WASHINGTON : Surveillance renforcée des géants de la tech, prothèses auditives moins chères, fin des clauses de non-concurrence dans les contrats: le président américain a engagé vendredi un large éventail de mesures destinées à lutter contre des pratiques anti-concurrentielles touchant consommateurs et employés.
"C'est la compétition qui permet à l'économie d'avancer, de croître", a déclaré Joe Biden avant de signer un décret visant à favoriser la compétition dans divers secteurs, des transports aériens à l'agriculture, en passant par les banques et la santé.
Or au cours des dernières décennies, "plutôt que de se battre pour attirer les consommateurs, les entreprises se sont battues pour avaler leurs concurrents", a-t-il déploré. "Plutôt que de se battre pour attirer les travailleurs, elles ont trouvé des moyens pour garder le contrôle sur les effectifs".
Et bien souvent, "le gouvernement a compliqué la tâches des entreprises qui cherchent à entrer sur un marché", a regretté le président.
Ce manque de concurrence, qui fait monter les prix et baisser les salaires, "coûte 5 000 dollars chaque année en moyenne aux ménages américains", a-t-il affirmé.
Le décret signé vendredi vise à remédier à cette situation. Il n'impose cependant pas de décisions immédiates, mais encourage les agences gouvernementales à prendre des initiatives, 72 au total.
Texte ambitieux mais peu concret
Les questions de monopole sont depuis longtemps sur l'agenda du locataire de la Maison Blanche.
Pour avancer ses pions, il a notamment nommé la juriste Lina Khan, une célèbre pourfendeuse des Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon), à la tête de l'autorité américaine de la concurrence (FTC). Il a également demandé à Tim Wu, un défenseur de strictes lois anti-monopoles, de rejoindre le prestigieux Conseil économique national (NEC).
Pour Daniel Crane, spécialiste des lois sur la concurrence à l'université du Michigan, le texte présenté vendredi "est ambitieux par son ampleur", mais relève sans doute plus d'objectifs à atteindre que de mesures concrètes.
"La grande question est de savoir comment ils peuvent faire tout ça par décret", explique-t-il en soulignant que plusieurs des initiatives présentées dépendent de la FTC, que la Maison Blanche ne contrôle pas directement.
Le texte exhorte en particulier l'agence, ainsi que le ministère de la Justice, à intervenir plus fermement sur certains marchés clés, en particulier la technologie.
Sur fond de critiques grandissantes envers les GAFA, le président assure que son administration portera une "attention particulière aux acquisitions de concurrents émergents", "aux fusions en série" ou "à l'accumulation de données".
Le décret demande aussi à l'agence en charge des communication (FCC) de restaurer les règles imposant la "neutralité du net", abrogées sous l'administration Trump. Ces règles obligeaient les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) à traiter les contenus de manière égalitaire, quel que soit l'émetteur ou le destinataire.
Changer de travail plus facilement
Pour les travailleurs, la Maison Blanche voudrait limiter les clauses de non-concurrence dans les contrats de travail et restreindre les fonctions pour lesquelles une licence est requise, ce qui devrait leur permettre de changer plus facilement d'entreprises et d'augmenter les salaires.
Pour les consommateurs, le décret prévoit une série de petites mesures devant limiter les factures, en exigeant par exemple une transparence accrue de la part des compagnies aériennes sur les frais de bagages et de modification ou en éliminant les frais de clôture de compte excessifs des fournisseurs internet.
Dans le domaine de la santé, le président souhaite faciliter l'importation des médicaments depuis le Canada, où ils sont moins chers, et mettre les prothèses auditives en vente libre sans ordonnance.
La Maison Blanche s'attaque par ailleurs au secteur du transport par train et bateau en imposant des mesures destinées à faire baisser les charges facturées par quelques entreprises
La Chambre américaine du Commerce a vertement réagi, estimant que le décret est basé sur "la croyance erronée que notre économie est trop concentrée, stagnante et ne parvient pas à générer les investissements privés nécessaires pour stimuler l'innovation".
C'est "complètement déconnecté de la réalité", a affirmé l'organisation dans un communiqué. "Notre économie a besoin à la fois des grandes et des petites entreprises pour prospérer - et non des diktats d'un gouvernement".
"Au lieu de changer les lois sur la concurrence, la Maison Blanche devrait s'assurer que les agences appliquent correctement les lois existantes", a estimé de son côté la Fondation sur les technologies de l'information et l'innovation (ITIF).