La crise afghane tourne au scénario catastrophe pour Joe Biden

"Journée difficile": en se présentant jeudi devant les caméras, plusieurs heures après un double attentat-suicide à proximité de l'aéroport de Kaboul, le 46e président des Etats-Unis ne cache pas son émotion. (Photo, AFP)
"Journée difficile": en se présentant jeudi devant les caméras, plusieurs heures après un double attentat-suicide à proximité de l'aéroport de Kaboul, le 46e président des Etats-Unis ne cache pas son émotion. (Photo, AFP)
Les talibans, eux, veulent savourer leur victoire: ces miliciens attendent les plats qu'ils ont commandé dans un restaurant à Kaboul. (Photo, AFP)
Les talibans, eux, veulent savourer leur victoire: ces miliciens attendent les plats qu'ils ont commandé dans un restaurant à Kaboul. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 27 août 2021

La crise afghane tourne au scénario catastrophe pour Joe Biden

  • Le président US, élu en affichant un profil rassembleur, n’a fait que confirmer la décision de son prédécesseur de retirer toutes les troupes d'Afghanistan
  • Mais il est aujourd'hui critiqué pour la gestion dans la pagaille un gigantesque pont aérien, endeuillé jeudi par l'attentat du groupe jihadiste Etat islamique

WASHINGTON : La fin de la mission en Afghanistan, avec la mort de treize soldats américains, vire au scénario catastrophe pour Joe Biden, confronté à sa plus grave crise et comme paralysé par une situation qu'il n'avait pas vu venir.

"Journée difficile": en se présentant jeudi devant les caméras, plusieurs heures après un double attentat-suicide à proximité de l'aéroport de Kaboul, le 46e président des Etats-Unis ne cache pas son émotion.

Les larmes au bord des yeux, il rend hommage à ces "héros" tombés dans l'attaque la plus meurtrière pour les militaires américains depuis août 2011.

Le ton martial, comme pour faire taire les accusations de faiblesse, il lance ensuite à ses auteurs: "Nous vous pourchasserons et nous vous ferons payer."

Mais, alors qu'il était aussi de plus en plus critiqué pour fuir les questions de la presse, il ne peut s'empêcher de manifester son agacement, yeux fermés et tête baissé, en écoutant un journaliste de la chaîne conservatrice Fox News l'interroger sur ses propres "responsabilités".

Comme souvent depuis deux semaines, Joe Biden a dû chambouler son agenda, repoussant d'un jour sa rencontre avec le Premier ministre israélien Naftali Bennett.

"C'est une crise majeure qui se déroule sous sa présidence", dit à l'AFP Ian Bremmer, président de la société d'expertise Eurasia Group. "C'est un échec du renseignement, c'est un échec de la planification, c'est un échec de la communication, et c'est un échec de la coordination avec les alliés", estime-t-il.

De son propre aveu, le président n'avait pas "prévu" la rapidité de l'effondrement de l'armée afghane formée, équipée et financée par Washington, et la chute de Kaboul aux mains des talibans.

Et comme ce fut le cas avec le conflit entre Israël et le mouvement palestinien Hamas en mai, son gouvernement donne l'impression d'avoir du mal à s'adapter à l'imprévu sur la scène internationale.

Les moments de flottement se sont succédé depuis la victoire des talibans le 15 août, qui a surpris Joe Biden à Camp David, lieu de villégiature des présidents américains. D'abord mutique, le démocrate âgé de 78 ans a depuis multiplié les prises de parole, sans faire cesser les critiques.

Mardi, son intervention a été retardée d'environ cinq heures alors que le monde attendait de savoir s'il allait céder aux appels internationaux en faveur d'un report de la date butoir du 31 août pour le retrait américain -- et donc pour les évacuations d'étrangers et d'Afghans menacés de représailles de la part des talibans. Il a finalement confirmé l'échéance.

Popularité en baisse

Joe Biden, élu en affichant un profil rassembleur, a confirmé la décision de son prédécesseur républicain Donald Trump de retirer toutes les troupes américaines d'Afghanistan.

Mais il est aujourd'hui critiqué de toutes parts pour la gestion de ce retrait, et pour n'avoir pas organisé plus tôt les évacuations nécessaires, obligeant l'armée américaine à renvoyer des forces en catastrophe pour gérer dans la pagaille un gigantesque pont aérien, endeuillé jeudi par l'attentat du groupe jihadiste Etat islamique.

"Cette tragédie n'aurait jamais dû avoir lieu", a déploré jeudi Trump, qui avait réclamé sa démission dès la semaine dernière.

"Joe Biden a du sang sur les mains", a renchéri la députée républicaine Elise Stefanik. "Il est inapte à être commandant-en-chef", a-t-elle martelé.

De nombreux observateurs font un parallèle avec l'attaque de Benghazi, qui avait coûté la vie en 2012 à l'ambassadeur américain en Libye, et empoisonné l'administration de Barack Obama.

"Je ne sais pas si Biden va être durablement affaibli" par la crise afghane, dit à l'AFP Mark Rom, professeur de sciences politiques. "Mais les républicains vont tout faire pour que ce soit le cas."

Cette pluie de critiques brouille la communication de la Maison Blanche, désireuse de se concentrer sur les avancées des gigantesques plans économiques du président -- censés permettre aux Etats-Unis de "remporter" la compétition avec la Chine, seule vraie priorité de sa politique étrangère.

Surtout, sa popularité s'est effondrée depuis dix jours dans les sondages, alors même qu'une grande majorité des Américains, lassée par les "guerres sans fin" de l'Amérique, estiment comme lui que les Etats-Unis devaient quitter l'Afghanistan.

Pour Charles Franklin, directeur de l'institut de sondages de la Marquette Law School, "la question politique, une fois que nous aurons complété le retrait, c'est de savoir si la majorité sera satisfaite que nous soyons partis". "Si c'est le cas, alors la polémique pourrait s'estomper."

Joe Biden semble faire ce pari.

"Mesdames et messieurs, il était temps de mettre fin à vingt années de guerre", a-t-il réaffirmé jeudi en concluant sa conférence de presse.


Armes à Israël: les républicains tentent de forcer la main à Biden

Des Palestiniens déplacés marchent autour d'une flaque d'eau devant des bâtiments et des tentes détruits à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 mai 2024, au milieu du conflit en cours entre Israël et le groupe militant Hamas. (Photo par AFP)
Des Palestiniens déplacés marchent autour d'une flaque d'eau devant des bâtiments et des tentes détruits à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 mai 2024, au milieu du conflit en cours entre Israël et le groupe militant Hamas. (Photo par AFP)
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  • Pour les républicains, Joe Biden n'a pas le droit d'interférer dans la manière dont Israël mène sa campagne militaire, qui a provoqué un désastre humanitaire à Gaza
  • Mais 16 démocrates se sont joints aux républicains pour adopter la proposition de loi, défiant le chef de l'Etat

WASHINGTON: La Chambre américaine des représentants, dominée par les républicains, a voté jeudi une mesure largement symbolique visant à forcer le président démocrate Joe Biden à mettre fin à sa suspension d'une livraison de bombes à Israël.

Cette suspension de la livraison d'une cargaison d'armes, composée de bombes de 2 000 livres (907 kg) et de 500 livres (226 kg), a été décidée au moment où Washington, premier soutien militaire d'Israël, s'oppose à une offensive d'ampleur des troupes israéliennes à Rafah.

La mesure votée jeudi n'a aucune chance de devenir loi. En théorie, elle empêcherait M. Biden de geler toute aide militaire à Israël approuvée par le Congrès.

"Le président et son administration doivent immédiatement faire marche arrière et se tenir aux côtés d'Israël", a déclaré Mike Johnson, chef républicain de la Chambre des représentants, dans un communiqué.


Biden s'efforce de remobiliser l'électorat afro-américain

Le président américain Joe Biden s'exprime lors du service commémoratif des agents de la paix nationaux devant le Capitole américain à Washington, DC, le 15 mai 2024. (Photo, AFP)
Le président américain Joe Biden s'exprime lors du service commémoratif des agents de la paix nationaux devant le Capitole américain à Washington, DC, le 15 mai 2024. (Photo, AFP)
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  • Vendredi, Joe Biden ira prononcer un discours au Musée national de l'histoire et de la culture afro-américaine à Washington
  • La mobilisation des Afro-Américains avait été décisive dans la victoire de Joe Biden face à Donald Trump en 2020

WASHINGTON: A coup d'événements symboliques et d'interviews, Joe Biden, qui selon certains sondages serait en perte de vitesse auprès des Afro-Américains, s'efforce cette semaine de remobiliser cet électorat décisif.

Le président américain multiplie ainsi les hommages aux grandes luttes menées pour les droits civiques aux Etats-Unis.

Jeudi, le démocrate de 81 ans, qui va affronter son prédécesseur républicain Donald Trump pour un second mandat en novembre, a reçu les familles des plaignants d'un combat judiciaire emblématique contre la ségrégation scolaire, ayant débouché sur la décision "Brown vs Board of Education" de la Cour suprême.

Dans cet arrêt de 1954, la Cour a jugé que la séparation des élèves blancs et des élèves noirs dans les écoles violait la Constitution.

Vendredi, Joe Biden ira prononcer un discours au Musée national de l'histoire et de la culture afro-américaine à Washington.

Puis il rencontrera les représentants des "Divine Nine", des "fraternités" et "sororités" (associations typiques des universités américaines) fondées par des étudiants et des étudiantes noires.

Dimanche enfin, il doit s'exprimer lors de la remise des diplômes de l'université historiquement noire de Morehouse à Atlanta (sud-est), celle où étudia Martin Luther King, le grand meneur de la lutte pour les droits civiques dans les années 1960.

La Maison Blanche a d'ailleurs annoncé jeudi avoir investi au total 16 milliards de dollars dans la centaine d'universités historiquement noires du pays depuis l'élection de Joe Biden.

"Le président et moi-même restons déterminés à utiliser tous les moyens disponibles pour soutenir les universités historiquement noires", a commenté dans un communiqué la vice-présidente Kamala Harris, elle-même ancienne étudiante de l'un de ces établissements, la Howard University.

Gaza 

Reste à voir comment le démocrate, ferme soutien d'Israël, sera reçu à Morehouse, alors que certaines cérémonies de ce genre ont été perturbées récemment par des manifestants propalestiniens.

Concernant la guerre à Gaza, "il y a une inquiétude légitime", a dit le président américain, interrogé par une radio de la communauté afro-américaine à Atlanta (Géorgie, sud-est) à propos de ces mobilisations, en ajoutant: "Les gens ont le droit de manifester, de le faire pacifiquement."

Selon plusieurs sondages récents, Joe Biden, tout en restant nettement majoritaire auprès de cet électorat, perdrait du terrain auprès des électeurs noirs, en particulier les plus jeunes, dans certains Etats décisifs.

Parmi eux la Géorgie, ou encore le Wisconsin.

Ce n'est donc pas un hasard si Joe Biden a aussi accordé un entretien, également diffusé jeudi, à une radio afro-américaine de Milwaukee, dans cet Etat de la région des Grands Lacs.

Il y vante ses actions sociales et économiques en faveur des Afro-Américains et critique son opposant républicain.

"Il n'a littéralement rien fait (pour la communauté afro-américaine" et il veut empêcher son accès au vote", a dit Joe Biden.

Sur les ondes de la radio de Géorgie, il a déclaré: "Rappelez-vous qui est Trump. Il a accusé à tort les +Cinq de Central Park+", de jeunes Afro-Américains victimes d'une erreur judiciaire retentissante, "il a donné naissance aux théories du complot" autour de la nationalité de l'ancien président Barack Obama.

La mobilisation des Afro-Américains avait été décisive dans la victoire de Joe Biden face à Donald Trump en 2020. Il avait alors remporté 92% de leurs voix, contre 8% à son adversaire républicain, selon l'institut Pew Research.


Le micro d’une étudiante coupé alors qu’elle demande à Columbia de se mobiliser pour Gaza

Saham David Ahmed Ali s’exprime lors de la cérémonie de remise des diplômes de la Mailman School of Public Health de l’université Columbia. Son micro s’est coupé à deux reprises pendant son discours. (Capture d’écran)
Saham David Ahmed Ali s’exprime lors de la cérémonie de remise des diplômes de la Mailman School of Public Health de l’université Columbia. Son micro s’est coupé à deux reprises pendant son discours. (Capture d’écran)
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  • Le microphone s’est coupé à deux reprises pendant son discours, ce qui a incité les étudiants à huer et à scander «laissez-la parler» pendant que Mme Ali marquait une courte pause
  • On ne sait pas si le problème est dû à un défaut technique ou si le microphone a été délibérément coupé

LONDRES: Un microphone a brièvement été coupé cette semaine lors d’un discours prononcé au cours de la cérémonie de remise des diplômes de l’université Columbia aux États-Unis. L’oratrice avait critiqué la position de l’université à l’égard de Gaza.

Mardi, l’étudiante Saham David Ahmed Ali a prononcé un discours devant les diplômés de la Mailman School of Public Health. Elle a appelé à une action contre Israël, critiquant le «silence sur le campus de l’université Columbia».

Le microphone s’est coupé à deux reprises pendant son discours, ce qui a incité les étudiants à huer et à scander «laissez-la parler» pendant que Mme Ali marquait une courte pause. Elle a ensuite pu continuer. On ne sait pas si le problème est dû à un défaut technique ou si le microphone a été délibérément coupé.

Saham David Ahmed Ali a déclaré que l’université devait révéler ses relations avec des entreprises «tirant profit du génocide palestinien» et qu’elle devait immédiatement s’en désengager.

Elle a également demandé à Columbia d’appeler à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, où les civils palestiniens sont actuellement confrontés à la famine, selon l’ONU, alors qu’Israël poursuit sa campagne militaire qui a fait plus de trente-cinq mille morts, des milliers d’autres blessés et des centaines de milliers de déplacés à la suite de l’attaque menée par le Hamas contre Israël le 7 octobre.

L’université Columbia a été témoin d’importantes manifestations sur son campus depuis le 17 avril après que la présidente de l’université, Minouche Chafik, a témoigné devant le Congrès américain au sujet d’incidents présumés d’antisémitisme contre des étudiants juifs sur son campus.

Les manifestants ont ensuite occupé certaines parties du campus, notamment le Hamilton Hall de l’université. La police de New York a arrêté des centaines de personnes à la suite de ces manifestations, qui ont également déclenché des mouvements similaires dans d’autres grandes universités américaines, ainsi que des contre-manifestations d’étudiants brandissant des drapeaux israéliens et américains.

Columbia a également pris la mesure inhabituelle d’annuler sa cérémonie d’ouverture cette année à la suite des manifestations, organisant uniquement des cérémonies de remise des diplômes propres à l’université.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com