PARIS : Le RN a choisi à son dernier congrès de poursuivre sur le chemin de la "dédiabolisation" afin de crédibiliser la candidature de Marine Le Pen à l'Elysée, une stratégie se heurtant parfois à une base plus virulente qui crie à la "dictature" sur le pass sanitaire.
A la périphérie du parti d'extrême droite, moult personnalités de la droite dite "hors les murs" s'expriment aussi plus radicalement contre le "tyran" Emmanuel Macron. Après la dédiabolisation du Rassemblement national des accusations d'antisémitisme et de racisme, Marine Le Pen veut œuvrer à sa "normalisation" pour la présidentielle. Elle a déjà renoncé à sortir de l'UE et ne veut plus remettre en cause Schengen.
"Nous avons su nous affranchir d'une immaturité politique peu compatible avec des ambitions nationales", avait-elle fait valoir au congrès du RN début juillet, fustigeant la "facilité des outrances" ou des "attitudes belliqueuses". La candidate à l'Elysée n’a donc pas appelé à manifester contre le pass sanitaire, même si elle s'y oppose, et ne dit jamais que la France a basculé en "dictature". Ses militants ne l’ont pas suivie.
"Un seul mot: libertés!", a tweeté Amaury Navarranne, conseiller régional RN en Paca, qui a manifesté samedi contre le pass sanitaire à Toulon, tout comme son collègue et patron du RN dans le Var Frédéric Boccaletti. Si ces élus RN ont pris soin de ne pas utiliser le mot "dictature", leur collègue Muriel Fiol, élue aussi en Paca, a retweeté une carte de France où l'on peut lire "la France unie contre la dictature".
«Dictature en marche»
"La dictature en marche", a même tweeté Gilles Pennelle, responsable des fédérations du parti et président du groupe RN en Bretagne, après les annonces d'Emmanuel Macron sur l'obligation vaccinale des soignants et l'extension du pass sanitaire dans les lieux publics. "La division systématique des Français est leur seul mode de gouvernement. #DictatureSanitaire", a abondé l'eurodéputé Jérôme Rivière qui a aussi apporté son "soutien" aux manifestants de samedi.
La direction du RN préfère elle dénoncer "la brutalité" d'Emmanuel Macron, érigée en "mode de gouvernement" à en croire Jordan Bardella. Le numéro deux du parti a décrit mercredi matin sur CNEWS le pass sanitaire comme "un modèle de société de surveillance par tous et pour tous. C’est une atteinte gravissime aux libertés individuelles." Marine Le Pen, "entièrement vaccinée" et qui doit lâcher les rênes du parti à l'automne pour se consacrer à la présidentielle, a certes critiqué les mesures prises par Emmanuel Macron. Mais en quête de nouveaux électeurs à droite, elle a surtout cautionné une tribune cosignée par l'eurodéputé LR François-Xavier Bellamy qui juge la liberté en France "gravement menacée".
«Audible»
Ce soutien à M. Bellamy "est davantage audible dans le cadre de la dédiabolisation" que d'autres propos tenus par les manifestants, explique le politologue Jean-Yves Camus. Ce spécialiste de l'extrême droite pointe toutefois une "contradiction" dans ce parti, dont l'ADN respose sur "la verticalité des décisions" et une "société d'ordre". "Or là subitement, quand l’intérêt de la nation réside dans le fait que tout le monde se fasse vacciner, c’est la liberté individuelle qui prime". Outre la base militante, Marine Le Pen se retrouve également en porte-à-faux avec sa périphérie.
Son ancien bras droit Florian Philippot menait le cortège parisien samedi aux côtés de son ancien allié à la présidentielle de 2017 Nicolas Dupont-Aignan. M. Philippot dénonce un régime "tyrannique" quand M. Dupont-Aignan parle d'un "coup d'Etat sanitaire". Quant au très conservateur Philippe de Villiers, il considère que la France a "basculé dans un régime totalitaire".
A l'inverse, le maire de Béziers Robert Ménard, soutenu par le RN, dit "comprendre" que le pass sanitaire "puisse choquer". "Mais veut-on retrouver oui ou non une vie normale?", demande-t-il.