DUBAÏ : Pour Aziz Ahmed, un Afghan propriétaire d'un restaurant aux Emirats arabes unis, le retour au pouvoir des talibans dans son pays, après deux décennies de guerre, fait l'effet d'un "mauvais rêve".
"Même si ma mère mourrait, je ne pleurerais pas autant que j'ai pleuré hier", confie à l'AFP cet habitant de Dubaï âgé de 32 ans, au lendemain de l'entrée des talibans dans la capitale Kaboul qui a consacré leur prise de pouvoir en Afghanistan.
"Nous espérons que ces gens ont changé", ajoute l'homme en tenue traditionnelle afghane, qui a fui son pays pour l'émirat dans les années 90.
Ont-ils changé ?
Les talibans ont imposé une version ultra-rigoriste de la loi islamique lorsqu'ils dirigeaient l'Afghanistan entre 1996 et 2001, année où ils ont été chassés du pouvoir avec l'invasion du pays par une coalition internationale menée par les Etats-Unis.
Les femmes ne pouvaient ni travailler ni étudier, le port de la burka (un voile intégral) était obligatoire en public et elles ne pouvaient quitter leur domicile qu'accompagnées d'un chaperon masculin de leur famille.
Les flagellations et les exécutions, y compris les lapidations pour adultère, étaient pratiquées sur les places publiques et dans les stades.
Dimanche, à la faveur du retrait des troupes étrangères, les combattants talibans ont pris le contrôle des postes de contrôle de Kaboul et sont entrés dans le palais présidentiel.
Ces dernières années, les talibans ont policé leurs discours en promettant de respecter les droits humain, notamment ceux des femmes, en accord avec les "valeurs islamiques".
Mais pour Aziz Ahmed, les talibans devront travailler dur pour gagner la confiance de la population. "Lorsque le nom de taliban vous vient à l'esprit, vous ressentez de la terreur, vous pensez à des meurtres, vous pensez à des coups. C'est un mauvais rêve", insiste-t-il.
"Ils disent qu'ils ont changé. Nous espérons et attendons désespérément de voir un changement pour en être convaincus", ajoute-t-il.
Les dirigeants des talibans ont assuré que les Afghans n'avaient rien à craindre, qu'il n'y aurait pas de représailles contre ceux qui ont soutenu les Etats-Unis et leurs alliés.
"Je veux voir de vrais changements, pas que des paroles. Je veux voir des femmes se rendre sur leur lieu de travail, des femmes se déplacer librement", dit Aziz Ahmed.
"Dans l'islam, rien ne se fait par la force. Vous ne pouvez pas me forcer à prier, vous ne pouvez pas me forcer à être musulman, vous ne pouvez pas me forcer à laisser ma barbe pousser", affirme-t-il.
Selon le consulat afghan à Dubaï, l'un des émirats composant la fédération, quelque 150.000 Afghans vivent dans ce pays du Golfe. Nombre d'entre eux ont réussi dans les affaires alors que d'autres travaillent dans des magasins, des restaurants ou sur des chantiers.
«Effrayés»
Gholameddine, qui travaille dans le même restaurant que Aziz, assure qu'il ne rentrera au pays que si la situation est "sûre".
"Je vis aux Emirats depuis environ six ans", raconte-t-il à l'AFP, disant espérer pouvoir un jour "gagner sa vie" dans son pays où vivent ses parents âgés.
D'autres Afghans résidant à Dubaï ont dit espérer que les talibans apporteront la stabilité au pays.
"Les talibans ne sont pas un problème", estime Ezzatollah, qui travaille dans une boulangerie afghane dans un quartier résidentiel de Dubaï.
"Je n'ai pas peur de rentrer chez moi", confie-il à l'AFP, en préparant du pain "naan" pour ses clients.
Pourtant à Kaboul, des milliers de personnes tentent désespérément de fuir le pays, provoquant la panique et le chaos à l'aéroport de Kaboul.
Aziz Ahmed explique que les Afghans, dont sa propre famille, sont "effrayés".
"Ces (talibans) sont illettrés, ils ne sont pas éduqués. Sans une éducation, comment pouvez-vous diriger un gouvernement ? C'est pas possible".