Efficacité du vaccin Sinopharm: «il faut revenir à l'évidence scientifique»

Maryam Bigdeli, responsable du bureau de l’OMS au Maroc a répondu aux questions d’Arab News en français (Photo fournie).
Maryam Bigdeli, responsable du bureau de l’OMS au Maroc a répondu aux questions d’Arab News en français (Photo fournie).
Short Url
Publié le Samedi 28 août 2021

Efficacité du vaccin Sinopharm: «il faut revenir à l'évidence scientifique»

  • «Le fait d’avoir peur est tout à fait légitime. Se poser des questions face à l’inconnu est également normal. Il faut l’admettre et continuer à informer en se référant à la science»
  • «Le Maroc a agi de façon extrêmement efficace, ce qui est de bonne augure pour l’avenir, mais il ne faut pas oublier ces bonnes pratiques, et capitaliser sur cette expérience»

NICE: C’est un fait. Les voyants sont au rouge. Le Maroc est souvent montré en exemple pour sa gestion de la pandémie de Covid-19. Pourtant, les autorités françaises viennent de le placer sur la liste rouge. Une catégorie de pays dans lesquels le virus circule de façon très active avec des variants préoccupants. Le Maroc, jusqu’ici relativement épargné par la Covid-19, fait face à la vague épidémique la plus violente qu’il ait rencontrée depuis le début de la crise sanitaire.

Ces deux dernières semaines, le nombre des contaminations a bondi avec près de 10 000 cas par jour. Le pays déplore quotidiennement au moins 100 décès. Les services de réanimation sont submergés, surtout à Casablanca et à Marrakech. Et pourtant, le Maroc est le pays du continent africain le plus avancé dans sa campagne de vaccination. Près de 35 % de la population est complètement vaccinée. Cependant, certains citoyens hésitent encore à le faire, souvent par crainte de potentiels effets secondaires. Sur la Toile, un autre virus tout aussi contagieux pullule: celui des fake news remettant en cause l’efficacité des vaccins. Maryam Bigdeli, responsable du bureau de l’OMS au Maroc répond aux questions d’Arab News en français.


Faut-il s’inquiéter de la situation sanitaire au Maroc?

Il est vrai que le Maroc enregistre un nombre croissant de contaminations, de cas sévères, et de décès, mais la bonne nouvelle, c’est que nous savons quoi faire. Les mesures prises, qui ont fonctionné lors des précédentes vagues et variants sont toujours les mêmes. Le taux de létalité au Maroc (le nombre de décès sur le nombre de cas enregistrés) n’a pas évolué, il est même en baisse par rapport au mois de novembre de l’année dernière.

Dans les pays où la vaccination a été mise en place de façon très étendue (le Maroc prend cette voie), on voit bien que les cas sévères ont diminué. La vaccination permet d’éviter un grand nombre de décès. Mais elle doit aussi être accompagnée de mesures de distanciation physique, et de certaines règles restrictives permettant de réduire la transmission du virus, en attendant que la campagne de vaccination soit complète. Il est donc très important de respecter ces mesures de confinement partiel, et surtout de se tester, de s’isoler pour protéger nos proches et la communauté.


Face aux fake news, l’enjeu aujourd’hui est donc de convaincre les plus réticents à la vaccination…

C’est un travail multifactoriel. Nous devons informer en nous basant sur les données de la science: ces vaccins ont reçu
– en particulier ceux qui sont administrés au Maroc – l’approbation en urgence de l’OMS et du comité scientifique marocain. Il faut savoir qu’aucun vaccin aujourd’hui n’est efficace à 100 %, ni n’empêche de contracter le virus. Mais il est certain que le vaccin protège contre les formes sévères, et évite un grand nombre de décès. Cela a été constaté dans les pays qui ont une bonne couverture vaccinale. On ne peut toutefois pas affirmer qu’il n’y aura aucun décès. En situation réelle (hors des essais cliniques), certaines personnes répondent moins bien à la vaccination, il y a aussi parfois des gestes vaccinaux mal réalisés, et des personnes qui échappent à l’immunité. Le plus important, c’est que même si la vaccination peut ne pas empêcher des cas sévères, ils seront moins graves que sans vaccination. Il y a donc toujours un bénéfice. On peut bien sûr toujours prendre des cas isolés et les monter en épingle… Il est déplorable qu’il y ait encore des décès ou des cas critiques, mais le postulat de départ n’a jamais été qu’ils allaient pouvoir tous être évités, mais de les réduire le plus possible.

L’OMS n’a-t-elle pas un rôle de sensibilisation à jouer?

Nous jouons déjà ce rôle. Le fait d’avoir peur est tout à fait légitime. Se poser des questions face à l’inconnu est également normal. Il faut l’admettre. Il faut continuer à informer en se référant à la science. Le Maroc a mis en place une importante campagne de communication digitale. L’OMS y a collaboré avec l’Unicef, afin d’informer sur la nécessité de se faire vacciner, et d’avoir un impact sur la population. Donc nous participons avec les autorités marocaines à faire diffuser ces messages basés sur la science et l’évidence.


Le Maroc a également mis en place un système de communication direct avec la population, en faisant du porte-à-porte dans les quartiers et les villages. C’est fondamental, car toute la population n’a pas accès aux supports de communication digitaux, et elle a aussi besoin de poser des questions, et de recevoir des réponses auprès d’équipes mobiles.

Aucun vaccin, aucun médicament, ni traitement n’est exempt d’effets secondaires

Maryam Bigdeli

En mars dernier, le bureau de l'OMS au Maroc a félicité le pays pour «la réussite de sa campagne de vaccination», en indiquant que le pays comptait parmi les dix premiers États ayant réussi le défi de la vaccination contre la Covid-19. Sur quels critères vous basez-vous pour faire ce bilan?

Les critères établis ne sont pas les mêmes que pour les stratégies de vaccination habituelles, où les taux de vaccination doivent atteindre un certain pourcentage de la population pour être considérés comme efficaces, par exemple pour la rougeole ou la polio. Pour la Covid-19, nous sommes dans une situation inédite, donc les critères sont différents.


Il faut rester prudents, car certains pays n’ont pas eu la capacité de vacciner leur population comme le Maroc, par manque de moyens. Les critères sont donc à nuancer, mais plusieurs éléments permettent de dire que le Maroc a pris les bonnes décisions au bon moment, sous le leadership de Sa Majesté (ndlr: le roi du Maroc). Il y a eu un engagement politique. Tout d’abord, les vaccins ont été disponibles et gratuits pour l’ensemble de la population, y compris les résidents étrangers. Il faut aussi rappeler la rapidité d’action du Maroc, dont la logistique a été organisée bien avant l’arrivée des premiers vaccins dès novembre. Le personnel a été formé, des centres de vaccination ont été installés, et la chaîne du froid a été coordonnée. L'engagement des professionnels de santé au Maroc a permis le succès de cette campagne.


Un autre critère est celui de la couverture et l’extension qui a été faite de façon progressive et raisonnée. Il y a eu aussi les campagnes de communication digitale. Il y a aussi un élément très important: l’efficacité de la pharmacovigilance, un système qui permet de suivre, tracer et monitorer les effets secondaires. Le centre national de pharmacovigilance au Maroc est d’ailleurs un centre qui collabore avec l’OMS

Que penser justement des «effets secondaires» des vaccins qui ont été notamment révélés par certains médias au Maroc, après le décès d’une jeune fille, attribué par ses proches à l’injection du vaccin Johnson & Johnson?

Je ne vais pas me prononcer sur des cas particuliers, car ils sont en cours d’investigation par le système de pharmacovigilance. Je fais confiance aux experts. Les vaccins qui ont reçu l’approbation d’urgence de l’OMS ont fourni des données démontrant que leur efficacité est suffisante pour arrêter la transmission du virus, prévenir les formes graves et que les effets secondaires ne sont pas importants. Aucun vaccin, aucun médicament, ni traitement n’est exempt d’effets secondaires, et certains individus peuvent réagir différemment que d’autres. Évidemment, les effets secondaires graves sont absolument déplorables, mais d’un point de vue de santé publique, c’est vraiment la balance bénéfice-risque que l’on doit prendre en considération.

Qu’en est-il de l’efficacité du vaccin Sinopharm utilisé au Maroc, mais qui n’est toujours pas validé par l’UE? Le Maroc s'associe d’ailleurs à l'entreprise chinoise Sinopharm pour créer une unité industrielle de production de vaccins. Récemment, Nasser Bourita, le chef de la diplomatie marocaine, a déclaré que «la remise en cause de l'efficacité du vaccin produit par Sinopharm relève plus du domaine politique que scientifique…»

Malheureusement, beaucoup de sujets ont été politisés depuis le début de cette pandémie, et je pense qu’il faut vraiment revenir à l'évidence scientifique ! C’est un vaccin qui a reçu l’autorisation d’utilisation d’urgence de l’OMS. Je continue donc à faire confiance aux scientifiques, qui au vu des données à leur disposition, ont montré que ce vaccin était efficace à un niveau suffisant (plus de 70%) pour protéger la population des formes les plus graves. Par ailleurs, il n’a pas montré plus d’effets secondaires que d’autres vaccins qui ont aussi reçu cette autorisation.

Le vaccin n’est pas la seule arme, vous l’avez dit… le pass sanitaire mise en place par certains gouvernements est aussi vu comme une arme pour faire reculer la propagation de l’épidémie. Pensez-vous que le pass vaccinal sanitaire est nécessaire?



Nous donnons des recommandations, les États sont souverains pour prendre les décisions qui leur incombent, néanmoins le pass sanitaire peut introduire certaines inégalités dans la mesure où toute la population du monde n’a pas accès aux mêmes vaccins… Hors Covid, nous vivons déjà dans un monde très inéquitable. La Covid-19 a introduit certaines inégalités, les vaccins n’ayant pas été distribués proportionnellement dans les différents pays. Le pass vaccinal peut accroître ces inégalités en excluant la population de certaines activités, en restreignant leur liberté de mouvement.


Il est plus prudent de convaincre plutôt que contraindre! Il faut mettre en place un certain nombre de mécanismes de communication, d’écoute, fournir des réponses aux questions de la population. Il est vrai que l’on travaille contre le temps avec une épidémie qui reprend, et le pass vaccinal peut être une solution transitoire, tout comme les restrictions, mais il faut les appliquer avec prudence. Ce type d’outils doit être respectueux des libertés individuelles, et il faut essayer de les limiter dans le temps.

La pandémie a révélé les graves dysfonctionnements du secteur de la santé dans de nombreux pays, dont le Maroc. Comment le pays peut aujourd'hui rattraper son retard dans le secteur de la santé?



Le Maroc a agi de façon extrêmement efficace, ce qui est de bonne augure pour l’avenir, mais il ne faut pas oublier ces bonnes pratiques, et capitaliser sur cette expérience. On a vécu cela avec d’autres crises comme Ebola. Nous sommes capables de mobiliser beaucoup de ressources dans des situations de crises dans un court laps de temps. Au Maroc comme ailleurs, il faut notamment repenser le rôle des ressources humaines dans la santé, remettre les soignants au cœur de ce système, et les valoriser. Il faut aussi encourager la multisectorialité. On a vu l'ensemble des secteurs s'engager pour aider la santé comme le textile…et rôle capital qu’on pu jouer de nombreuses innovations. Il faut encourager cette polyvalence dans les réformes futures.


Le Parlement libanais approuve un projet de loi sur le secret bancaire

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Short Url
  • La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise
  • Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière

BEYROUTH: Le Parlement libanais a approuvé jeudi un projet de loi sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise imputée à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a désormais besoin de fonds pour la reconstruction.

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière.

Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent.

En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.

Le feu vert du Parlement coïncide avec une visite à Washington des ministres des Finances, Yassine Jaber, et de l'Economie, Amer Bisat, ainsi que du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid, pour des réunions avec la Banque mondiale et le FMI.

M. Jaber a estimé cette semaine que l'adoption des amendements donnerait un "coup de pouce" à la délégation libanaise.

En avril 2022, le Liban et le FMI ont conclu un accord sous conditions pour un programme de prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord avec Beyrouth après des discussions avec M. Jaber. Le nouveau gouvernement libanais s'est engagé à mettre en oeuvre d'autres réformes et a également approuvé le 12 avril un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.


Syrie: Londres lève ses sanctions contre les ministères de la Défense et de l'Intérieur

Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Short Url
  • "Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor
  • Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier

LONDRES: Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir levé ses sanctions contre les ministères syriens de l'Intérieur et de la Défense ainsi que contre des agences de renseignement, qui avaient été imposées sous le régime de Bachar al-Assad.

"Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor.

Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier.

Ces autorités, issues de groupes rebelles islamistes, ont pris le pouvoir le 8 décembre.

Le Royaume-Uni avait début mars déjà levé des sanctions à l'égard de 24 entités syriennes ou liées à la Syrie, dont la Banque centrale.

Plus de trois cents individus restent toutefois soumis à des gels d'avoirs dans ce cadre, ainsi qu'une quarantaine d'entités, selon le communiqué du Trésor.

Les nouvelles autorités syriennes appellent depuis la chute d'Assad en décembre dernier à une levée totale des sanctions pour relancer l'économie et reconstruire le pays, ravagé après 14 années de guerre civile.


1983 – L'attaque contre les Marines américains à Beyrouth

Short Url
  • Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines
  • Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang

BEYROUTH: Le 23 octobre 1983, aux alentours de 6h25, une violente déflagration secoue Beyrouth et sa banlieue, jusque dans les hauteurs montagneuses. Le souffle, sourd et diffus, fait d’abord penser à un tremblement de terre.

Mais sept minutes plus tard, une seconde explosion, bien plus puissante, déchire la ville et ses environs, dissipant toute confusion: Beyrouth venait de vivre l’un des attentats les plus meurtriers de son histoire.

Je travaillais alors pour le journal libanais As-Safir en tant que correspondant de guerre. Beyrouth était assiégée, dans sa banlieue sud, dans les montagnes et dans la région du Kharoub, par des affrontements entre le Parti socialiste progressiste et ses alliés d'une part, et les Forces libanaises d'autre part, dans ce que l'on appelait la «guerre des montagnes».

Le sud du pays a également été le théâtre de la résistance armée des combattants libanais contre l'occupation israélienne. Ces combattants étaient liés à des partis de gauche et, auparavant, à des factions palestiniennes.

Des forces multinationales, notamment américaines, françaises et italiennes, avaient été stationnées à Beyrouth après le retrait des dirigeants et des forces de l'Organisation de libération de la Palestine, à la suite de l'agression israélienne contre le Liban et de l'occupation de Beyrouth en 1982.

Quelques minutes après les explosions, la réalité s’impose avec brutalité: le quartier général des Marines américains, situé sur la route de l’aéroport de Beyrouth, ainsi que la base du contingent français dans le quartier de Jnah, ont été ciblés par deux attaques-suicides coordonnées.

Les assaillants, non identifiés, ont lancé des camions piégés – chargés de plusieurs tonnes d’explosifs – contre les deux sites pourtant fortement sécurisés, provoquant un carnage sans précédent.

Comment nous l'avons écrit

--
Au lendemain des attentats, Arab News faisait état de 120 morts parmi les Marines et de 20 morts parmi les Français, un chiffre nettement inférieur au décompte final.

L'attaque de la base américaine a tué 241 militaires américains – 220 Marines, 18 marins et trois soldats – et en a blessé des dizaines. Le bombardement du site militaire français a tué 58 parachutistes français et plus de 25 Libanais.

Ces attentats étaient les deuxièmes du genre à Beyrouth; un kamikaze avait pris pour cible l'ambassade des États-Unis à Aïn el-Mreisseh six mois plus tôt, le 18 avril, tuant 63 personnes, dont 17 Américains et 35 Libanais.

Les dégâts sont énormes au quartier général des Marines. Quatre couches de ciment s'étaient effondrées pour former des tas de décombres, des incendies brûlaient et l'on entendait beaucoup de cris au milieu du sang, des morceaux de corps et de la confusion. Voici ce que nous, journalistes, avons pu voir au milieu du chaos qui régnait immédiatement après la catastrophe, et ce qui reste gravé dans ma mémoire plus de 40 ans plus tard.

La nuit précédente, un samedi, les Marines avaient fait la fête, divertis par un groupe de musique qui avait fait le voyage depuis les États-Unis pour se produire devant eux. La plupart dormaient encore lorsque la bombe a explosé.

Aucun groupe n'a revendiqué les attentats ce jour-là, mais quelques jours plus tard, As-Safir a publié une déclaration qu'il avait reçue et dans laquelle le «Mouvement de la révolution islamique» déclare en être responsable.

Environ 48 heures après l’attentat, les autorités américaines pointent du doigt le mouvement Amal, ainsi qu’une faction dissidente dirigée par Hussein al-Moussawi, connue sous le nom d’Amal islamique, comme étant à l’origine de l’attaque.

Selon la presse locale de l’époque, la planification de l’attentat aurait eu lieu à Baalbeck, dans la région de la Békaa, tandis que le camion utilisé aurait été aperçu garé devant l’un des bureaux du mouvement Amal.

Le vice-président américain, George H.W. Bush, s'est rendu au Liban le lendemain de l'attentat et a déclaré: «Nous ne permettrons pas au terrorisme de dicter ou de modifier notre politique étrangère.»

La Syrie, l'Iran et le mouvement Amal ont nié toute implication dans les deux attentats.

En riposte à l’attaque visant leurs soldats, les autorités françaises ont lancé une opération militaire d’envergure: huit avions de chasse ont bombardé la caserne Cheikh Abdallah à Baalbeck, que Paris considérait comme un bastion de présences iraniennes.

À l’époque, les autorités françaises ont affirmé que les frappes avaient fait environ 200 morts.

Un responsable de l'Amal islamique a nié que l'Iran disposait d'un complexe dans la région de Baalbeck. Toutefois, il a reconnu le lien idéologique fort unissant son groupe à Téhéran, déclarant: «L’association de notre mouvement avec la révolution islamique en Iran est celle d’un peuple avec son guide. Et nous nous défendons.»

Le 23 novembre, le cabinet libanais a décidé de rompre les relations avec l'Iran et la Libye. Le ministre libanais des Affaires étrangères, Elie Salem, a déclaré que la décision «a été prise après que l'Iran et la Libye ont admis qu'ils avaient des forces dans la Békaa».

Un rapport d'As-Safir cite une source diplomatique: «Les relations avec l'Iran se sont détériorées en raison des interventions, pratiques et activités illégales qu'il a menées sur la scène libanaise, malgré de nombreux avertissements.»

Les attentats du 23 octobre étaient jusqu'alors le signe le plus évident de l'évolution de l'équilibre des forces régionales et internationales au Liban et de l'émergence d'un rôle iranien de plus en plus important dans la guerre civile.

Le chercheur Walid Noueihed m'a expliqué qu'avant 1982, Beyrouth avait accueilli toutes les formes d'opposition, y compris l'élite éduquée, appelée «opposition de velours», et l'opposition armée, dont les membres étaient formés dans des camps ou des centres d'entraînement palestiniens dans la vallée de la Békaa et au Liban-Sud.

--
Vue aérienne de l'ambassade américaine à Beyrouth après l'explosion qui a fait 63 morts, dont 46 Libanais et 17 Américains. (AFP)

Il a indiqué que l'opposition iranienne au chah était présente parmi ces groupes et a décrit Beyrouth comme une oasis pour les mouvements d'opposition jusqu'en 1982. Toutefois, cette dynamique a changé lorsqu'Israël a envahi le Liban et assiégé Beyrouth, ce qui a entraîné le départ de l'OLP en vertu d'un accord international qui exigeait en échange qu'Israël s'abstienne de pénétrer dans Beyrouth.

Si les factions palestiniennes ont quitté le Liban, ce n'est pas le cas des combattants libanais associés à l'OLP, pour la plupart des chiites qui constituaient la base des partis de gauche libanais.

Les attaques contre les bases militaires américaines et françaises ont entraîné le retrait des forces internationales du Liban, explique M. Noueihed, laissant une fois de plus Beyrouth sans protection. Les opérations de résistance se sont multipliées, influencées par des idéologies distinctes de celles de la gauche traditionnelle, des groupes comme l'Amal islamique affichant ouvertement des slogans prônant la confrontation avec Israël.

En 1985, le Hezbollah est officiellement créé en tant qu'«organisation djihadiste menant une révolution pour une république islamique». Il s'est attiré le soutien des partis de gauche libanais et palestiniens, en particulier après l'effondrement de l'Union soviétique.

Selon M. Noueihed, l'émergence du Hezbollah a coïncidé avec le déclin des symboles existants de la résistance nationale, ce qui semble indiquer une intention d'exclure toutes les autres forces du pays du mouvement de résistance, laissant le Hezbollah comme parti dominant.

L'influence iranienne au Liban est devenue évidente lors des violents affrontements entre le Hezbollah et Amal, qui ont fait des dizaines de victimes et se sont terminés par la consolidation du contrôle du Hezbollah au milieu de la présence des forces militaires syriennes.

Beyrouth se vide peu à peu de son élite intellectuelle, a souligné M. Noueihed. Des centaines d’écrivains, d’intellectuels, de chercheurs et de professionnels des médias ont fui vers l’Europe, redoutant pour leur sécurité, laissant derrière eux une ville désertée par ceux qui faisaient autrefois vibrer sa vie culturelle et académique.

Najia Houssari est rédactrice pour Arab News, basée à Beyrouth. Elle était correspondante de guerre pour le journal libanais As-Safir au moment du bombardement de la caserne des Marines américains.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com