WASHINGTON : Des millions de familles américaines qui n'ont pas pu payer leur loyer depuis des mois à cause de la crise, risquent d'être expulsées de leur logement à partir de samedi, alors qu'expire le moratoire qui les protégeait.
Les élus de la Chambre des représentants ont échoué vendredi à se mettre d'accord pour accorder un délai supplémentaire aux locataires en difficulté. Il y a pourtant urgence, d'autant plus que le variant Delta fait de nouveau flamber les cas de Covid-19.
Une commission parlementaire avait proposé d'aller jusqu'au 31 décembre, mais le soutien n'était pas suffisant, y compris dans les rangs démocrates. Un sursis jusqu'au 18 octobre avait alors été offert à la discussion.
"Malheureusement, pas un seul républicain ne soutient cette mesure. (...) Il est extrêmement décevant que les républicains de la Chambre et du Sénat aient refusé de travailler avec nous sur cette question", a déploré vendredi soir la présidente démocrate de la Chambre, Nancy Pelosi, dans un communiqué.
Une source au Congrès a indiqué à l'AFP que l'idée est loin aussi de faire l'unanimité dans les rangs démocrates. "Il s'agit d'une préoccupation de santé publique", avait déclaré plus tôt vendredi Karine Jean-Pierre, porte-parole de la Maison Blanche, lors du point presse quotidien.
Les élus de la Chambre des représentants sont désormais en vacances jusqu'à la fin du mois d'août, et seront suivis par les sénateurs une semaine plus tard, éloignant tout espoir d'un accord rapide.
Dernier moment
Plus de 10 millions de personnes sont en retard sur le paiement de leur loyer, a calculé le CBPP, un institut de recherche indépendant. Et quelque 3,6 millions de locataires estiment qu'ils risquent de se faire expulser dans les deux mois, selon une étude du bureau des statistiques (Census) réalisée début juillet auprès de 51 millions de locataires.
Le président Joe Biden avait lui aussi demandé jeudi au Congrès d'étendre ce moratoire. Mais les critiques fusent, beaucoup lui reprochant d'avoir attendu le dernier moment. "Nous sommes à trois jours de la fin du moratoire inconstitutionnel sur les expulsions du CDC, et quelle est la solution du président Biden? Blâmer la Cour et appeler le Congrès à y remédier", avait déploré le vice-président républicain de la Commission des services financiers de la Chambre des représentants, Patrick McHenry.
Il avait souligné que les membres républicains de cette commission avaient mis sur pied un texte pour pouvoir prolonger le moratoire, mais n'ont pas reçu de réponse.
Aide financière bloquée
Cette suspension des expulsions avait été mise en place en septembre 2020 par les Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), principale agence de santé publique des Etats-Unis, puis prolongée à plusieurs reprises. "Garder les gens chez eux et hors des lieux surpeuplés ou de rassemblement – comme les refuges pour sans-abri – en empêchant les expulsions est une étape clé pour aider à arrêter la propagation du Covid-19", justifient les CDC sur leur site internet.
Mais une décision de la Cour suprême en juin, stipule que la reconduction devra être adoptée par le Congrès, et non plus décidée par les CDC. Ce moratoire succédait à celui prévu en mars 2020 par l'administration Trump, pour éviter aux millions de personnes qui avaient perdu leur emploi à cause de la pandémie de se retrouver à la rue. Mais selon les CDC, il "ne touchait pas tous les locataires".
Pour ajouter à cette situation kafkaïenne, l'argent prévu par le gouvernement fédéral pour aider les locataires en difficulté à payer leur loyer, peine à arriver sur leurs comptes en banque. L'argent est en effet versé aux Etats et collectivités locales, chargés ensuite de distribuer l'aide aux ménages. Or, cela nécessite la mise en place des systèmes complexes pour recueillir les demandes, vérifier les situations, verser l'argent... Ainsi, sur les 46 milliards de dollars prévus par le gouvernement, dont 25 milliards déboursés début février, 3 milliards seulement sont arrivés à destination.