PERPIGNAN : Marine Le Pen a été réélue dimanche à la tête du Rassemblement national (RN), parti d'extrême droite français qu'elle a rebaptisé et débarrassé de son sulfureux père Jean-Marie Le Pen, mais qui ne lui a pas apporté l'ancrage local désiré pour son troisième essai à la présidentielle en 2022.
Héritière ambitieuse au tempérament orageux, la benjamine des trois filles de Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national depuis rebaptisé RN, est parvenue en 2017 - comme son père 15 ans plus tôt - au second tour de la présidentielle, engrangeant près de 11 millions de voix (33,9%).
Un record pour le RN, mais aussi une déception après un débat télévisé raté entre les deux tours face à l'actuel président Emmanuel Macron.
Longtemps élue au Parlement européen, l'opposante de 52 ans, désormais députée du Pas-de-Calais (nord), avait repris espoir après la victoire du RN aux européennes en 2019.
Mais un semi-échec aux municipales de 2020 et le net recul de son parti aux régionales en juin 2021, 10 mois avant la présidentielle, ont suscité le doute, même si elle a été réélue dimanche à 98% pour un quatrième mandat à la présidence du parti et adoubée candidate pour 2022.
Comme sa soeur Yann, son destin s'est d'abord inscrit dans le giron du "diable de la République". "Quoi qu'il arrive, tu es mon père", avait-elle dit à Jean-Marie Le Pen après une violente brouille en 2005.
Ascension continue
Avocate de formation, Marine Le Pen a porté les couleurs du Front national pour la première fois aux législatives en 1993. Avec le soutien de son père, elle a pris la présidence du parti début 2011, écartant progressivement les vieux barons.
Deux fois divorcée, mère de trois enfants, séparée d'une des figures du mouvement, Louis Aliot, Marine Le Pen insiste alors sur l'économie, parent pauvre du discours du RN: forte dose de protectionnisme et sortie de l'euro - avant d'y renoncer après la présidentielle de 2017 - pour séduire les "perdants" de la mondialisation.
Des thèmes gagnants: à toutes les élections intermédiaires d'avant 2017, le RN progresse.
Elle "dédiabolise" le parti de son image antisémite et raciste, jusqu'à en exclure en août 2015 son père, dont elle a toléré pendant des années les propos, certains condamnés en justice. "J'ai adulé cet homme", confie-t-elle. "Je me suis beaucoup battue pour lui mais à un moment donné, cela devait s'arrêter".
«Normalisation»
Ses relations avec son père se sont depuis apaisées.
Après la "dédiabolisation", Marine Le Pen engage la "normalisation": elle renonce à sortir de l'euro, change le nom du parti pour "rassembler" et ne veut plus réviser les accords de Schengen sur le marché unique européen. Mais cette politique d'"ouverture" et ces revirements lui valent d'être accusée de "banaliser" le parti.
Au congrès du RN dimanche, elle a dénoncé la "facilité des outrances" et des "attitudes belliqueuses", souhaitant continuer à "ouvrir (le parti) à toutes les forces politiques" et exhortant ses sympathisants à "aller chercher la victoire" en 2022.
"Nous avons su nous affranchir d'une immaturité politique peu compatible avec des ambitions nationales et donner à notre mouvement les qualités nécessaires à un parti de gouvernement", a estimé Mme Le Pen.
Ces dernières années, elle a brouillé les lignes, se proclamant "meilleur bouclier" des Français juifs, rendant hommage à Charles de Gaulle (président de 1959 à 1969, un des dirigeants français les plus influents de l'histoire), que l'extrême droite haïssait, arborant République et laïcité en étendard contre "le fondamentalisme islamiste" mais jugeant désormais l'islam "compatible avec la République".
Dimanche, elle a dit vouloir "mettre en oeuvre un gouvernement d'union nationale autour d'un projet de paix civile" et être la candidate "des solutions concrètes", car "il n'y a pas de bonheur possible si le pays s'efface ou pire s'effondre".
Elle n'a pas renoncé aux "fondamentaux" du parti, dénonce toujours l'immigration, mais davantage l'insécurité. Favorable "à titre personnel" à la peine de mort, elle veut supprimer le mariage entre personnes du même sexe.
Elle reste poursuivie par les affaires politico-judiciaires, inculpée pour "détournements de fonds publics" dans une enquête sur des emplois fictifs du RN au Parlement européen, et des proches ont été condamnés pour escroquerie lors des campagnes en 2012.