En Jordanie, la Covid déclenche une pandémie de mariage d’enfants

Une jeune actrice joue le rôle d'une fille forcée d'épouser un homme plus âgé lors d'un événement organisé par Amnesty International pour dénoncer le mariage des enfants. (Photo, AFP)
Une jeune actrice joue le rôle d'une fille forcée d'épouser un homme plus âgé lors d'un événement organisé par Amnesty International pour dénoncer le mariage des enfants. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Vendredi 13 août 2021

En Jordanie, la Covid déclenche une pandémie de mariage d’enfants

  • Le mariage de mineures augmente pendant la pandémie en raison des difficultés financières accrues des familles les plus démunies
  • Les tribunaux de la charia ont approuvé près de 8000 mariages en 2020 impliquant des filles de moins de 18 ans

AMMAN : Le mariage d’enfants en Jordanie a augmenté l'année dernière, pendant la pandémie du coronavirus à l’origine de la Covid-19, en raison des difficultés financières accrues des familles les plus démunies, affirment des groupes de défense des droits de l’homme.

Le nombre de mariages d’enfants enregistrés dans les tribunaux de la charia a bondi de près de 12% entre 2019 et 2020, selon de nouvelles données publiées par le Haut Département de la justice islamique.

Si le droit civil jordanien fixe l'âge légal du mariage à dix-huit ans pour les hommes et les femmes, il autorise des exceptions pour les personnes âgées de 15 ans et plus si un juge l'estime dans leur meilleur intérêt.

La forte augmentation a conduit à des appels à un changement de la loi et, dans l'intervalle, à une action pour faire pression sur les juges afin qu'ils réduisent le nombre de licences de mariages.

La secrétaire générale de la Commission nationale jordanienne pour les femmes, Salma Al-Nims, impute la hausse «fulgurante» des mariages d’enfants à la pandémie, aux fardeaux économiques qui en résultent, ainsi qu’aux taux élevés de décrochage scolaire.

«Dès le début de la crise de la Covid-19, la commission a averti que l'apprentissage à distance allait aggraver les problèmes sociaux et augmenter le travail des enfants et les taux de décrochage scolaires donc, par conséquent, le mariage d’enfants», a précisé Al-Nims à Arab News.

«Pas plus tard qu'hier, j'ai entendu qu'une fille de quinze ans s'était mariée, et quand j'ai demandé pourquoi, j'ai appris que sa famille a accepté parce que l’époux est riche. Comment se fait-il que le juge ait approuvé (le mariage)?»

Sur les 67 389 contrats de mariage enregistrés en 2020 dans les tribunaux de la charia, 7 964 concernent des filles de moins de dix-huit ans. Un chiffre comparable aux 7 224 de 2019, après que le nombre ait diminué par rapport à un pic de plus de 10 000 en 2016.

Plus inquiétant encore, le chiffre de 2020 comprend plus de 2 000 mariages impliquant des filles de 15 ans. Seuls 194 des mariages comprenaient des garçons de moins de dix-huit ans.

L'avocat et militant des droits de l’homme Saddam Abou Azzam juge «horrible» et «nauséabonde» la hausse des cas de mariage d'enfants.

«Même avec un seul cas, ce chiffre resterait élevé», s’insurge Abou Azzam, directeur du centre de recherche du Parlement jordanien.

Il a fait valoir que l'approbation des mariages pour les filles et les garçons de moins de dix-huit ans est une «violation» des droits humains les plus fondamentaux. Il attribue ce pic aux lois jordaniennes et à un lobby de juges de la charia qui font obstacle aux efforts pour prohiber le mariage des adolescents.

«Ces juges, malheureusement, pensent que le mariage des enfants est purement islamique, et que c’est une solution à un nombre de problèmes économiques et sociaux», révèle-t-il.

Abou Azzam appelle à l'abolition de la section de la loi qui prévoit des exceptions pour certains adolescents de moins de dix-huit ans.

«Le problème est que les juges de la charia abusent de la loi et élargissent les exceptions qui leur sont accordées, et la preuve en est le nombre croissant de cas de mariage d'enfants», a-t-il clarifié.

Abou Azzam indique que, bien que le mariage soit considéré comme source de stabilité, de prospérité et de cohésion sociale, les taux de divorce les plus élevés dans la région arabe sont enregistrés en Jordanie, et la plupart concernent des couples de moins de 28 ans.

Plus de 90 % des mariages d'enfants se soldent par un divorce, a assuré Abou Azzam.

Le Solidarity Is Global Institute en Jordanie (SIGI), une organisation caritative qui a publié un rapport sur les chiffres, a également appelé à changer la loi.

En 2018, l’organisation a lancé la campagne nationale «Noujoud» pour éradiquer le mariage des enfants, du prénom d’une fillette yéménite de dix ans. Elle a été agressée physiquement et sexuellement au cours d'un mariage de deux mois, autorisé par les tribunaux.

Le haut département de la Justice islamique révèle que le mariage des enfants est répandu parmi les réfugiés syriens en Jordanie, qui «s'appuient de plus en plus sur le mariage des enfants comme mécanisme d'adaptation».

Le département a aussi signalé qu'en 2018, un mariage enregistré sur trois de Syriens en Jordanie impliquait une personne de moins de dix-huit ans.

Selon l'UNICEF, la désintégration familiale, la pauvreté et le manque d'éducation sont considérés comme des facteurs clés à l'origine de la hausse parmi les réfugiés.

La Jordanie n’est pas la seule à subir ce fléau. La situation se reflète dans le monde avec 37 000 filles de moins de dix-huit ans qui se marient chaque jour. Selon l'ONU, une fille sur trois dans les pays en voie de développement est mariée avant d'avoir dix-huit ans, et une sur neuf avant quinze ans.

«Si les tendances actuelles se poursuivent, plus de 140 millions de filles seront mariées avant l'âge de dix-huit ans au cours de la prochaine décennie», prévient l'ONU dans un rapport de 2019.

Au moins en Jordanie, les militants font au moins pression pour que les juges fassent la différence entre la maturité biologique et la maturité sociale et économique lorsqu'ils autorisent de tels mariages.

«De nombreuses écoles islamiques définissent la «capacité» comme la maturité sociale et économique plutôt que la maturité biologique», a précisé Al-Nims.

«Au lieu de limiter les exceptions qui leur sont accordées, les juges les élargissent malheureusement. Le problème en Jordanie est le véritable manque d'efforts institutionnels pour mettre complètement fin au mariage des enfants».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Négociations de paix au Soudan: le chef de l'armée prêt à «collaborer» avec Trump

Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
Short Url
  • Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)"
  • Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise

PORT-SOUDAN: Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt.

Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)", a déclaré le ministère des Affaires étrangères pro-armée dans un communiqué publié à l'issue d'un déplacement officiel à Ryad, à l'invitation du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.

Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise.

Les négociations de paix menées par les Etats-Unis avec le groupe de médiateurs du Quad (réunissant Egypte, Arabe Saoudite et Emirats) sont à l'arrêt depuis que le général al-Burhane a affirmé que la dernière proposition de trêve transmise par M. Boulos était "inacceptable", sans préciser pourquoi.

Le militaire avait alors fustigé une médiation "partiale" et reproché à l'émissaire américain de reprendre les éléments de langage des Emirats, accusés d'armer les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Abou Dhabi nie régulièrement fournir des armes, des hommes et du carburant aux FSR, malgré des preuves fournies par des rapports internationaux et enquêtes indépendantes.

De leur côté, les FSR ont annoncé qu'ils acceptaient la proposition de trêve mais les attaques sur le terrain n'ont pas pour autant cessé au Kordofan, région au coeur de combats intenses.

Pour l'instant, aucune nouvelle date de négociations n'a été fixée, que ce soit au niveau des médiateurs du Quad ou de l'ONU qui essaie parallèlement d'organiser des discussions entre les deux camps.

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée, qui contrôle le nord et l'est du pays - aux FSR, dominantes dans l'ouest et certaines zones du sud.

Depuis la prise du dernier bastion de l'armée dans la vaste région voisine du Darfour, les combats se sont intensifiés dans le sud du pays, au Kordofan, région fertile, riche en pétrole et en or, charnière pour le ravitaillement et les mouvements de troupes.

Le conflit, entré dans sa troisième année, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné des millions de personnes et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".

 


Le prince héritier saoudien rencontre le chef du conseil de transition soudanais pour discuter de la sécurité et de la stabilité

Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
Short Url
  • La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation
  • Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays

RIYADH : Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane a rencontré Abdel Fattah Al-Burhan à Riyad lundi pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à restaurer la sécurité et la stabilité dans le pays, a rapporté l'Agence de presse saoudienne.

La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation.

Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays, a ajouté SPA.

Le ministre saoudien de la défense, le prince Khalid ben Salmane, le ministre des affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, le ministre d'État et conseiller à la sécurité nationale, Musaed bin Mohammed Al-Aiban, le ministre des finances, Mohammed Al-Jadaan, et l'ambassadeur saoudien au Soudan, Ali Hassan Jaafar, ont également assisté à la réunion.


Cisjordanie: 25 immeubles d'habitation menacés de destruction dans un camp de réfugiés

Short Url
  • "Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre"
  • "Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie

TULKAREM: L'armée israélienne va démolir 25 immeubles d'habitation du camp de réfugiés de Nour Chams, dans le nord de la Cisjordanie, ont indiqué lundi à l'AFP des responsables locaux.

Abdallah Kamil, le gouverneur de Tulkarem où se situe le camp, a déclaré à l'AFP avoir été informé par le Cogat --l'organisme du ministère de la Défense israélien supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens-- que les démolitions interviendraient d'ici la fin de la semaine.

"Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre", a indiqué à l'AFP Faisal Salama, responsable du comité populaire du camp de Tulkarem, proche de celui de Nour Chams, précisant qu'une centaine de familles seraient affectées.

Le Cogat n'a pas répondu dans l'immédiat aux sollicitations de l'AFP, l'armée israélienne indiquant se renseigner.

"Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie.

Il estime qu'elles s'inscrivent "dans une stratégie plus large visant à modifier la géographie sur le terrain", qualifiant la situation de "tout simplement inacceptable".

"Crise" 

La Cisjordanie est occupée par Israël depuis 1967.

Début 2025, l'armée israélienne y a lancé une vaste opération militaire visant selon elle à éradiquer des groupes armés palestiniens, en particulier dans les camps de réfugiés du nord, comme ceux de Jénine, Tulkarem et Nour Chams.

Au cours de cette opération, l'armée a détruit des centaines de maisons dans les camps, officiellement pour faciliter le passage des troupes.

Selon M. Friedrich, environ 1.600 habitations ont été totalement ou partiellement détruites dans les camps de la région de Tulkarem, entraînant "la crise de déplacement la plus grave que la Cisjordanie ait connue depuis 1967".

Lundi, une vingtaine de résidents de Nour Chams, tous déplacés, ont manifesté devant des véhicules militaires blindés bloquant l'accès au camp, dénonçant les ordres de démolition et réclamant le droit de rentrer chez eux.

"Toutes les maisons de mes frères doivent être détruites, toutes! Et mes frères sont déjà à la rue", a témoigné Siham Hamayed, une habitante.

"Personne n'est venu nous voir ni ne s'est inquiété de notre sort", a déclaré à l'AFP Aïcha Dama, une autre résidente dont la maison familiale de quatre étages, abritant environ 30 personnes, figure parmi les bâtiments menacés.

Disparaître 

Fin novembre, l'ONG Human Rights Watch a indiqué qu'au moins 32.000 personnes étaient toujours déplacées de chez elles dans le cadre de cette opération.

Comme des dizaines d'autres, le camp de Nour Chams a été établi au début des années 1950, peu après la création d'Israël en 1948, lorsque des centaines de milliers de Palestiniens ont fui ou été expulsés de leurs foyers.

Avec le temps, ces camps se sont transformés en quartiers densément peuplés, où le statut de réfugié se transmet de génération en génération.

De nombreux habitants ont affirmé à l'AFP ces derniers mois qu'Israël cherchait à faire disparaître les camps, en les transformant en quartiers des villes qu'ils jouxtent, afin d'éliminer la question des réfugiés.

Nour Chams a longtemps été un lieu relativement paisible où vivaient dans des maisons parfois coquettes des familles soudées entre elles.

Mais depuis quelques années, des mouvements armés s'y sont implantés sur fond de flambées de violence entre Palestiniens et Israéliens et de précarité économique.