PARIS: Le Rassemblement national a échoué à remporter la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et repart bredouille comme en 2015 des élections régionales, en recul partout sur fond d'abstention massive, contrariant la dynamique de Marine Le Pen vers la présidentielle.
Le RN aurait réuni au total 20,5% des voix, en chute de 6,6 points par rapport à 2015 (27,1%), selon l'institut Ipsos Fiducial.
Le parti présidé par Marine Le Pen échoue à remporter la région Paca dans laquelle il avait mis tous ses espoirs de victoire grâce à un candidat "d'ouverture", l'ex-LR Thierry Mariani, qui obtenait 44% des voix (avec 72% des bulletins dépouillés) contre 56% au président sortant LR Renaud Muselier après le retrait de la liste de gauche. Marion Maréchal avait réuni en 2015 45,22% des voix.
Le RN est en recul partout: Sébastien Chenu perd environ 15 points dans les Hauts-de-France (où Marine Le Pen avait réuni 42,23% des voix en 2015), l'ex-LFI Andréa Kotarac en Auvergne-Rhône-Alpes et l'ex LR Jean-Paul Garraud en Occitanie perdent environ 10 points. Julien Odoul en Bourgogne-Franche-Comté, Laurent Jacobelli dans le Grand Est et Hervé Juvin en Pays de la Loire perdent environ 9 points. Jordan Bardella perd 2,5 points en Île-de-France.
Aux départementales, le RN ne remporte aucun canton dans les Pyrénées-Orientales où il espérait gagner.
Le RN perd donc à nouveau en implantation locale, après avoir perdu 44% de ses conseillers aux dernières élections municipales, en 2020.
«Doutes»
Dans une brève allocution, Marine Le Pen a accusé les "alliances contre nature" et une "désaffection civique historique" qui "nécessite un travail de réflexion collective" sur la "méthode de mobilisation", la représentativité, ou encore l'information des électeurs.
La candidate à l'Élysée, élue toutefois conseillère départementale à Hénin-Beaumont, a donné "rendez-vous" à la présidentielle pour "construire l'alternance".
Pour le politologue Jean-Yves Camus, ce recul montre "l'échec de la mobilisation, malgré ses appels à aller voter". Marine Le Pen avait tancé ses électeurs au soir du premier tour pour les inciter à se rendre aux urnes.
"Cela prouve aussi que la nouveauté ne paie pas", compte tenu des mauvais scores engrangés par les candidats extérieurs au parti, tels Andréa Kotarac, Hervé Juvin et Jean-Paul Garraud.
"Il y a une dynamique qui se casse" également dans la "normalisation" du discours, selon lui. "A un moment donné, les électeurs du RN qui ne se sont pas déplacés (...) se sont dit au final 'même là, à quoi bon'".
"Ca va nourrir les doutes sur le bien-fondé de sa stratégie de 'banalisation' au sein même de son parti. Certains vont dire qu'en se recentrant, en limant les aspérités, elle ne parvient plus à mobiliser ses électeurs", abonde Chloé Morin, politologue associée à la Fondation Jean-Jaurès. Or "elle a besoin d'une solidarité sans failles" pour 2022.
«Espérance»
Marine Le Pen avait déjà concédé vendredi qu'il lui faudrait "recréer une dynamique" et souhaité "décorréler" les régionales de la présidentielle, parce que "ça n'est pas le même périmètre électoral" ni "le même enjeu".
Il ne s'agit "pas d'un désaveu stratégique" du RN car "nos idées sont majoritaires", a assuré le numéro deux du parti Jordan Bardella, qui dénonce un "sabotage" dans l'organisation des élections, tandis qu'Hervé Juvin accusait une "faillite logistique" qui remet en cause la "légitimité" du scrutin.
"Notre liste a été battue par tout un système coalisé", a fustigé Thierry Mariani de son QG de Marseille, désert à l'annonce des résultats.
Marine Le Pen aura désormais fort à faire pour remobiliser ses militants qui se réunissent en congrès samedi et dimanche à Perpignan.
"Comme les autres, le RN ne provoque aucun enthousiasme", a noté dimanche le maire de Béziers Robert Ménard qui réclame "plus de normalisation", tandis que l'eurodéputé Gilbert Collard estime au contraire "qu'on n'a pas à lisser nos idées" et qu'Eric Zemmour, potentiel candidat en 2022, accuse Marine Le Pen de parler "comme Emmanuel Macron".
"Le RN se meurt" par son "'patriotisme' embourgeoisé, rallié à l'européisme", selon l'ancien numéro deux du RN Florian Philippot, partisan d'une sortie de la France de l'UE.
Le maire de Moissac Romain Lopez, ancien assistant parlementaire de Marion Maréchal, considère que la "ligne de synthèse" de Marine Le Pen est la "bonne" mais qu'il faut "revoir le management". Le parti a "négligé l'implantation locale", selon lui.
Dans les Deux-Sèvres, le bureau restreint du RN avait démissionné entre les deux tours, dénonçant une "stratégie perdante" tant locale, avec des têtes de liste parachutées, que nationale, avec un parti devenu "lisse" et "consensuel".
M. Lopez a désormais "peur" que ces résultats "démotivent les électeurs pour l'année prochaine". Quand un parti "ne mobilise pas, on peut se demander s'il incarne réellement une espérance".