De retour au pouvoir, les talibans face aux défis économiques

Des Afghans arrivent au Pakistan après avoir traversé le point de passage de la frontière pakistano-afghane à Chaman le 21 août 2021 (Photo. AFP).
Des Afghans arrivent au Pakistan après avoir traversé le point de passage de la frontière pakistano-afghane à Chaman le 21 août 2021 (Photo. AFP).
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Publié le Samedi 21 août 2021

De retour au pouvoir, les talibans face aux défis économiques

  • Les défis des talibans d’aujourd’hui sont de taille, et l’économie est le facteur clé pour les nouveaux maîtres de Kaboul
  • «Si les talibans n’accaparent pas le pouvoir et respectent les droits humains, l’accès à certaines réserves à l’étranger pour payer les factures du pays sera possible», affirme Torek Farhadi

L’histoire se répète en Afghanistan: les talibans ont repris le pouvoir. Alors qu’ils avançaient vers Kaboul, l’armée et la police démotivées par le retrait des troupes américaines puis du départ du président Ashraf Ghani, réfugié au Tadjikistan avant de rejoindre les Émirats arabes unis, ont abandonné leurs postes et armes. Depuis la prise de Kaboul il y a quelques jours, des scènes, significatives, se succèdent: des centaines de citoyens ont rejoint l’aéroport pour se battre pour une place sur un avion, d’autres montraient des images de femmes en robe de mariée devant un salon de beauté afin d’éviter toute punition, sans oublier les trois citoyens tués par les balles des talibans durant une manifestation qui s’opposait au retrait du drapeau afghan. Pendant ce temps, les talibans continuent d’assurer qu’ils «respecteront les droits des hommes et des femmes» et ne feront pas de l’Afghanistan un havre pour terroristes. Le groupe armé dit avoir fait des erreurs lors de son premier passage au pouvoir.

Les défis des talibans d’aujourd’hui sont de taille, et l’économie est le facteur clé pour les nouveaux maîtres de Kaboul. Le pays est financé depuis des années par les dons internationaux (50% des recettes fiscales), la pauvreté atteint 66% d’une population jeune, et la dépendance à l’agriculture dans un pays à la fois enclavé et montagneux à 50% complique le redressement économique. Arab News en français fait le point sur l’économie afghane et ses perspectives avec Torek Farhadi, ancien conseiller économique de Hamid Karzaï, le premier président afghan post-11 Septembre. 

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Arab News en français: Quels sont les plus importants partenaires économiques de l’Afghanistan aujourd’hui?

Torek Farhadi: L’Afghanistan est un pays importateur de 10 milliards de dollars de carburant, de denrées alimentaires, de médicaments et de matériaux de construction. Les plus grands partenaires sont l’Iran, en tête, suivi du Pakistan puis de l’Ouzbékistan. Avec des importations d’une valeur de 10 milliards de dollars annuel, les talibans pourraient gagner de l’argent et continuer à payer les fonctionnaires de l’État en imposant la taxation des marchandises aux douanes. Le pays n’a plus de trésorerie, et les États-Unis ont gelé les réserves de la Banque centrale afghane. Cela dit, le pays ne se dirige pas vers une crise  de paiement, mais si la Banque centrale de l’Afghanistan ne fonctionne pas, les lettres de crédit, les créances ne peuvent pas être honorées et la livre afghane perdra de sa valeur.

En tant que pays importateur, est-ce que l’Afghanistan a suffisamment de réserves de devises étrangères pour survivre?

L’ancien gouverneur de la Banque centrale a déclaré que les réserves de devises étrangères étaient proches de 0. La plupart des réserves de l’Afghanistan sont investies dans des banques à l’extérieur, par sécurité, mais ce n’est pas une bonne solution, car il n’y a plus d’argent à l’intérieur et l’argent à l’extérieur est gelé.

Comment est-ce que ces réserves gelées pourraient être débloquées?

Pour débloquer cet argent, il est important que les talibans se transforment en hommes d’État. La condition de la communauté internationale, c’est que les talibans n’abritent pas de terroristes, qu’ils respectent les droits de la femme, qu’ils forment un gouvernement inclusif avec des personnalités compétentes, mais il faut aller vite, car une fois que le gouvernement est élu, c’est à ce moment-là que les talibans pourront prétendre aux réserves de la Banque centrale, qui s’élèvent à 9,5 milliards de dollars, gelés sur des comptes aux États-Unis. Il ne faut pas que la situation économique se détériore; si c’est le cas, cela poussera les talibans à se réfugier dans l’ostracisme, et la communauté internationale créera ainsi par défaut un acteur non-étatique. Il ne faut pas isoler les États et les peuples, puis se demander pourquoi et comment la traite des humains, le trafic de drogue et le terrorisme prolifèrent dans ces pays.

Il faut pousser les talibans à constituer un gouvernement, inclure les différentes composantes politiques de la société afghane, et respecter les droits de l’homme et de la femme. Une fois ces conditions assurées, l’accès à certaines parties de la réserve centrale pour payer les factures du pays sera probablement possible. Cela donnera bien sûr un pouvoir à la communauté internationale sur le gouvernement afghan, mais il ne faudrait pas faire de l’Afghanistan un État paria.

La dépendance à l’aide est frappante. En 2019, les chiffres de la Banque mondiale montrent que l’aide au développement équivalait à 43% du revenu national brut. Cette aide à l’Afghanistan perdurera-t-elle?

L’Allemagne, le Japon, les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Union Européenne sont les plus grands donateurs. Ils ont beaucoup contribué au budget actuel du pays: juste avant l’effondrement du gouvernement de Ghani, environ 70 à 80% du budget annuel était financé par les donateurs. Ce que nous voudrions, c’est que le gouvernement formé par les talibans soit ouvert et élargi à des personnes expertes et indépendantes pour que le monde prenne confiance et que l’aide continue.

Des pays comme l’Allemagne ont prévenu que si les talibans appliquent la charia cette aide s’arrêtera, mais ce sont des déclarations de politiques internes, et cette même Allemagne aidera les Nations unies et la Banque mondiale à collecter des fonds pour des raisons humanitaires. Mais quand il y aura des problèmes de famine, et qu’ils toucheront les femmes et les enfants, il faudra que les organisations internationales puissent acheminer cette aide. Je suis pour la diplomatie qui engage les groupes et qui leur montre les leviers d’échange avec la communauté internationale. 

Le porte-parole des talibans déclare qu’ils ne permettront pas au commerce et à la culture de l’opium et de la drogue d’exister en Afghanistan. Mais la réalité c’est que les talibans ont toujours compté sur la vente d’opium (84% de la production mondiale), l’imposition d’une taxe islamique sur les foyers (Zakat) et le racket des habitants pour pouvoir s’autofinancer. Utiliseront-ils de nouveau ces procédés?

Il faut distinguer les deux périodes. Il y avait celle où les talibans étaient un groupe de résistance armée, qui faisait la guerre et avaient des revenus de toutes sortes: l’opium que vous avez mentionné dans le Sud-Ouest, les réserves minières éparpillées dans le pays, la collecte d’impôts sur l’agriculture, la taxation des marchandises à la douane, etc. Mais aujourd’hui ce groupe armé va gouverner l’Afghanistan et doit apprendre à trouver des revenus et décider à quoi les dépenser.

Hamid Karzaï est connu pour avoir quitté le pouvoir avec des millions de dollars sur son compte bancaire. Est-ce le cas d’Ashraf Ghani? Quel a été le plan économique de chacun de ses deux chefs d’États qui se sont succédé entre 2007 et 2021.

Ce sont deux dirigeants qui n’avaient pas de visions économiques. Ashraf Ghani, le président en fuite, vient de la Banque mondiale, certes, mais il était anthropologue. Il a dit qu’il voulait améliorer le climat de l’investissement, mais il a ravivé la corruption, de ce fait le peuple n’a rien reçu des énormes sommes qui ont été déversées en Afghanistan, et c’est comme ça que son gouvernement est tombé, comme un château de cartes.


Le traité sur la pollution plastique n'est pas mort, affirme la cheffe de l'environnement de l'ONU

Un homme marche sur un pont près de la vallée de Vjosa, récemment désignée comme site de l'UNESCO, à Tepelene, en Albanie. (Reuters)
Un homme marche sur un pont près de la vallée de Vjosa, récemment désignée comme site de l'UNESCO, à Tepelene, en Albanie. (Reuters)
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  • Malgré l’échec de deux cycles de négociations et la démission du président du comité, la cheffe du PNUE Inger Andersen reste optimiste : un traité mondial contre la pollution plastique est encore possible
  • Alors que la production de plastique pourrait tripler d’ici 2060, les négociations patinent entre pays favorables à une réduction de la production et ceux qui préfèrent miser sur la gestion des déchets

GENEVE: Un traité mondial historique sur la lutte contre la pollution plastique reste à portée de main, assure la cheffe de l'agence de l'ONU pour l'environnement, malgré l'échec cuisant de deux rounds de négociations successifs et la démission soudaine du président du comité des négociations cette semaine.

Dans un entretien exclusif accordé à l'AFP, la directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), Inger Andersen, estime que les pays ne feront pas marche arrière, malgré leurs profondes divergences sur la lutte contre ce problème croissant, notamment dans les océans.

Un grand bloc de pays souhaite des mesures audacieuses, comme la réduction de la production de plastique, tandis qu'un groupe plus restreint de pays producteurs de pétrole souhaite se concentrer davantage sur la gestion des déchets.

Les négociations censées se terminer en 2024 en Corée du Sud se sont soldées par un échec, et les efforts repris à Genève en août ont également échoué.

Beaucoup de pays ont exprimé leur colère et leur frustration face à l'échec des discussions, mais ont affirmé souhaiter de nouvelles négociations, dans la foulée de six cycles déjà tenus en trois ans sous l'égide du PNUE.

"Le résultat était-il glorieux ? Non. Mais était-ce la fin ? Non", martèle Mme Andersen.

"Nous sommes repartis avec une plus grande lucidité. Et personne n'a quitté la table. Personne n'est reparti en disant: +C'est trop désespéré, on abandonne+. Personne. Et tout cela me donne du courage", assure l'économiste danoise.

Le problème de la pollution plastique est si omniprésent que des microplastiques ont été retrouvés sur les plus hauts sommets, dans les fosses océaniques les plus profondes et dispersés dans presque toutes les parties du corps humain.

Le sujet est d'autant plus urgent que la planète a produit plus de plastique depuis 2000 que durant les 50 années précédentes. Et la tendance s'accélère: si rien n'est fait, la production actuelle, de quelque 450 millions de tonnes par an, devrait tripler d'ici 2060, selon les prévisions de l'OCDE. Moins de 10% est recyclé.

- "Tout à fait faisable" -

À l'heure actuelle, aucun calendrier n'a été fixé pour la tenue de nouvelles négociations, et aucun pays n'a proposé officiellement de les accueillir. Mais Mme Andersen est "absolument" convaincue qu'un accord est à portée de main.

"C'est tout à fait faisable. Il faut juste persévérer", avance-t-elle. "Nous sommes si proches".

Selon elle, l'état d'esprit général est le suivant: "Nous sommes toujours en négociation. Nous ne nous éloignons pas. Nous avons nos lignes rouges, mais nous comprenons mieux celles des autres. Et nous voulons tous" un accord.

La Norvège et le Kenya ont organisé une réunion très suivie lors de l'Assemblée générale des Nations unies à New York le mois dernier, souligne Mme Andersen.

La COP30, qui se tiendra au Brésil en novembre, offrira une nouvelle occasion de sonder les esprits avant l'Assemblée des Nations unies pour l'environnement à Nairobi en décembre.

Mais Luis Vayas Valdivieso, ambassadeur d'Équateur en Grande-Bretagne et président du comité des trois derniers des six cycles de négociations, a jeté l'éponge en annonçant cette semaine sa démission.

"Il a essayé d'écouter attentivement toutes les parties et de proposer des textes", rappelle la cheffe du PNUE, manifestant une "profonde gratitude (...) car il a travaillé d'arrache-pied et a tout donné".

- "Grave allégation" -

Le journal britannique The Guardian a rapporté mardi que des employés du PNUE avaient tenu une réunion secrète la veille à Genève, afin de convaincre des membres de la société civile de faire pression sur M. Vayas pour qu'il démissionne.

"Il s'agit d'une allégation extrêmement grave", a réagi Mme Andersen. "Je n'étais pas au courant et, de toute évidence, je n'avais demandé à personne de faire une telle chose".

Elle a précisé que ce dossier avait été transmis au Bureau des services de contrôle interne des Nations unies.

Quant à la question de savoir si un nouveau président pourrait insuffler un nouvel élan, elle a déclaré : "Comme toujours, lorsqu'il y a un changement, l'ambiance change légèrement", mais, souligne-t-elle "les enjeux resteront les mêmes".


Des militaires américains vont «superviser » la mise en oeuvre de l'accord sur Gaza

Les drapeaux des États-Unis et d'Israël sont projetés sur les murs de la vieille ville de Jérusalem le 9 octobre 2025, pour célébrer l'accord conclu entre Israël et le Hamas sur la première phase du plan du président américain Donald Trump visant à mettre fin à la guerre à Gaza. (REUTERS)
Les drapeaux des États-Unis et d'Israël sont projetés sur les murs de la vieille ville de Jérusalem le 9 octobre 2025, pour célébrer l'accord conclu entre Israël et le Hamas sur la première phase du plan du président américain Donald Trump visant à mettre fin à la guerre à Gaza. (REUTERS)
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  • Le nouveau chef du Commandement militaire américain pour le Moyen-Orient (Centcom), l'amiral Brad Cooper, "aura au départ 200 hommes sur le terrain"
  • Un second haut responsable a précisé qu'il n'y aurait pas de militaires américains déployés "dans Gaza"

WASHINGTON: Deux cents militaires américains seront mobilisés pour "superviser" et "observer" la mise en oeuvre de l'accord sur Gaza, a fait savoir jeudi un haut responsable américain sous le couvert de l'anonymat.

Le nouveau chef du Commandement militaire américain pour le Moyen-Orient (Centcom), l'amiral Brad Cooper, "aura au départ 200 hommes sur le terrain", a dit cette source pendant un échange avec la presse, sans préciser de quel "terrain" il s'agissait.

Un second haut responsable a précisé qu'il n'y aurait pas de militaires américains déployés "dans Gaza".

Leur rôle sera de "superviser, observer, de s'assurer qu'il n'y a pas de violations, pas d'incursions", a expliqué le premier haut responsable.

"Ce sera surtout de la supervision", a-t-il ajouté.

"Dans cette équipe de 200 personnes seront intégrés probablement un groupe de membres de l'armée égyptienne qui vont aider, des membres de l'armée qatarie qui vont aider, également des Turcs et probablement des Emiratis", a-t-il encore dit.

Selon ce premier haut responsable, "l'idée est d'être collégial. Et les Israéliens seront évidemment en relation constante avec eux".

"Impliquer l'amiral Cooper a apporté beaucoup de confiance et de sécurité pour les pays arabes et de cette manière, il a été communiqué au Hamas que nous prenons un rôle très important, que le président américain prend une position très forte d'engagement derrière ses garanties", a-t-il aussi déclaré.

Le deuxième haut responsable a, lui, expliqué qu'après l'accord du gouvernement israélien s'ouvrait une fenêtre de "72 heures" pendant laquelle l'armée israélienne doit se retirer sur des positions convenues à l'avance et pendant laquelle doit s'effectuer un échange d'otages israéliens et de prisonniers palestiniens.

Ensuite l'objectif sera, avec le soutien donc de l'armée américaine, de poser les bases d'une "force de stabilisation internationale", a-t-il dit.

"Il n'est pas prévu d'envoyer des militaires américains dans Gaza. Il s'agit vraiment seulement de créer un centre de contrôle commun et d'intégrer les autres forces de sécurité", a insisté cette même source.


Trump dit qu'il «essaiera» d'aller en Egypte pour la signature de l'accord sur Gaza

Le président américain Donald Trump a déclaré jeudi qu'il "essaierait" de se rendre en Egypte pour la signature de l'accord de cessez-le-feu et de libération des otages retenus par le Hamas dans la bande de Gaza. (AFP)
Le président américain Donald Trump a déclaré jeudi qu'il "essaierait" de se rendre en Egypte pour la signature de l'accord de cessez-le-feu et de libération des otages retenus par le Hamas dans la bande de Gaza. (AFP)
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  • "Nous allons essayer de nous y rendre, et nous travaillons sur le timing, le timing exact. Nous allons aller en Egypte, où nous (...) allons avoir une signature officielle" de l'accord, a-t-il affirmé pendant un conseil des ministres à la Maison Blanche
  • Il a indiqué que les autorités israéliennes lui "avaient demandé de parler à la Knesset", le parlement israélien, et ajouté: "J'ai donné mon accord."

WASHINGTON: Le président américain Donald Trump a déclaré jeudi qu'il "essaierait" de se rendre en Egypte pour la signature de l'accord de cessez-le-feu et de libération des otages retenus par le Hamas dans la bande de Gaza.

"Nous allons essayer de nous y rendre, et nous travaillons sur le timing, le timing exact. Nous allons aller en Egypte, où nous (...) allons avoir une signature officielle" de l'accord, a-t-il affirmé pendant un conseil des ministres à la Maison Blanche.

Il a indiqué que les autorités israéliennes lui "avaient demandé de parler à la Knesset", le parlement israélien, et ajouté: "J'ai donné mon accord."

"C'est la première fois qu'un président le fait, ce qui rend la chose très intéressante", a-t-il affirmé.

Trois présidents américains ont en réalité déjà parlé devant une session plénière de la Knesset: Jimmy Carter en 1979, Bill Clinton en 1994 et George W. Bush en 2008.

Donald Trump a par ailleurs assuré qu'il y aurait "un désarmement" et un "retrait" de troupes dans une prochaine phase de l'accord sur Gaza, tout en déclarant que la priorité était le retour des derniers otages, qui devrait selon lui survenir "lundi ou mardi".

A ce sujet, le président américain a reconnu que les corps de certains otages seraient "un peu difficiles à trouver".