BERLIN : Angela Merkel, dont la succession à la tête de l'Allemagne semble plus ouverte que jamais, a pris ses distances mardi avec le candidat social-démocrate Olaf Scholz, qui tente d'apparaître comme son héritier politique mais avec lequel la chancelière voit "une énorme différence".
Récemment passés en tête de plusieurs sondages devant le camp conservateur CDU-CSU, les sociaux-démocrates assument en vue des législatives du 26 septembre une stratégie présentant M. Scholz comme une sorte de successeur naturel d'Angela Merkel, dont il est le ministre des Finances et vice-chancelier.
L'austère Olaf Scholz, centriste au sein du SPD, entretient cette image, s'inspirant d'un slogan clé d'une ancienne campagne de la dirigeante conservatrice, reprenant l'une de ses gestuelles caractéristiques et proclamant sur une affiche de campagne: "Il peut devenir chancelière".
Mais Angela Merkel, qui quittera le pouvoir après 16 années au sommet, s'est rebiffée mardi contre cette récupération qui fait, selon elle, abstraction d'une divergence fondamentale: "avec moi comme chancelière, il n'y aura jamais de coalition impliquant Die Linke", le parti de gauche radicale, a déclaré Mme Merkel, lors d'une conférence de presse à Berlin.
Les enquêtes d'opinion n'excluent pas en effet la possibilité d'une coalition inédite associant sociaux-démocrates du SPD, écologistes et gauche radicale Die Linke. M. Scholz est resté vague sur une telle alliance, posant cependant des conditions au parti de gauche, notamment en matière de politique étrangère.
La question restant ouverte, "il y a une énorme différence pour l'avenir de l'Allemagne entre lui et moi", estime Angela Merkel. Elle a dit souhaiter "des déclarations très claires sur la poursuite du travail du gouvernement", quelle que soit la future coalition. Cela est particulièrement vrai "lorsque les gens se réfèrent à moi", a-t-elle contré dans une référence à la stratégie du prétendant social-démocrate.
L'union conservatrice CDU-CSU, dont le candidat Armin Laschet est en difficulté, est passée à l'attaque, face à la cote de popularité d'Olaf Scholz, agitant le spectre d'un gouvernement purement de gauche en Allemagne, incluant écologistes et gauche radicale, après plus de sept années de grande coalition centriste entre conservateurs et sociaux-démocrates.
Deux nouveaux sondages, publiés mardi, confortent la remontée du SPD donné en tête avec 23% dans une enquête de l'institut Forsa et même avec 25%, selon l'institut Ipsos. L'union CDU/CSU suit à 21% dans les cas, les Verts pointant à la troisième place, quasi stables à respectivement 18 et 19%.
Le parti die Linke s'est montré irrité par la sortie de la chancelière, qui contraste avec la discrétion dont elle fait preuve depuis le début de la campagne.
"Le chancelier sortant n'a pas le droit de faire cela. Ce sont les électeurs qui décident de l'avenir", a déclaré au "Tagesspiegel" la cheffe de la gauche Susanne Hennig-Wellsow, critiquant "l'ingérence" de Mme Merkel.
Son collègue parlementaire Jan Korte a épinglé le leader du SPD : "Olaf Scholz devrait profiter de l'occasion pour s'émanciper enfin de la CDU", a-t-il observé.