ADDIS ABEBA: Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed s'est targué lundi de pouvoir recruter sans difficulté un million de nouveaux combattants, tout en disant promouvoir pour l'heure "une période de silence" dans la région du Tigré en proie au conflit.
Les déclarations du Prix Nobel de la paix 2019 interviennent une semaine après la chute de la capitale régionale, Mekele, aux mains des rebelles des Forces de Défense du Tigré (TDF), et la proclamation d'un cessez-le-feu unilatéral par le gouvernement fédéral.
Les TDF ont présenté la prise de Mekele et d'une grande partie du Tigré comme une victoire majeure, tandis que le Premier ministre et d'autres responsables politiques ont assuré que l'armée avait opéré un retrait tactique afin de se concentrer sur d'autres menaces.
"En une, deux ou trois semaines, 100 000 forces spéciales entraînées, armées et organisées peuvent être mobilisées", a déclaré le Premier ministre aux députés.
"Si cette force spéciale ne suffit pas, si une milice est nécessaire, en un ou deux mois, un demi-million de miliciens peuvent être organisés. Un million de jeunes peuvent être mobilisés et formés, a-t-il ajouté".
Mais selon Abiy Ahmed, les autorités ont privilégié "une période de silence pour que chacun puisse réfléchir".
Famine
Dimanche, les autorités rebelles du Tigré ont accepté "un cessez-le-feu de principe" à condition que les forces érythréennes et amhara, qui soutiennent l'armée éthiopienne dans l'opération militaire menée depuis huit mois contre l'ancien gouvernement régional, se retirent de la région.
Elles réclament également qu'Abiy Ahmed et Issaias Aferworki (le président érythréen) "rendent des comptes (sur) les dommages qu'ils ont causés" durant les troubles, marqués par de nombreuses accusations de viols et de massacres.
Le Premier ministre n'avait pas donné suite à ces revendications lundi.
La situation humanitaire est alarmante au Tigré, une région importante sur les plans commercial et industriel dans toute la Corne de l'Afrique.
Des milliers de personnes ont été tuées dans ce conflit, plus de 400 000 se trouvent en situation de famine, et 1,8 million de personnes supplémentaires "sont au bord de la famine", selon l'ONU.
L'électricité et les télécommunications sont coupées, les vols suspendus et deux ponts cruciaux pour l'acheminement d'aide ont été détruits.
La semaine dernière, les TDF ont fait défiler dans les rues de Mekele ce qu'elles ont présentés comme étant des milliers de soldats éthiopiens captifs.
Devant le Parlement lundi, Abiy Ahmed a toutefois affirmé que les TDF s'étaient emparés de la ville uniquement parce que l'armée avait choisi de battre en retraite, un processus entamé selon lui depuis plus d'un mois.
Il a également fait l'éloge de l'armée. "Nos forces de défense ne sont pas assez payées. Elles gravissent et descendent des montagnes. Sous la pluie, sous le soleil, elles se battent pour la dignité du pays", a-t-il souligné.
Coupes budgétaires
Ces derniers jours, plusieurs responsables politiques ont mis en avant le coût de la guerre au Tigré pour justifier le retrait des forces fédérales, dans un pays miné par la crise économique.
M. Abiy a réaffirmé lundi que le gouvernement avait dépensé plus de 2 milliards de dollars en infrastructures et autres projets dans cette région pour l'aider à se rétablir.
Il a également proposé plusieurs mesures budgétaires controversées, notamment la fermeture de quelque 30 ambassades.
"L'Éthiopie ne devrait pas avoir une soixantaine d'ambassades et de consulats à l'heure actuelle. Au lieu de jeter des dollars par la fenêtre... au moins 30 des ambassades devraient fermer et les ambassadeurs plutôt être ici", a-t-il déclaré.
Selon lui, l'ambassadeur éthiopien au Kenya, par exemple, pourrait être basé à Addis Abeba, se renseigner sur le Kenya en lisant les journaux, et s'y rendre occasionnellement pour rencontrer des responsables.
De même, plutôt que d'embaucher des chauffeurs, les ministres du gouvernement devraient conduire eux-mêmes leurs véhicules, a ajouté M. Abiy.
"Nous voulons des gens qui mouillent leur chemise en réformant le pays", a-t-il dit.
Trois ans après l'arrivée au pouvoir d'Abiy Ahmed, l'Éthiopie fait face à une double crise de la dette et du change, sur fond de chômage et de pauvreté.
Le Premier ministre espère remporter un nouveau mandat de cinq ans à l'issue des élections législatives et régionales qui se sont tenues le 21 juin. Son Parti de la Prospérité devrait obtenir une majorité confortable au Parlement fédéral mais les résultats publiés à ce stade ne permettent pas de confirmer sa victoire.
La commission électorale a publié lundi de premiers résultats indiquant qu'Abiy Ahmed a remporté le siège représentant l'Oromia, sa région d'origine.