ADDIS ABEBA: L'ONG Médecins sans frontières (MSF) a annoncé mercredi la suspension de ses activités dans certaines parties de la région éthiopienne en guerre du Tigré et demandé une enquête après le « meurtre brutal » de trois de ses employés le 24 juin.
« MSF annonce la suspension de ses activités à Abi Adi, Adigrat et Aksoum, dans le Tigré central et oriental. Les équipes de MSF dans d'autres régions du Tigré continueront avec prudence à porter assistance aux personnes qui en ont un besoin urgent », a déclaré l'ONG dans un communiqué.
Au moins douze travailleurs humanitaires ont été tués au Tigré depuis le début des combats en novembre entre l'armée éthiopienne et des forces soutenant les autorités régionales dissidentes, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).
MSF avait annoncé le 25 juin la mort de trois de ses employés, une Espagnole et deux Ethiopiens.
« Près de deux semaines après le meurtre de nos collègues, personne n'en a revendiqué la responsabilité et les circonstances de leur décès restent floues », déclare Teresa Sancristoval, directrice des opérations de MSF, dans ce communiqué.
« C'est pourquoi nous demandons une enquête immédiate des parties concernées pour établir les faits (...) et nous fournir un compte rendu détaillé de ce qu'il s'est passé et qui en est responsable », a-t-elle ajouté, qualifiant d' « extrêmement douloureuse » la décision de suspendre les activités.
Selon l'ONU, plus de 400 000 personnes ont « franchi le seuil de la famine » dans cette région du nord de l'Ethiopie et 1,8 million de personnes supplémentaires « sont au bord de la famine ».
Le Tigré est le théâtre de combats depuis que le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed y a envoyé, début novembre, après des mois de tensions, l'armée pour renverser le gouvernement local. Le prix Nobel de la paix 2019 accusait ces dirigeants d'avoir orchestré des attaques sur des bases militaires, ce que ces derniers avaient démenti.
Après une contre-offensive lancée le 18 juin, les forces pro-TPLF (Forces de Défense du Tigré, TDF) ont repris le contrôle de la capitale régionale Mekele.
Le gouvernement fédéral éthiopien a alors proclamé un cessez-le-feu unilatéral. Les TDF ont depuis repris le contrôle d'une grande partie de la région.
La communauté internationale s'est indignée de la destruction la semaine dernière de deux ponts menant au Tigré, réduisant l'acheminement d'aide humanitaire dans la région. Les autorités éthiopiennes ont nié toute responsabilité et réfuté les accusations selon lesquelles elles voulaient affamer la population tigréenne.
Le commissaire européen chargé de la gestion des crises Janez Lenarcic a encore dénoncé mardi « un siège » mené par le gouvernement éthiopien.
« Il y a un embargo sur les vols vers le Tigré. L'internet et les télécommunications ont été coupés. Les équipements de télécommunication indispensables aux opérateurs humanitaires ont été confisqués », a-t-il déclaré devant le Parlement européen à Strasbourg.
« Ce n'est pas un cessez-le-feu, c'est un siège, et la famine est utilisée comme une arme de guerre », a accusé le responsable slovène.
Le gouvernement éthiopien a déclaré mercredi avoir autorisé les vols humanitaires dans la région. Un responsable de l'ONU sur place a déclaré qu'aucun n'avait décollé.