HANOÏ : La vice-présidente américaine Kamala Harris a accusé mardi Pékin de chercher à intimider les pays du pourtour de la mer de Chine méridionale, tandis que les Etats-Unis cherchent à renforcer leurs alliances face à la Chine et à rassurer leurs partenaires après leur retrait chaotique d'Afghanistan.
Mme Harris a fait ces déclarations au deuxième jour de sa visite à Singapour, avant de se rendre à Hanoï, où elle est arrivée avec trois heures de retard en raison d'un "incident anormal de santé" dans la capitale vietnamienne.
Une expression généralement utilisée par Washington pour désigner un mal mystérieux qui a touché des diplomates américains dans plusieurs pays appelé "syndrome de la Havane" et dont le premier cas a été détecté il y a cinq ans à Cuba.
"Pékin continue à exercer des pressions, à intimider et à avoir des revendications sur l'essentiel de la mer de Chine méridionale", a lâché Mme Harris à Singapour.
"Les actes de Pékin continuent à saper l'ordre international fondé sur le droit et à menacer la souveraineté des nations".
"Les Etats-Unis peuvent diffamer, opprimer et intimider d'autres pays sans en payer le moindre prix", lui a rétorqué un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin, faisant allusion à l'intervention américaine en Afghanistan.
"Les Etats-Unis usent toujours du droit pour justifier leur égoïsme et asseoir leur hégémonie", a-t-il estimé devant la presse.
Dans son discours à Singapour, la vice-présidente américaine a détaillé les objectifs de politique extérieure américaine en Asie.
"Les Etats-Unis sont unis" avec leurs alliés et leurs partenaires "devant ces menaces", a-t-elle assuré, faisant allusion à la Chine.
Pékin revendique presque la totalité de la mer de Chine méridionale, une zone maritime aux ressources importantes et par laquelle se fait une grande partie du commerce mondial.
Mais les Philippines, le Vietnam, la Malaisie et Brunei, ainsi que Taïwan, ont des revendications de souveraineté concurrentes sur la zone.
La Chine a été accusée de déployer des équipements militaires, dont des lance-missiles, et d'ignorer une décision d'un tribunal international de 2016 qui a jugé sans fondement la plupart de ses revendications historiques.
Les tensions se sont aggravées ces derniers mois entre Pékin et les pays contestant ses revendications maritimes.
Manille a fait part de sa colère après avoir repéré des centaines de bateaux chinois dans la zone économique exclusive (ZEE) philippine, tandis que la Malaisie a déployé des chasseurs pour intercepter des avions militaires chinois qui ont fait une incursion près de ses côtes.
Mme Harris a aussi voulu apaiser les craintes que les tensions croissantes entre la Chine et les Etats-Unis ne contraignent les pays étroitement liés à ces deux puissances économiques à devoir choisir leur camp.
"Notre engagement en Asie du Sud-Est et dans la région indo-pacifique n'est pas dirigé contre un pays quel qu'il soit et ne vise pas à forcer quiconque à choisir entre les pays", a-t-elle affirmé.
La visite de la vice-présidente dans cette partie du monde fait suite à celle du chef du Pentagone Lloyd Austin le mois dernier, qui avait aussi sévèrement critiqué les revendications chinoises dans cette zone disputée.
Mais la crise en Afghanistan a renforcé les doutes sur la crédibilité du soutien des Etats-Unis chez leurs partenaires et jeté une ombre sur la visite en Asie du Sud-Est de Kamala Harris.
La vice-présidente américaine a défendu la décision de Joe Biden de retirer les troupes américaines d'Afghanistan, une décision "courageuse et bonne". Elle a répété que les Américains donnaient la priorité à l'évacuation en cours d'étrangers et d'Afghans à l'aéroport de Kaboul.
Kamala Harris a aussi annoncé que Washington proposait d'accueillir en 2023 la réunion annuelle du Forum de Coopération économique Asie-Pacifique (Apec), une organisation dont font partie à la fois les Etats-Unis et la Chine.
Les relations entre Pékin et Washington se sont envenimées après des différends allant de la cybersécurité et la lutte pour la suprématie technologique aux violations des droits de l'Homme à Hong Kong et au Xinjiang.
Le gouvernement de Joe Biden a continué pour l'essentiel la politique de Donald Trump d'opposition à la Chine.
Harris appelle à plus de coopération face au déficit de semi-conducteurs
SINGAPOUR : La vice-présidente américaine Kamala Harris a appelé mardi à plus de coopération internationale pour améliorer la chaîne logistique face au déficit mondial de semi-conducteurs, au cours d'une visite à Singapour.
Ce déficit déclenché par un bond de la consommation des biens électroniques au début de la pandémie de Covid-19 a été ensuite exacerbé par des problèmes de chaîne d'approvisionnement liés aux perturbations de certaines usines clés en Asie.
"Quand nous voyons les perturbations de la chaîne d'approvisionnement, c'est un problème qui demande que toutes les nations (...) travaillent ensemble pour se coordonner", a souligné la responsable américaine au cours d'une rencontre avec des dirigeants économiques de la cité-Etat d'Asie du Sud-Est.
"Il doit donc y avoir une collaboration et au moins un peu de coordination, sur ce qu'il faut faire pour répondre à la demande".
Le secteur automobile a été le plus touché par le manque de microprocesseurs, Volkswagen et Toyota ayant été contraints de réduire leur production, mais les fabricants de smartphones et de consoles ont aussi averti qu'ils rencontraient des problèmes d'approvisionnement.
La production mondiale de puces est concentrée en Asie et la pandémie a mis en évidence la grande vulnérabilité de sa chaîne logistique. Elle a aussi perturbé les transports maritimes qui alimentent en microprocesseurs les principaux clients.
Ce déficit a poussé les pays occidentaux à vouloir renforcer la production locale de semi-conducteurs pour éviter de futurs chocs à l'avenir, mais la création de nouvelles usines suppose des investissements colossaux.
Le ministre du Commerce de Singapour Gan Kim Yong a souligné qu'il y avait "des limites et des défis face à ce qu'un pays pouvait faire seul". "Les chaînes logistiques de l'électronique et des semi-conducteurs sont complexes et doivent être optimisées à un niveau mondial", a-t-il noté.
Des représentants de GlobalFoundries, groupe américain ayant des usines à Singapour, le fonds d'investissement américain BlackRock, et le fonds souverain de Singapour Temasek ont participé aux discussions, a rapporté l'agence Bloomberg.
Singapour abrite d'importantes usines de microprocesseurs et ses ports sont parmi les plus grands au monde.
GlobalFoundries a annoncé récemment un nouveau projet d'usine de 4 milliards de dollars dans l'île, qui doit entrer en fonction en 2023.
La responsable américaine a poursuivi son voyage au Vietnam, qui a vu également un renforcement des investissements étrangers dans la production de puces, avec notamment une usine du groupe américain Intel à Ho Chin Minh Ville.
Taïwan et la Corée du Sud abritent aussi certaines des plus grandes fonderies de semi-conducteurs au monde.