BEYROUTH: Le Liban plongera-t-il en "enfer" sans une aide de plusieurs milliards de dollars du FMI? Les négociations sont au point mort, en l'absence de mise en œuvre par le gouvernement de réformes pourtant inévitables, pour interrompre l'effondrement économique du pays.
Le petit pays du Proche-Orient vit la pire crise économique de son histoire, aggravée par la maladie de Covid-19 et un contexte politique délicat, exacerbé par les tensions entre le mouvement du Hezbollah, un allié de l'Iran qui domine la vie politique libanaise, et les Etats-Unis.
La situation « devient rapidement hors de contrôle », et certains des Libanais les plus vulnérables « risquent de mourir de faim », s'est inquiétée vendredi la Haut-Commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU, Michelle Bachelet.
En défaut de paiement, le Liban a adopté fin avril un plan de réformes pour négocier une aide du Fonds monétaire internationale (FMI), susceptible de redonner un peu de confiance à d'autres bailleurs.
Mais après plus de deux mois et 17 séances de négociations entre l'institution basée à Washington et le gouvernement libanais, les pourparlers piétinent.
« Le FMI a quitté la séance des négociations », a indiqué un négociateur libanais.
Une autre source libanaise proche du dossier a fustigé les louvoiements des responsables libanais qui veulent éviter les réformes, pourtant réclamées depuis des décennies. « Chaque faction lutte pour ses intérêts personnels et laisse le pays couler ».
Pourtant le temps presse. Près de la moitié des quelque quatre millions de Libanais vivent dans la pauvreté et 35% de la population active est au chômage. A ce jour, Beyrouth espère environ 10 milliards de dollars d'aide du FMI.
Mais il y a « un lobby très puissant » prêt « à brûler le pays pour éviter que soit exposé tout ce qu'il a commis », accuse le négociateur libanais.
Pendant les négociations, une commission parlementaire et le gouvernement ont même divergé sur l'estimation des déficits publiques, de ceux de la Banque centrale et de ceux des banques: de 60.000 à 241.000 milliards de livres libanaises (soit des dizaines de mds USD). Le FMI a réclamé une seule évaluation.
Selon une source occidentale au fait des négociations, le FMI a demandé « qu'on arrête de les mener en bateau ».
Coup sur coup, deux responsables gouvernementaux participant aux négociations ont démissionné.
Vendredi, une séance de discussions purement technique s'est tenue selon Beyrouth, pour évoquer l'épineux dossier du secteur de l'électricité, qui reste en déliquescence 30 ans après la guerre civile (1975-1990).
Parmi les réformes attendues: réduction des dépenses publiques et augmentation des recettes, via la collecte des taxes et la lutte contre la contrebande.
Mais « il n'y a pas de volonté politique », insiste l'analyste Nasser Yassine. Tout changement priverait les politiciens « de leur pouvoir, de leur main-basse sur l'Etat et l'économie ».
Un échec des négociations avec le FMI entraverait le déblocage de 11 milliards de dollars d'aides promis en 2018 lors d'une conférence à Paris.
Pour la source occidentale, il ne pourrait y avoir d'alternative à ces négociations. « Le pays s'écroule. Il faut le label du FMI pour vous remettre sur les rails de l'honorabilité », selon elle.
Même constat pour la source libanaise proche du dossier: « Avec un taux de change qui part en vrille », et « sans le FMI, le Liban se dirige vers l'enfer ».