PARIS : Le Rassemblement national n'a pas misé sur son ancrage local et l'a payé notamment aux élections départementales de juin, où il a perdu plus de la moitié de ses cantons, selon une étude de la Fondation Jean-Jaurès parue vendredi.
"Le RN ne semble pas disposé à miser sur son ancrage territorial qui conditionne (la) fidélité" de ses électeurs, affirme son auteur Paul Cébille, membre de l'Observatoire de l'opinion et chargé d'études à l'Ifop.
Il y voit un "paradoxe" pour le parti d'extrême droite, qui était particulièrement en croissance entre 2012 et 2017 et "qui désormais stagne, voire régresse" à quelques mois de l’élection présidentielle.
Cette étude évalue les effets des victoires du RN aux départementales de 2015 (31 cantons) sur les municipales de 2020 puis les départementales de 2021.
Premières élections locales de Marine Le Pen depuis son arrivée à la tête du parti en 2011, les municipales de 2014 sont marquées par la victoire du FN (devenu RN) dans dix communes, contre zéro en 2008.
Aux départementales de 2015, dans six des 10 villes gagnées par le parti, ce dernier enregistre des victoires dans les cantons s'y rattachant: Hénin-Beaumont (1 et 2), Beaucaire, Béziers (1, 2 et 3), Fréjus, Le Pontet et Villers-Cotterêts.
Le FN remporte ainsi neuf cantons dans lesquels il contrôle déjà une commune, mais également 22 autres cantons dans lesquels il n'a pas encore de maire, qui se trouvent dans des zones de force du nord et du sud du pays.
Le parti de Marine Le Pen profite donc moins en 2015 de son implantation que d'une dynamique présente depuis 2012, qui se poursuit aux régionales et jusqu'à la présidentielle, avec un record de voix au second tour.
Pourtant aux municipales de 2020, le parti ne semble pas miser sur l'implantation locale. Dans sept des 31 cantons remportés en 2015, le RN ne présente pas de candidat, "ce qui représente une opportunité manquée" dans plus d’une vingtaine de communes de plus de 1.000 habitants, relève l'étude.
Mais l'auteur de l'étude relève que si les maires et les candidats RN qui se représentent en 2020 ont vu en moyenne leur score progresser de 13,2 points, le résultat des candidats qui ont changé entre 2014 et 2020 baisse lui de 5,2 points.
Les mairies de Bruay-la-Buissière (Pas-de-Calais), Moissac (Tarn-et-Garonne) et Perpignan ont ainsi été remportées en 2020 par des candidats déjà présents en 2014 ou en 2017 comme députés, alors que ces villes se trouvent dans des cantons où le RN n'avait pas remporté de victoires en 2015.
Et aux départementales de juin, le RN a remporté trois nouveaux cantons, perdant de peu de voix les cantons qui mordent sur la ville de Perpignan.
"Signe que si l’ancrage du RN fonctionne, cela peut prendre du temps avant que la sauce ne prenne", note M. Cébille.
L'ancrage s'avère là aussi "défaillant", alors que les électeurs RN, moins diplômés et plus défiants à l'égard de la politique, se rattachent à des figures connues, y compris les maires.
A peine 5% des candidats du parti en 2021 l'étaient dans le même canton en 2015.
Conséquence électorale, le RN a perdu plus de la moitié de ses cantons (17) et n'en a gagné que trois, avec des scores en progression dans les cantons où il dispose d'une mairie, et en baisse là où il n'en a pas.
Dans un contexte de forte abstention, l'ancrage local, qui n'était pas une condition de victoire en 2015, "l'est devenu subitement" en 2021.