KABOUL : Au lendemain d'une frappe préventive à Kaboul et à la veille de son ultime jour de présence en Afghanistan, l'armée américaine procède à ses dernières évacuations dans un climat extrêmement tendu, lundi, journée à intense activité diplomatique.
Il reste 300 Américains au plus à évacuer du pays, a déclaré dimanche le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken. "Nous travaillons sans relâche ces heures-ci et ces jours-ci pour les sortir de là", a-t-il dit sur la chaîne ABC, à 48 heures de la date butoir du retrait américain.
Environ 114 400 personnes dont près de 5 500 citoyens américains ont été évacuées d'Afghanistan par un gigantesque pont aérien depuis le 14 août, à la veille de la prise de Kaboul par les talibans.
La dernière phase des opérations d'évacuations a été alourdie par l'attentat de jeudi aux abords de l'aéroport de la capitale afghane, revendiqué par l'Etat islamique au Khorasan (EI-K), qui a fait une centaine de morts, dont 13 militaires américains et deux britanniques.
Joe Biden a accueilli dimanche les dépouilles des 13 défunts sur le tarmac de la base militaire de Dover, dans le Delaware. Le président américain est sous le feu des critiques pour sa gestion de la crise afghane.
Frappes américaines
En représailles à l'attaque de jeudi, les Etats-Unis ont effectué samedi une frappe de drone dans l'est de l'Afghanistan, tuant deux membres "de haut niveau" de la branche afghane de l'EI et en blessant un troisième, et affirmé que ce ne serait pas "la dernière".
Dimanche, ils ont détruit un véhicule chargé d'explosifs, afin de "supprimer une menace imminente" de l'EI-K contre l'aéroport. Un porte-parole des talibans a confirmé qu'un véhicule piégé avait été détruit alors qu'il se dirigeait vers l'aéroport, et ajouté qu'une probable deuxième frappe avait atteint une maison située à proximité.
Y a-t-il eu des victimes civiles? "Nous savons qu'il y a eu des explosions importantes et puissantes à la suite de la destruction du véhicule, indiquant la présence d'une grande quantité de matière explosive à l'intérieur, ce qui a pu causer des pertes supplémentaires", a déclaré le Commandement central de l'armée américaine (Centcom) dimanche soir. "Ce qui s'est passé n'est pas clair, et nous continuons d'enquêter".
Avant la publication de ce communiqué, la chaîne américaine CNN avait affirmé que neuf membres d'une famille, dont six enfants, avaient été tués dans la frappe de dimanche dans la capitale surpeuplée, où des milliers d'Afghans tentent toujours de fuir les talibans. L'AFP n'était pas en mesure de confirmer ce bilan, mais des médias locaux ont aussi annoncé des victimes civiles.
Que se passera-t-il après la date butoir du mardi 31 août? Washington réunit lundi en visio-conférence ses "partenaires clés" (France, Canada, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni, Turquie, Qatar, Union européenne et Otan), afin de discuter "d'une approche alignée" pour la suite, a avancé le département d'Etat dimanche dans un communiqué.
Antony Blinken s'exprimera après la réunion pour faire le point sur les actions récentes des Etats-Unis en Afghanistan.
Lundi également se tiendra à l'ONU une réunion des membres permanents du Conseil de sécurité sur la situation en Afghanistan. La France et le Royaume-Uni vont y plaider en faveur de la création à Kaboul d'une "zone protégée" pour mener des opérations humanitaires, a déclaré le président français, Emmanuel Macron, à l'hebdomadaire Le Journal du Dimanche.
Les pays occidentaux ont mis fin ces derniers jours à leurs évacuations, mais il reste des personnes en Afghanistan qui peuvent encore y prétendre.
A ce sujet, une centaine de pays, dont les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, ont annoncé dimanche dans un communiqué avoir reçu l'engagement de la part des talibans qu'ils laisseraient partir tous les étrangers et ressortissants afghans disposant d'un permis de s'installer ailleurs, même après le retrait des troupes américaines prévu mardi.
Le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, a estimé que jusqu'à 1 100 Afghans éligibles à un départ pour la Grande-Bretagne étaient restés sur place. Londres les accueillera s'ils parviennent à quitter le pays par un autre moyen après la date butoir.
Les Etats-Unis enquêtent sur d'éventuelles victimes civiles après leur frappe à Kaboul
Les Etats-Unis enquêtent sur de possibles victimes civiles dans la frappe aérienne ayant détruit une voiture chargée d'explosifs dans la capitale afghane Kaboul, a annoncé dimanche un porte-parole du Commandement central de l'armée américaine (Centcom).
"Nous sommes au courant que des victimes civiles ont été annoncées à la suite de notre frappe sur un véhicule à Kaboul aujourd'hui", a expliqué le capitaine Bill Urban, porte-parole du Centcom, dans un communiqué.
"Nous sommes toujours en train d'évaluer les résultats de cette frappe, qui, nous le savons, a enrayé une menace imminente de l'EI-K (l'Etat islamique au Khorasan, ndlr) contre l'aéroport", a poursuivi le Centcom en référence au groupe terroriste ayant revendiqué l'attentat de jeudi.
Avant la publication de ce communiqué, la chaîne américaine CNN avait affirmé que neuf membres d'une famille, dont six enfants, avaient été tués dans la frappe de dimanche dans la capitale surpeuplée, où des milliers d'Afghans tentent toujours de fuir les talibans.
L'AFP n'était pas en mesure de confirmer ce bilan, mais des médias locaux ont aussi annoncé des victimes civiles.
"Nous savons qu'il y a eu des explosions importantes et puissantes à la suite de la destruction du véhicule, indiquant la présence d'une grande quantité de matière explosive à l'intérieur, ce qui a pu causer des pertes supplémentaires", a souligné le capitaine Urban. "Ce qui s'est passé n'est pas clair, et nous continuons d'enquêter".
"Nous serions profondément attristés par toute perte potentielle de vie innocente", a-t-il ajouté.
Les Etats-Unis ont mené une frappe aérienne dimanche, quelques jours après un attentat suicide contre des civiles et les troupes américaines filtrant l'immense foule qui essayait de pénétrer dans l'aéroport de Kaboul pour fuir le nouveau régime taliban.
Une centaine de personnes ont été tuées dans l'attaque, dont treize soldats américains et deux britanniques.
Le N.1 taliban «apparaîtra bientôt»
Emmanuel Macron, qui avait affirmé samedi que son pays menait "des discussions" avec les talibans et le Qatar pour poursuivre l'évacuation d'Afghans menacés, a relevé que cela n'impliquait pas une reconnaissance ultérieure de leur gouvernement. "Ceux qui ont le contrôle de Kaboul et du territoire (afghan) sont les talibans, donc de manière opérationnelle, (...) nous devons avoir ces discussions", mais "cela ne préjuge pas d'une reconnaissance, parce que nous avons posé des conditions", a-t-il déclaré dimanche soir à l'antenne de la chaîne TFI depuis l'Irak.
Les talibans ont donné dimanche des précisions sur leur chef suprême, Hibatullah Akhundzada, qui n'est jamais apparu en public. "Il est à Kandahar (sud). Il vit là depuis le début", a déclaré leur porte-parole, Zabihullah Mujahid. "Il apparaîtra bientôt en public", a ajouté le porte-parole adjoint Bilal Karimi.
L'attentat de jeudi a poussé talibans et Américains à collaborer plus étroitement. Si les premiers ont bouclé les routes menant à l'aéroport, ils laissent passer les bus transportant des passagers dont les noms figurent sur des listes donnés par les Américains, a expliqué un responsable taliban.
Les talibans se sont efforcés depuis leur retour d'afficher une image d'ouverture et de modération, qui laisse néanmoins sceptique de nombreux pays et observateurs.
Le ministre par intérim de l'enseignement supérieur du gouvernement taliban, Abdul Baqi Hazzani, a assuré dimanche que les Afghanes pourraient étudier à l'université, mais dans des classes non mixtes, le nouveau régime affichant également son intention d'y proposer un programme d'enseignement "islamique et raisonnable".