GENÈVE: L'OMS veut tenter d'empêcher les dérapages dans la manipulation du code génétique humain face au progrès de la science tout en assurant que les avancées les plus bénéfiques profiteront au plus grand nombre, via une série de recommandations publiées lundi.
"Au moment où la recherche sonde de plus en plus profondément le génome humain, nous devons minimiser les risques et tirer parti des manières dont la science peut mener à une meilleure santé pour tout le monde, partout dans le monde", a souligné la cheffe scientifique de l'Organisation mondiale de la santé, la docteure Soumya Swaminathan.
La mise au point d'outils comme les ciseaux moléculaires Crispr/Cas9, qui ont valu le prix Nobel de chimie à la Française Emmanuelle Charpentier et à l'Américaine Jennifer Doudna en 2020, a totalement révolutionné la manipulation du génome, ouvrant de nouvelles perspectives de soins mais aussi la boîte de Pandore d'expériences potentiellement dangereuses.
En 2018, un chercheur chinois avait provoqué un tollé en mettant au monde des bébés génétiquement modifiés pour les rendre résistants au virus du sida, a rappelé la docteure Swaminathan, en guise d'illustration des dérives possibles.
L'OMS avait alors créé le comité qui a rendu ses travaux lundi.
Quand en juin 2019, un chercheur russe, Denis Rebrikov, avait lui aussi fait part de son intention de procéder à une manipulation similaire, l'OMS avait solennellement appelé à stopper la recherche sur la modification du génome humain héritable.
Lanceur d'alerte génomique
Pour tenter de mieux savoir ce qui se passe dans les laboratoires dans ce domaine, le comité propose plusieurs pistes dont "une sorte de système de lanceur d'alerte, grâce auquel les gens auraient un moyen d'alerter l'OMS s'ils ont vent de cas ou de projets de faire des expérimentations sur les cellules souches humaines", a expliqué la docteure Swaminathan au cours d'un point presse.
Elle a précisé que l'OMS pourrait ensuite demander aux autorités concernées d'agir.
Le comité a aussi demandé à l'organisation onusienne d'élargir son Registre international des essais cliniques à tout ce qui relève de l'édition du génome humain et d'en créer un pour garder un œil sur les recherches précliniques afin de pouvoir, là aussi, agir plus en amont.
De manière générale, le comité suggère que les autorités nationales et régionales facilitent la tâche de surveillance en dotant les essais impliquant l'édition du génome humain de mots clés spécifiques permettant de les repérer plus facilement et de mettre en place un mécanisme d'évaluation permettant de détecter les essais cliniques susceptibles de poser problème.
De façon assez originale, le comité propose également des sortes de jeux de rôle de la gouvernance pour la recherche sur le génome afin d'aider les autorités à se doter des outils et moyens nécessaires pour réguler ce domaine.
Il propose ainsi le scénario d'un essai clinique d'une thérapie issue de la manipulation du génome contre la drépanocytose (maladie génétique caractérisée par une anomalie de l'hémoglobine), un autre sur les améliorations des performances sportives grâce à cette technique ou encore celui d'une clinique située dans un pays où le niveau de surveillance est faible et qui offre des services de bébés génétiquement modifiés à ses clients internationaux.
Accès pour tous
Le point commun à toutes les recommandations est d'assurer l'accès universel aux potentielles thérapies que promet cette technologie alors que la pandémie de la Covid-19 se traduit sur la planète par une inégalité d'accès aux vaccins entre pays riches et pauvres.
"L'édition du génome humain a le potentiel de faire avancer notre habilité à traiter et à soigner des maladies, mais l'impact le plus fort sera seulement atteint si nous la déployons pour le bien de tout le monde, plutôt que d'alimenter l'inégalité" dans l'accès aux soins", a mis en garde le patron de l'OMS, le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus.