Syrie: sécheresse et géopolitique menacent les riverains de l'Euphrate

Cette image satellite mise à disposition par l'Agence spatiale européenne et capturée par la mission Copernicus Sentinel-2 le 25 août 2021 montre une vue générale du débit de l'Euphrate dans le centre de la Syrie à travers le réservoir de Tishrin. (Photo, AFP)
Cette image satellite mise à disposition par l'Agence spatiale européenne et capturée par la mission Copernicus Sentinel-2 le 25 août 2021 montre une vue générale du débit de l'Euphrate dans le centre de la Syrie à travers le réservoir de Tishrin. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 31 août 2021

Syrie: sécheresse et géopolitique menacent les riverains de l'Euphrate

  • Le recul des précipitations a déjà provoqué la disparition de vastes étendues de cultures pluviales, dans un pays où 60% de la population souffre d'insécurité alimentaire, selon des ONG
  • Autre danger, l'eau de l'Euphrate n'est plus systématiquement filtrée alors que le fleuve représente la principale source d'eau potable pour 5,5 millions d'habitants en Syrie, d'après l'ONU

ROUMEILA : L'Euphrate coulait autrefois près de son oliveraie mais, aujourd'hui, le plus long fleuve de Syrie ruisselle à des kilomètres de là. Entre les sécheresses toujours plus sévères et les enjeux géopolitiques, Khaled el-Khamis voit ses arbres dépérir et sa famille manquer d'eau.

"C'est comme si nous étions en plein désert", déplore ce fermier de 50 ans, debout sur un terrain qui l'an dernier faisait partie du lit de l'Euphrate. C'était avant une saison à la sécheresse quasi record.

"Nous pensons partir. Il n'y a plus d'eau pour boire ou irriguer les arbres", ajoute-t-il.

Organisations internationales, analystes et ingénieurs mettent en garde contre une catastrophe humanitaire imminente dans le nord-est de la Syrie, où la chute du débit du fleuve aggrave une situation socio-économique désastreuse après une décennie de guerre.

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(Photo, AFP)

Selon eux, l'effondrement des niveaux d'eau depuis janvier menace de priver d'eau et d'électricité cinq millions de Syriens, en pleine pandémie de coronavirus.

Après un hiver marqué par de très faibles précipitations, le débit des eaux arrivant en Syrie depuis la Turquie a été divisé par deux par rapport à la normale, selon des chiffres des barrages syriens également cités par l'ONU et des ONG.

Dans le nord-est de la Syrie, région dominée par les Kurdes, on accuse l'ennemi turc d'utiliser l'eau comme arme politique, en contrôlant le débit en amont. Ankara dément vigoureusement, une source diplomatique turque invoquant le changement climatique.

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(Photo, AFP)

Quoi qu'il en soit, à l'extérieur du village de Roumeila, où vit M. Khamis, les longs tuyaux servant autrefois à l'irrigation sont à l'abandon. Le fleuve est désormais tellement loin que faire fonctionner des équipements de pompage est devenu trop onéreux.

Jardin d'Eden, autrefois

"Les femmes doivent marcher sept kilomètres pour remplir un seau d'eau potable", raconte le quinquagénaire.

Pour s'adapter, lui et ses voisins plantent du maïs et des haricots sur des terrains autrefois submergés.

Réputé pour avoir jadis traversé le mythique jardin d'Eden de la Bible, l'Euphrate s'étire sur plus de 2 800 kilomètres.

Dans l'Antiquité, il irriguait avec le Tigre la fertile Mésopotamie, "le pays entre les fleuves", considéré comme un des berceaux de l'humanité.

De nos jours, grossi en théorie par les pluies hivernales, il quitte la Turquie pour traverser en diagonale la Syrie avant d'arriver en Irak, où il rejoint le Tigre pour se jeter dans le golfe Persique.

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(Photo, AFP)

En Syrie, il alimente trois barrages hydroélectriques et des stations de pompage d'eau potable. Au barrage de Tichrine, son directeur Hammoud al-Hadiyyine évoque une baisse "alarmante" et jamais vue du débit.

Quelques dizaines de centimètres séparent désormais le niveau actuel du "niveau mort", à partir duquel les turbines cessent de produire de l'électricité.

"C'est une catastrophe environnementale, humanitaire, mais aussi sur le plan de la sécurité alimentaire et de la production électrique", résume M. Hadiyyine.

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(Photo, AFP)

Dans le nord-est de la Syrie, la production électrique a déjà chuté de 70% lors de l'année écoulée, avance le directeur de l'Autorité de l'énergie, Welat Darwich.

Et deux stations d'eau potable sur trois alimentées par le fleuve ont vu leur production perturbée par la sécheresse, selon le NES Forum, une coalition d'organisations humanitaires.

«Pires sécheresses»

En 1987, la Syrie a signé un accord avec Ankara sur la fourniture chaque année de 500 m3 d'eau en moyenne par seconde. Mais la quantité actuelle dépasse à peine les 200 m3, ont indiqué des responsables des barrages syriens.

Pour les Kurdes de Syrie, Ankara retient un excédent dans ses barrages. La Turquie "n'a jamais restreint, à des fins politiques ou autre, la quantité d'eau qu'elle libère", rétorque une source diplomatique turque sous couvert d'anonymat.

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(Photo, AFP)

"Notre région est confrontée à une de ses pires sécheresses en raison du changement climatique", fait valoir ce responsable, arguant un niveau de précipitations "le plus bas jamais enregistré ces 30 dernières années".

Théoriquement, la Turquie est en mesure de contrôler le débit de l'Euphrate avec son barrage "Ataturk", situé à 80 km de la frontière syrienne, note le politologue Nicholas Heras.

Mais si Ankara souhaite utiliser l'eau comme "arme" géopolitique, relève M. Heras, il peut le faire "plus facilement" au niveau de la station de pompage d'Allouk, conquise en territoire syrien aux dépens des Kurdes en 2019.

A partir d'Allouk, l'approvisionnement en eau a été interrompu à 24 reprises depuis cette date selon l'ONU, impactant 460 000 habitants.

Le géographe Fabrice Balanche avance que le faible débit de l'Euphrate, même dû à des causes naturelles, favorise les intérêts géopolitiques d'Ankara.

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(Photo, AFP)

"En période de sécheresse, la Turquie se sert et laisse les restes aux Kurdes", commente-t-il.

Pour Wim Zwijnenburg, de l'ONG PAX, le débit réduit de l'Euphrate est aussi le résultat de projets agricoles "mégalomanes" lancés en Turquie dans les années 1990.

Avec le changement climatique et la chute des précipitations, l'irrigation de vastes terrains est toujours plus ardue. Une seule solution de court terme: l'exploitation à outrance des eaux.

«Plus les moyens»

En juin, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) rappelait que "les évènements climatiques extrêmes, comme les sécheresses, pourraient être plus fréquents et plus intenses". La Syrie apparaît comme le pays méditerranéen le plus à risque, d'après une étude citée par l'ONU.

Au lac Assad, en Syrie, où se jette l'Euphrate pour alimenter le barrage de Tabqa, les berges semblent se rapprocher.

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(Photo, AFP)

Des travailleurs, les mains tachées de carburants, s'échinent à réparer les générateurs des stations de pompage.

"Nous n'avons plus les moyens de payer les tuyaux d'irrigation et les générateurs", déplore Hussein Saleh, agriculteur de 56 ans.

Dans son village de Twihiniyeh, avec la baisse de la production hydraulique, les coupures d'électricité atteignent 19 heures par jour, assure ce père de 12 enfants.

"Nous essayons d'économiser la quantité d'eau", indique l'ingénieur Khaled Shaheen, employé à Tabqa depuis deux décennies.

Mais "si ça continue comme ça, nous pourrions arrêter de produire de l'énergie pour tous, et le faire uniquement pour les moulins, les boulangeries et les hôpitaux".

Autre danger, l'eau de l'Euphrate n'est plus systématiquement filtrée alors que le fleuve représente la principale source d'eau potable pour 5,5 millions d'habitants en Syrie, d'après l'ONU.

De fait, la concentration des eaux usées dans le fleuve a augmenté et des épidémies ont touché les trois provinces syriennes traversées par l'Euphrate. L'eau contaminée a provoqué des diarrhées dans les camps de déplacés, selon le NES Forum.

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(Photo, AFP)

La baisse du débit "menace des communautés rurales dont les moyens de subsistance dépendent de l'agriculture", estime Marwa Daoudy, chercheuse syrienne de l'université américaine de Georgetown et experte en sécurité environnementale.

Le recul des précipitations a déjà provoqué la disparition de vastes étendues de cultures pluviales, dans un pays où 60% de la population souffre d'insécurité alimentaire, selon des ONG.

Pour Fabrice Balanche, la sécheresse de cette année pourrait inaugurer un nouveau cycle de faibles précipitations.

"Le Nord-Est, et toute la Syrie, vont manquer de produits alimentaires. Il faudra recourir à des importations massives de céréales."

En Irak, pays frontalier de la Syrie, sept millions de personnes risquent aussi d'être privées d'eau, selon Karl Schembri, porte-parole du Conseil norvégien pour les réfugiés, organisation qui figure parmi les 13 ONG à avoir publié fin août un rapport sur la crise environnementale dans les deux pays. "Le climat ne regarde pas les frontières", résume-t-il.


Quatre journalistes tués à Gaza, le nombre de morts parmi les professionnels des médias dépasse cent

Israël poursuit son offensive sur Gaza en dépit d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU exigeant un cessez-le-feu immédiat. (Photo AFP)
Israël poursuit son offensive sur Gaza en dépit d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU exigeant un cessez-le-feu immédiat. (Photo AFP)
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  • Cent quatre journalistes palestiniens, ainsi que deux journalistes israéliens et trois libanais, auraient été tués depuis le début du conflit
  • Israël poursuit son offensive sur Gaza en dépit d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui exige un cessez-le-feu immédiat

LONDRES: L’Autorité des médias de Gaza a déclaré jeudi que quatre journalistes avaient été tués lors d’une frappe aérienne israélienne, ce qui porte à plus de cent le nombre total de journalistes tués dans le conflit.

Selon l’agence Anadolu, les victimes sont Hail al-Najjar, éditeur vidéo à Al-Aqsa Media Network, Mahmoud Jahjouh, photojournaliste pour le site Palestine Post, Moath Moustafa al-Ghefari, photojournaliste pour le site Kanaan Land et pour la Palestinian Media Foundation, et Amina Mahmoud Hameed, présentatrice de programmes et rédactrice dans plusieurs organes de presse.

Le Bureau de presse de Gaza a indiqué que les quatre journalistes avaient été tués lors d’une frappe aérienne israélienne, mais il n’a pas fourni de détails supplémentaires sur les circonstances de leur mort.

Au total, cent quatre journalistes palestiniens, deux israéliens et trois libanais ont été tués depuis le début du conflit, le 7 octobre.

Ces dernières pertes s’ajoutent au lourd tribut déjà payé par les professionnels des médias. Selon le Comité pour la protection des journalistes, le conflit de Gaza constitue le conflit le plus meurtrier pour les journalistes et les professionnels des médias depuis que l’organisation a commencé à tenir des registres.

Israël poursuit son offensive sur Gaza en dépit d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui exige un cessez-le-feu immédiat.

Jeudi, l’Afrique du Sud, qui a porté plainte contre Israël pour génocide devant la Cour internationale de justice, a demandé à cette dernière d’ordonner à Israël de mettre fin à son assaut contre Rafah.

Selon les autorités médicales de Gaza, plus de 35 200 Palestiniens ont été tués, principalement des femmes et des enfants, et plus de 79 200 ont été blessés depuis le début du mois d’octobre, lorsqu’Israël a lancé son offensive, répondant à une attaque du Hamas.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël: l'armée annonce avoir trouvé et rapatrié les corps de trois otages de Gaza

Ricarda Louk est assise devant une pancarte représentant sa fille disparue Shani Louk, le 17 octobre 2023, à Tel Aviv. L'armée israélienne a déclaré le 17 mai 2024 avoir retrouvé les corps de trois otages israéliens à Gaza, dont Louk. (AP)
Ricarda Louk est assise devant une pancarte représentant sa fille disparue Shani Louk, le 17 octobre 2023, à Tel Aviv. L'armée israélienne a déclaré le 17 mai 2024 avoir retrouvé les corps de trois otages israéliens à Gaza, dont Louk. (AP)
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  • L'armée israélienne a récupéré «les corps de nos otages Shani Louk, Amit Buskila et Itzhak Gelerenter, pris en otage durant le massacre commis par le Hamas le 7 octobre », a déclaré le contre-amiral Daniel Hagari
  • Sur les 252 personnes emmenées comme otages le 7 octobre, 125 sont toujours détenues à Gaza, dont 37 sont mortes selon l'armée israélienne

JÉRUSALEM: L'armée israélienne a annoncé vendredi avoir découvert dans la bande de Gaza les corps de trois otages israéliens enlevés lors de l'attaque menée par le Hamas le 7 octobre en Israël et les avoir rapatriés.

L'armée a récupéré "les corps de nos otages Shani Louk, Amit Buskila et Itzhak Gelerenter, pris en otage durant le massacre commis par le Hamas le 7 octobre", a déclaré le contre-amiral Daniel Hagari, porte-parole de l'armée, ajoutant qu'ils avaient été "brutalement assassinés" par le Hamas en tentant de fuir le festival de musique Nova et "leur corps emmenés" à Gaza.

Selon l'amiral Hagari, les corps des otages ont été récupérés "durant une opération conjointe entre l'armée et l'agence de renseignements" sur la base de renseignements obtenus notamment "lors d'interrogatoire de terroristes arrêtés dans la bande de Gaza" et ont été identifiés à l'institut national de Médecine légale israélien.

Germano-Israélienne de 22 ans, Shani Louk était apparue dans une vidéo sur les réseaux sociaux, allongée sur le ventre, apparemment inconsciente et à moitié dénudée, à l'arrière d'un pick-up dans la bande de Gaza.

Amit Buskila était âgée de 27 ans et Itzhak Gelerenter de 56 ans lors de l'attaque.

"Le retour de leurs corps est un rappel douloureux et brutal que nous devons rapidement ramener tous nos frères et soeurs de leur cruelle captivité", les vivants et les morts, a réagi le Forum des familles d'otages, principale association de proches.

Sur les 252 personnes emmenées comme otages le 7 octobre, 125 sont toujours détenues à Gaza, dont 37 sont mortes selon l'armée israélienne.

L'attaque surprise menée depuis la bande de Gaza par des commandos du Hamas dans le sud israélien a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens. Plus de 360 personnes ont été tuées sur le seul site du festival de musique Nova, organisé dans le sud d'Israël, tout près de la frontière avec la bande de Gaza.

En riposte, Israël a lancé une offensive tous azimuts sur la bande de Gaza, qui a déjà fait plus de 35.000 morts, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a adressé ses condoléances aux familles. "Cette perte terrible brise le coeur", nous "pleurons avec les familles", a assuré M. Netanyahu, promettant de ramener "tous les otages, les vivants et les morts".

 

 


Tunisie: l'ONU dénonce «l'intimidation et le harcèlement» des avocats

Ces arrestations ont suscité des condamnations de la part de la société civile tunisienne et ont déclenché une réaction internationale. (Dossier/AFP)
Ces arrestations ont suscité des condamnations de la part de la société civile tunisienne et ont déclenché une réaction internationale. (Dossier/AFP)
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  • «L'Etat de droit doit être respecté et les personnes détenues arbitrairement, y compris pour avoir défendu les droits des migrants et lutté contre la discrimination raciale, doivent être libérées», exige le Haut-Commissariat
  • Mme Shamdasani a indiqué que le Haut-Commissariat était «très préoccupé par le fait que des migrants sont de plus en plus souvent pris pour cible»

GENEVE: Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a dénoncé vendredi "l'intimidation et le harcèlement" dont sont victimes en Tunisie des avocats et membres des médias critiques du gouvernement et de ses politiques migratoires.

Les perquisitions contre l'Ordre des avocats dans ce pays "portent atteinte à l'Etat de droit et violent les normes internationales relatives à la protection de l'indépendance et de la fonction des avocats. De tels actes constituent des formes d'intimidation et de harcèlement", a dénoncé Ravina Shamdasani, la porte-parole du Haut-Commissariat à Genève, lors d'un point de presse.

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, "exhorte les autorités à respecter et à sauvegarder les libertés d'expression, d'association et de rassemblement pacifique, qui sont garanties par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel la Tunisie est partie", a souligné Mme Shamdasani.

"L'Etat de droit doit être respecté et les personnes détenues arbitrairement, y compris pour avoir défendu les droits des migrants et lutté contre la discrimination raciale, doivent être libérées", exige encore le Haut-Commissariat, ajoutant que "les droits humains de tous les migrants doivent être protégés et les discours de haine xénophobe doivent cesser".

Mme Shamdasani a indiqué que le Haut-Commissariat était "très préoccupé par le fait que des migrants, pour la plupart originaires du sud du Sahara, ainsi que les personnes et les organisations qui leur viennent en aide, en Tunisie, sont de plus en plus souvent pris pour cible".

Et elle a dénoncé "une augmentation de l'utilisation d'une rhétorique déshumanisante et raciste à l'encontre des migrants noirs et des Tunisiens noirs".

Le président tunisien Kais Saied, qui concentre tous les pouvoirs depuis juillet 2021, s'est insurgé jeudi contre les critiques occidentales, défendant la légalité de ces mesures.