DUBAÏ: C'est en Inde que le variant delta hautement contagieux a été repéré pour la première fois. Depuis lors, près de 100 pays ont signalé la présence de cette nouvelle souche du coronavirus qui a provoqué de nouvelles vagues d'infections, des restrictions sur les voyages et des incertitudes au sujet de l'efficacité des vaccins.
L'Afrique du Nord est la région la plus touchée par cette flambée. Les perturbations économiques engendrées par les fermetures d'établissements ont contraint les gouvernements à rouvrir à contrecœur frontières et entreprises, en dépit de la lenteur des campagnes de vaccination.
La Tunisie, qui compte 11,69 millions d'habitants, a signalé 582 638 cas et 19 336 décès depuis le début de la pandémie en mars 2020. Ces chiffres la placent parmi les pays les plus touchés d'Afrique, aux côtés de la Namibie, de l'Afrique du Sud, de l'Ouganda et de la Zambie.
Le système de santé défaillant et les difficultés économiques accablantes ont déclenché des manifestations massives qui ont plongé, à leur tour, le pays dans une crise politique.
La Libye, déchirée par la guerre, a, elle aussi, connu une recrudescence inquiétante des cas de Covid-19 au cours du mois dernier. La réaction à la pandémie, ainsi que la campagne de vaccination, sont incohérentes et lentes en raison des deux pouvoirs politiques et des institutions parallèles qui cohabitent dans le pays.
Ainsi, le Centre national de contrôle des maladies (NCDC) en Libye a enregistré 3 845 nouveaux cas de Covid -19 le 25 juillet, ce qui représente le taux quotidien le plus élevé depuis que la pandémie a frappé le pays.
Si près de 246 200 cas et 3 469 décès ont été rapportés en Libye, le véritable chiffre est sans doute beaucoup plus élevé, compte tenu de la pénurie aiguë observée au niveau des tests de dépistage et des capacités des laboratoires.
« La propagation fulgurante du virus dans le pays nous inquiète », a déclaré dans un communiqué Abdel Kadir Musse, représentant spécial de l'UNICEF en Libye.
« Le taux de vaccination est très faible, et la propagation est rapide. Nous devons réagir de manière plus rapide. La meilleure façon de freiner la propagation de la Covid -19 et de ses variants est de vacciner toutes les personnes éligibles».
« Les pays où une grande proportion de la population a reçu deux doses du vaccin réussissent à réduire considérablement le pourcentage de personnes hospitalisées ainsi que le nombre de décès. Nous devons également respecter les mesures de prévention ».
Connu également sous le nom scientifique de B.1.617.2, le variant Delta a été détecté pour la première fois dans l'État de Maharashtra, en Inde, en octobre 2020. Ce n'est que le 11 mai 2021 que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) l'a qualifié de VOD (pour Variant of concern, littéralement «Variant préoccupant»)
Cette souche provient de différentes mutations et on estime qu’elle serait 60 % plus infectieuse que le variant Alpha (ou Kent) qui est apparu dans le sud de l'Angleterre en novembre 2020.
La souche Delta est désormais la souche dominante dans bon nombre de pays, dont le Royaume-Uni. Si elle semble provoquer des symptômes plus sévères que les souches précédentes – ce qui pèse davantage sur les systèmes de santé – on ne dispose pas de données suffisantes pour affirmer qu'elle est plus mortelle.
Les données sur l'efficacité des vaccins sont plus réconfortantes. Une étude réalisée par le Public Health England constate que le vaccin Pfizer prévient l'hospitalisation à 94% après une dose et à 96% après deux doses, contre 71% après la première dose et 92% après deux doses pour le vaccin AstraZeneca.
Ces chiffres conviennent parfaitement aux pays où le taux de vaccination est élevé, comme le Royaume-Uni. Mais pour les pays en développement, dont les pays arabes de l'Afrique du Nord, la lenteur du déploiement des vaccins n’assure qu’une protection restreinte contre le virus.
Dans ces pays, le bilan du variant Delta est effroyable : les hôpitaux sont saturés et les morgues submergées.
Dans son ensemble, l'Afrique a affiché dernièrement une augmentation de 43 % des décès dus à la Covid-19 en glissement hebdomadaire. Le nombre de personnes admises dans les hôpitaux grimpe, ce qui entraine une pénurie d'oxygène et de lits de soins intensifs dans ces pays.
Selon l'OMS, le nombre des personnes vaccinées en Afrique avoisine les 52 millions depuis le lancement de la campagne de vaccination en mars et seulement 18 millions de personnes ont reçu les deux doses du vaccin – ces chiffres ne représentent que 1,5 % de la population du continent – contre plus de 50 % dans certains pays à revenu élevé.
L'Afrique du Sud, avec sa population de près de 60 millions d'habitants, a enregistré 2 422 151 cas et 71 431 décès depuis le début de la pandémie. La Tunisie occupe la première place dans la région en termes de taux de mortalité.
Toutefois, la situation varie d'une région à l'autre. À ce jour, 1,63 % de la population en Égypte et 1,68 % en Algérie ont été entièrement vaccinés, contre 27,68 % des Marocains et 8,24 % des Tunisiens. Seuls 0,43 % de la population du Soudan ont reçu deux doses, et les données relatives à la Libye ne sont pas disponibles.
« La situation épidémiologique varie selon les pays, nous ne pouvons donc pas établir une approche généralisée pour toute la région de l'Afrique du Nord », confie à Arab News Abdinasir Aboubakar, responsable de l'unité de gestion des risques d'infection au bureau régional de l'OMS au Caire.
Selon lui, certains pays ont « considérablement investi dans la vaccination et les résultats se font sentir », tandis que d'autres pays se sont contentés d'imposer des mesures sanitaires pour ralentir la propagation du virus.
« Le Maroc a investi et réalisé des progrès considérables en vaccinant un plus grand nombre de personnes que bien d'autres pays. En outre, les cas actuels sont minimes par rapport aux vagues précédentes, ce qui me rassure quant à l'évolution de la pandémie au Maroc », explique M. Aboubakar.
Néanmoins, le nombre de cas de coronavirus ne cesse d'augmenter au Maroc depuis la mi-mai, ce qui a contraint le gouvernement à prolonger l'état d'urgence jusqu'au 10 août.
Les autorités sanitaires du Maroc proposent désormais le vaccin aux personnes de plus de 30 ans, après avoir inoculé les groupes plus âgés. Cependant, le respect de la distanciation sociale et des autres consignes d'hygiène semble diminuer.
« J'ai vu plusieurs personnes porter le masque à Casablanca, mais ils ne respectaient pas les autres mesures de sécurité telles que la distanciation sociale », raconte Oum Ahmad, qui vient de rentrer à Dubaï après une visite familiale.
« Les rues et les marchés étaient bondés comme d'habitude. A Fès, les gens mènent une vie normale sans prendre la moindre mesure de précaution. J'ai même demandé à un membre de ma famille si nous étions sur une autre planète ».
L'Algérie, qui a fermé ses frontières pour endiguer la propagation du variant Delta, se heurte à un problème plus urgent : la pénurie d'oxygène, nécessaire pour traiter les cas sévères dans ses hôpitaux, a contraint le gouvernement à créer une unité spéciale chargée de contrôler la distribution des bouteilles d'oxygène.
L'Égypte a récemment signalé une baisse des cas de Covid-19, avec moins de 70 nouvelles infections et moins de 10 décès par jour. Par ailleurs, le pays envoie ses surplus de kits médicaux à la Tunisie.
Mais, en Egypte comme dans d'autres pays, la population ne se plie pas aux mesures de distanciation sociale. Eman Amir est une Égyptienne qui travaille à Dubaï. Elle s'est rendue au Caire en mai pour rendre visite à sa mère malade et s'est dite choquée par la désinvolture de la population à l'égard du virus.
« Ceux qui se soucient peu de succomber au coronavirus sont ceux qui considèrent qu'ils n'ont pas grand-chose à perdre, vu la vie déjà précaire qu'ils mènent », confie-t-elle à Arab News, en parlant des contractuels et des personnes qui travaillent au noir et qui sont les plus touchés par les restrictions imposées par la pandémie.
Au pays voisin qu'est le Soudan, les cas explosent, notamment dans la ville de Port-Soudan, chef-lieu de l'État de la mer Rouge.
Le docteur Ahmad Dreyer, directeur du service d'urgence et de contrôle des épidémies de l'État, exhorte les autorités à imposer un confinement de trois semaines – ou « couvre-feu » dans les milieux politiques – pour endiguer la propagation du variant Delta.
Hana, une jeune Soudanaise qui vit avec sa famille à Dubaï, raconte que bon nombre de ses compatriotes refusent de croire à l'existence même du coronavirus ; attitude qui semble être le fruit d’une désinformation généralisée.
« Les gens ont suffisamment de problèmes à gérer », souligne Hana. « Ils ne souhaitent pas y ajouter le souci de la pandémie ».
« Ils essaient de mener une vie normale, de gagner leur vie et mettre du pain sur la table ».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.