Nigeria: après la déradicalisation, la désillusion des repentis de Boko Haram 

Dans cette région ravagée par le conflit, où 4,3 millions de personnes sont en situation d'insécurité alimentaire selon l’ONU, les millions de dollars investis pour réhabiliter les anciens combattants sont parfois très mal vus par la population qui manque de tout. (Photo, AFP)
Dans cette région ravagée par le conflit, où 4,3 millions de personnes sont en situation d'insécurité alimentaire selon l’ONU, les millions de dollars investis pour réhabiliter les anciens combattants sont parfois très mal vus par la population qui manque de tout. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 02 septembre 2021

Nigeria: après la déradicalisation, la désillusion des repentis de Boko Haram 

  • Abubakar, 48 ans, cultivait ses champs et ne manquait de rien, jusqu’au jour où Boko Haram a envahi son village de l’Etat du Borno, épicentre de l’insurrection
  • «Malgré la peur d'être capturés par les djihadistes, rester n’était pas une option»

MAIDUGURI: Assis sur des nattes, quatre hommes aux frêles silhouettes battues par le vent du désert cousent de petits chapeaux traditionnels, histoire de rompre l’ennui. Non loin, les femmes font bouillir des marmites et les enfants jouent entre les abris de tôle érigés sur la terre sèche.


Dans le Nord-Est du Nigeria, la scène est banale. Elle se répète à l'infini dans les innombrables camps qui accueillent quelque deux millions de déplacés fuyant l'insurrection jihadiste de Boko Haram.


Mais ce n’est pas vraiment l’avenir qu’avaient imaginé Aliyu, Abubakar, Muhammad et Mallam - dont les noms ont été changés par mesure de sécurité: présentés comme d'anciens combattants du groupe islamiste Boko Haram, ils ont intégré le programme de "déradicalisation" du gouvernement nigérian.


Après des années de détention traumatisantes, selon eux, dans des cellules sales et surpeuplées, les quatre hommes ont fini par échouer dans ce camp, sans argent ni travail, bien loin du nouveau départ que leur avait promis le gouvernement.


Le Nigeria a lancé en 2016 l’Opération "Safe Corridor", offrant la possibilité de déposer les armes à ceux qui se portent volontaires. Il mène en parallèle des offensives militaires contre les insurgés de Boko Haram et de sa branche dissidente, L’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap). Le conflit a fait plus de 40 000 morts en 10 ans.


Mais tous ne sont pas éligibles. Les profils des combattants sont d'abord passés au peigne fin pour sélectionner ceux qui présentent une menace "faible", avant leur transfert dans un centre de déradicalisation à Mallam Sidi, une ville de l’Etat de Gombe (Nord-Est).


Pendant six mois, ils sont censés suivre des cours d’alphabétisation, une formation professionnelle et religieuse et reçoivent une aide psychosociale.


Les Etats-Unis, l'Union européenne et la Grande-Bretagne ont déboursé des millions de dollars pour financer le programme, soutenu par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et coordonné par l’armée nigériane.

Détenus par «erreur»

Pour son patron, le général Mohammed Maina, "l'opération Safe Corridor a enregistré d'énormes succès".


"Plus de 800 ex-combattants repentis ont été déradicalisés, réhabilités et réintégrés avec succès", a-t-il assuré dans une réponse écrite à l'AFP début juillet.


D'autres pourraient bientôt suivre: l'armée a annoncé début août examiner les cas de 335 combattants qui se sont récemment rendus.


Pourtant, d’après les quatre hommes rencontrés, le parcours de sortie est assez éloigné de la version officielle: ils affirment avoir été détenus pendant des années sans faire l’objet de poursuites et dans des conditions très rudes, avant de pouvoir accéder au programme de réhabilitation.


Pire, deux d'entre eux, Abubakar et Mallam se présentent comme des cultivateurs n’ayant jamais collaboré avec les jihadistes et détenus à tort avec beaucoup d’autres citoyens ordinaires, y compris des enfants.


Leurs parcours individuels sont difficiles à vérifier, mais ces dernières années, plusieurs rapports, notamment de l’Agence américaine de développement (Usaid) et de l'ONG Amnesty International, ont documenté des centaines de témoignages similaires.


Dans un rapport publié cette année, le think-tank International Crisis Group (ICG) rapporte que, selon les personnes ayant suivi le programme qu’il a interrogées, pas plus d’un quart des pensionnaires du centre de réhabilitation étaient réellement membres de Boko Haram


"La plupart des autres (...) sont des civils ayant fui les zones contrôlées par Boko Haram, que les autorités ont considéré à tort comme des jihadistes et détenus avant de les inclure dans Safe Corridor", affirme le rapport.


Des allégations démenties par le général Maina: "les ex-combattants sont sélectionnés après un profilage et une enquête approfondis".


Par ailleurs, selon une source très bien informée et ayant requis l'anonymat, plusieurs dizaines d’ex-combattants de haut rang -- dont des commandants -- sont également passés par le centre de déradicalisation de Gombe, dans le cadre d'un programme différent.

«Pris au piège»

Abubakar, 48 ans, cultivait ses champs et ne manquait de rien, jusqu’au jour où Boko Haram a envahi son village de l’Etat du Borno, épicentre de l’insurrection.


A partir de ce jour-là, "mes revenus ont commencé à diminuer parce qu'ils prenaient nos récoltes (...) même la nourriture que nous préparions", raconte ce père de trois enfants.


"Ils nous observaient, nous surveillaient (...) nous étions pris au piège. Nous n’avions pas le choix, ils avaient des armes."


Mallam, 52 ans, cultivait du sorgho et des haricots dans un autre village du Borno.


Quand ils sont arrivés, les jihadistes ont ordonné aux hommes de laisser pousser leur barbe et aux femmes de rester à la maison. Il raconte avoir une fois reçu 80 coups de fouet pour avoir acheté des cigarettes.


Les deux agriculteurs ont décidé de s'échapper avec leurs familles.


"Nous sommes partis au milieu de la nuit (...) Nous étions une centaine", affirme Abubakar qui avait entendu à la radio le gouvernement appeler les civils à quitter les zones occupées par Boko Haram.


Malgré la peur d'être capturés par les djihadistes, rester n’était pas une option.


"Nous savions qu'un jour ils nous tueraient parce que nous ne les acceptions pas", explique Mallam, qui a cinq enfants.


Mais une fois en territoire contrôlé par l'armée, les deux agriculteurs affirment avoir été arrêtés. Soupçonnés de soutenir les insurgés, ils ont été emmenés à la caserne de Giwa, aux conditions de détention tristement célèbres, à Maiduguri, la capitale du Borno.


Ce ne serait que la première étape d'un long parcours carcéral.

«Pas de nourriture, pas de toilettes»

Abubakar et Mallam assurent y avoir passé respectivement huit et quatre mois.


"Il n'y avait pas de nourriture, pas de toilettes, des parasites partout (...) les gens mouraient tous les jours", raconte Mallam.


Abubakar et son fils de 13 ans occupaient une cellule avec 450 personnes. "Nous devions tous nous tenir debout tellement c'était plein", se souvient-il.


Puis ils ont été séparés. Mallam assure avoir appris la libération de son fils au bout de quelques mois à Giwa, seulement six ans plus tard, à sa sortie du programme.


En 2016, Amnesty avait accusé l'armée de détenir en masse et sans "aucune preuve" des membres et sympathisants présumés de Boko Haram sur des sites militaires, tels que Giwa.


"Ils ont dû être impliqués, volontairement ou non", a réagi le porte-parole de l'armée, Onyema Nwachukwu, à propos des agriculteurs Mallam et Abubakar. "Nous ne détenons pas les gens de manière arbitraire", a-t-il déclaré à l'AFP.


Pour les militaires, tout activité consistant à fournir des vivres, du carburant ou des médicaments à Boko Haram, même sous la contrainte, suffit à rendre quiconque suspect.


D’après M. Nwachukwu, l’armée "n'arrête pas les enfants" mais les femmes détenues après avoir rejoint les rangs de Boko Haram demandent parfois à garder leurs enfants avec elles.

«Se battre était notre devoir»

Les anciens combattants Aliyu et Muhammad ont eux aussi séjourné à la caserne de Giwa après leur rédition, et en gardent un souvenir amer.


"Ils nous ont dit que nous allions passer deux à trois mois à Giwa (…) mais cela s'est transformé en 18 mois", a déclaré Muhammad. "C'était vraiment horrible".


Aliyu avait 18 ans lorsqu’un voisin a commencé à lui parler du "gouvernement corrompu", à lui enseigner sa vision de l’islam et à lui donner de l’argent. C'est comme ça qu’il s’est "radicalisé".


Un jour, il a quitté village et parents, jusqu’à la forêt de Sambisa, principal fief de Boko Haram.


Après avoir étudié le Coran et s’être formé au maniement des armes, Aliyu, aujourd'hui âgé de 28 ans, est devenu trafiquant d'armes, puis combattant, prenant part à de "grandes attaques".


"Nous l'avons fait à cause de la religion", assure-t-il. "C'était notre devoir".


Muhammad, 25 ans, était encore enfant et mendiait dans la rue quand il a rencontré un prédicateur qui lui a parlé de Mohammed Yusuf, le fondateur de Boko Haram.


L'homme, devenu son mentor, l'a envoyé dans une école religieuse à "Fallujah" - les jihadistes nigérians donnent souvent aux lieux des surnoms irakiens ou afghans – avant de partir pour le "jihad".


"J'étais impatient de me battre", raconte Muhammad, alors analphabète.  "Je comprenais que nous étions en guerre contre le gouvernement. On nous enseignait que c’était la bonne voie."


Tous deux disent avoir fait partie de Boko Haram pendant environ six ans, mais peu à peu, l‘engouement du début a fait place au doute face à l’attitude de leurs compagnons d’armes.


"Ils faisaient des choses sans raison (...) tuer, voler, ce qui est contraire aux enseignements religieux. Et j’en ai vu certains prendre de la drogue", raconte Muhammad.


À l'époque, la contre-offensive de l’armée nigériane, grâce au soutien militaire des pays voisins comme le Tchad et le Cameroun, lui permet de reprendre certains pans de territoire occupés par les insurgés.


Quand les deux apprenti-jihadistes entendent parler de l’opération "Safe corridor", et de la possibilité de suivre une formation professionnelle, ils décident de franchir le pas.


Mais ils devront attendre près de deux ans avant de pouvoir rejoindre le programme de déradicalisation.

«Alternatives viables»

Le porte-parole de l'armée, M. Nwachukwu, reconnaît que le processus n’est "pas automatique", estimant qu’il faut du temps "pour s’assurer qu'ils ont véritablement abandonné la lutte".


Les donateurs et partenaires internationaux ont émis de nombreuses critiques sur le "profilage" qui vise aussi à repérer les suspects de plus grande envergure en vue d'éventuelles poursuites.


Cela "reste opaque, sans supervision indépendante, sans archivage ni définition publique des critères de sélection", a souligné l'Usaid dans un rapport.


Les repentis Muhammad et Aliyu disent que l'essentiel de leurs codétenus n'étaient pas des jihadistes.


"Dans ma cellule de 260 personnes, nous étions 12 vrais Boko Haram", assure Aliyu.


"C'est franchement de l'injustice", renchérit Muhammad. Parmi ses 300 co-détenus, "les vrais Boko Haram n’étaient pas plus de 20".


L’AFP n’a pas pu vérifier ces chiffres. Le directeur du programme, M. Maina, assure que le processus de vérification à Giwa "est peut-être imparfait, mais il est toujours très minutieux".


Dans des documents officiels consultés par l'AFP, le gouvernement nigérian reconnaît que certains "collaborateurs"  – volontaires ou contraints- de Boko Haram sont victimes de l'insurrection, mais affirme que Safe Corridor leur offre des "alternatives viables".


Après Giwa, pour la deuxième phase de leur détention, les agriculteurs Abubakar et Mallam ont été transférés à la prison de haute sécurité de Maiduguri, où ils ont passé trois années de plus sans être inculpés.


"J'espérais que les militaires me protègent, mais ça a été le contraire", dit aujourd’hui Abubakar.


Aliyu, Muhammad, Abubakar et Mallam sont finalement arrivés à leur destination: le centre de réhabilitation de Gombe. Pendant un an, ils ont pu apprendre à lire et écrire, la menuiserie et la soudure ou encore s'entretenir avec des éducateurs sociaux.


"Nous pouvions dormir, nous avions des moustiquaires, des oreillers", explique Abubakar.


Ils ont lu des textes qui contredisent le discours jihadiste. Les deux ex-combattants admettent que le programme a modifié leur point de vue.


"Aujourd'hui, si quelqu'un voulait partir faire le jihad, je lui dirais +suis ta propre religion chez toi, mais ne va pas te battre+", a déclaré Aliyu.


"Ils (Boko Haram) ont trahi ma compréhension du jihad pour servir leurs intérêts personnels", assène Muhammad.


Mais pour les deux agriculteurs, Abubakar et Mallam, le séjour à Gombe n'était qu'une détention prolongée de plus: "nous avons été envoyés là-bas pour souffrir", s'insurge Mallam.

Pas de travail 

Quel avenir attendait finalement ces hommes après toutes ces années passées derrière les barreaux et au centre de déradicalisation?


Après avoir prêté allégeance à l'Etat nigérian et promis de ne pas retourner combattre, les pensionnaires de Gombe reçoivent généralement 20 000 nairas chacun (environ 42 euros) et sont envoyés dans un centre de transit avant d'être libérés.


"Des liens sont établis avec les communautés" pour préparer leur retour et les autorités locales sont chargées d’assurer leur réintégration, selon M. Nwachukwu.


Lorsque Mallam a retrouvé sa femme après presque cinq ans de détention, la faim l'avait complètement transformée.


"Elle avait vécu dans un camp où il n'y a pas de nourriture (...) Mes parents sont morts et tous nos enfants souffrent de malnutrition."


Même les anciens combattants Aliyu et Muhammad, qui répondaient aux critères d’anciens combattants à "faible risque" et ont bénéficié d’une amnistie, remettent en cause la réussite du programme.


Ils vivent désormais comme des parias et gagnent à peine un euro par jour dans un camp de déplacés, sans perspective d’avenir, stigmatisés par leur communauté.


"Ils nous ont parlé d'emploi, mais au final, il n'y a pas d'emploi", regrette Muhammad. "Quel type de vie est-ce là ? Je regrette de m'être rendu".


Dans cette région ravagée par le conflit, où 4,3 millions de personnes sont en situation d'insécurité alimentaire selon l’ONU, les millions de dollars investis pour réhabiliter les anciens combattants sont parfois très mal vus par la population qui manque de tout.


"Les efforts de réintégration sont louables (...) mais il y a beaucoup d'animosité, les gens sont en colère", explique Mariam Oyiza qui dirige une association soutenant les femmes victimes de violences.


Malgré tout, alors que des centaines de défections ont été enregistrées ces derniers mois, le gouvernement fédéral et les donateurs espèrent que le programme encouragera des milliers d'autres insurgés à déposer les armes.


Pour cela, les autorités nigérianes doivent montrer qu'elles "sont capables d’accompagner les détenus jusqu'à l'obtention de leur diplôme et de les réintégrer dans la société en toute sécurité", estime l'ICG. "À ce jour, Safe Corridor n'est pas en mesure d'offrir ce type d'assurances".


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »