Crainte d'un « no deal »
Le gouvernement allemand a dit « attendre » du Royaume-Uni la mise en œuvre « complète » de l'accord sur le Brexit.
« Des engagements ont été pris, ils doivent être appliqués. Entre amis et alliés, nous devons tenir parole et respecter le droit », a renchéri le secrétaire d'Etat français chargé des affaires européennes Clément Beaune.
Malgré sa sortie de l'UE, le Royaume-Uni reste régi par la réglementation européenne jusqu'à fin décembre, période de transition pendant laquelle les deux parties tentent de conclure un accord de libre-échange. Les discussions calent et font craindre un « no deal » destructeur pour l'économie.
Tout en défendant sa manœuvre, le gouvernement britannique pilote une huitième session de négociations avec l'UE qui s'est ouverte mardi, et doit durer jusqu'à jeudi.
La France se prépare « à tous les scénarios », selon le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.
Avant le démarrage, le négociateur britannique David Frost avait appelé l'UE à « faire preuve de plus de réalisme sur le statut de pays indépendant » du Royaume-Uni.
Les négociations butent notamment sur la pêche et les conditions de concurrence équitable.
Le temps presse, Bruxelles voulant un accord d'ici à la fin octobre pour permettre une ratification dans les temps. Boris Johnson a averti de son côté que faute de compromis d'ici au sommet européen du 15 octobre, il se satisferait d'un « no deal ».