TOKYO: Pas deux fois. La revanche de Rio et le titre olympique n'ont pas échappé dimanche aux handballeuses françaises habitées par une force collective, celle d'une "famille" comme le répète la cadre Béatrice Edwige.
Les Bleues ont dominé (30-25) les Russes, sacrées cinq ans plus tôt, pour arracher leur premier titre olympique. La peine de 2016, le poids des absences et les premiers pas poussifs au Japon se sont envolés.
"Chez celles qui ont vécu Rio il y avait cette rage de faire comprendre que c'est bien d'arriver en finale mais c'est pas suffisant", livre Allison Pineau.
"C'était un rêve pour moi de participer aux Jeux. Je l'ai réalisé et en plus j'ai la médaille d'or autour du cou. C'est magique", exulte la capitaine Coralie Lassource.
Dans un moment en suspension comme le toit du Yoyogi stadium, les Bleues ont hurlé leur joie d'être les premières. Premières handballeuses sacrées championnes olympiques et même les premières Françaises titrées aux Jeux dans un sport collectif.
"L'or olympique, c'est la médaille qui manque dans le cœur de tout le monde", reconnaissait Olivier Krumbholz. Dimanche, les cœurs des championnes du monde (2017) et d'Europe (2018) débordaient de la plénitude du titre ultime au bout d'un match maîtrisé.
La bande d'Allison Pineau (7 buts) n'a été menée qu'à peine plus de trois minutes.
"Je pense que si dans 48 heures, on jouait le titre de l'univers, on le gagnerait", pose Olivier Krumbholz pour décrire l'ascension de son équipe en une semaine.
La brève remontée russe (16-16, 39e) a été effacée par un cinglant 6-0 infligé dans la foulée (22-16, 45e). Une pluie de balles a jailli dans la cage slave, à se croire devant un pachinko, ce jeu japonais au croisement du flipper et de la machine à sous. Ensuite ? elles ont fermé la boutique en accord avec leur cri de guerre créole "fèmé boutik, fèmé".
Cléopâtre Darleux, entrée à la pause, a même installé un double rideau avec 9 arrêts (43%). Pas question de la priver du titre cette fois.
"Pour moi, on est la meilleure défense du monde avec les meilleures joueuses du monde en défense", juge Béatrice Edwige.
Comme l'URSS et la Yougoslavie
Sous les - petits - yeux en tribune des champions olympiques de la veille, les Bleues ont offert au handball français un doublé rarissime dans les tournois féminin et masculin. Seules l'URSS (1976) et la Yougoslavie (1984) l'avaient réalisé.
C'est la réussite d'une "famille" pour reprendre les mots tendres de Béatrice Edwige. Ce noyau dans lequel "on s'engueule, on se prend la tête parfois". Y compris dans ce tournoi. "Certaines ont parlé de la défense", avait pointé du doigt la pivot de 32 ans après le match nul au premier tour contre la Suède (28-28).
Qu'il paraît loin... C'était avant la fameuse réunion, de famille bien entendu, entre joueuses. Avant le dernier match de groupe contre le Brésil (29-22), acte de renaissance de l'équipe.
"On se faisait tailler dans tous les sens il y a une semaine. Aujourd'hui, on a une médaille d'or autour du cou (…). On a réussi à recadrer ça quand d'autres auraient pu mourir à petit feu", appuie Estelle Nze Minko.
Les absences de Siraba Dembélé, Orlane Kanor et Aïssatou Kouyaté inquiétaient les observateurs, l'entraîneur aussi: "La dernière fois qu'elle n'était pas là, on s'est cassé la figure". C'était ici même dans l'archipel nippon, à Kumamoto et son Mondial-2019 quitté dès le premier tour.
Cette fois, sans sa mère de famille, la sororie s'en est sortie. "Qu'est-ce qu'on a grandi et progressé dans nos savoir-faire individuels", s'émerveille Béatrice Edwige.
Quel aboutissement aussi pour Olivier Krumbholz. Lui à qui les Jeux ne réussissaient pas. En tout cas lors de son premier passage, avec une seule demi-finale en quatre campagnes, de 2000 à 2012.
"J'en ai bavé dans les Jeux olympiques, je suis parti hâché menu en perdant des matches de peu, la défaite à Londres (en 2012) m'a coûté ma place, on me l'a un peu mise sur le dos", rappelle Olivier Krumbholz.
Depuis son retour, l'histoire est différente. Rappelé en catastrophe avant Rio, il a guidé les handballeuses françaises vers deux finales, et désormais un titre olympique en bouquet final de ces Jeux de Tokyo.
"Olivier nous a dit +pensez que cette finale vous allez la jouer aussi pour plein de jeunes femmes qui croient en vous et que vous allez clore les Jeux+, appuie Béatrice Edwige. Et ça c'est incroyable."