Comment éviter une nouvelle crise de grippe aviaire? Le gouvernement présente sa«feuille de route»

Un vétérinaire attrape avec un filet un canard peigne pour le vacciner contre l'influenza aviaire au zoo de Mulhouse, dans l'est de la France (photo d'archives) (AFP)
Un vétérinaire attrape avec un filet un canard peigne pour le vacciner contre l'influenza aviaire au zoo de Mulhouse, dans l'est de la France (photo d'archives) (AFP)
Short Url
Publié le Mercredi 07 juillet 2021

Comment éviter une nouvelle crise de grippe aviaire? Le gouvernement présente sa«feuille de route»

  • Dès avril, le ministère de l'Agriculture, dirigé par Julien Denormandie, avait promis une "feuille de route" pour«éviter une nouvelle crise» dans une filière déjà ébranlée par les épisodes de 2015-2016 et 2016-2017
  • Les syndicats Confédération paysanne et Modef, hostiles à l'industrialisation de la production de foie gras, s'inquiètent des arbitrages à venir

PARIS : Le ministre de l'Agriculture doit présenter jeudi une "feuille de route" pour éviter la répétition d'une crise de grippe aviaire de grande ampleur, à l'image de celle qui a sévi cet hiver dans les élevages de canards du Sud-Ouest.

De novembre à mai, la France a recensé près de 500 foyers d'influenza aviaire dans des élevages de volailles, l'écrasante majorité situés dans le Sud-Ouest réputé pour sa production de foie gras.

L'épisode laissera l'image d'autorités locales et de professionnels de la filière foie gras semblant dépassés devant l'emballement des contaminations par le virus H5N8.

La crise a fini par être enrayée au prix de l'abattage -souvent préventif- de plus de 3,5 millions de volailles, essentiellement des canards.

Grippe aviaire: les failles repérées dans les élevages du Sud-Ouest

Il y avait trop de canards dehors, et trop de canards tout court, estiment les autorités sanitaires dans leur premier "retour d'expérience" sur la grippe aviaire qui a durement frappé les élevages du Sud-Ouest cet hiver.

"Si des progrès ont été réalisés dans la filière palmipèdes depuis [la précédente crise de] 2016-2017, le bilan de près de 475 foyers en 2020-2021 dans le Sud-Ouest montre la grande vulnérabilité de cette zone d'élevage face à des dangers sanitaires très contagieux comme l'influenza aviaire", communément appelée grippe aviaire, selon l'avis de l'agence sanitaire Anses publié fin mai.

Le virus H5N8, présent parmi les oiseaux migrateurs, s'est répandu comme une traînée de poudre à partir de décembre 2020 dans les exploitations de cette région réputée pour la production de foie gras. Plus de 3,5 millions de volailles, principalement des canards, ont été abattus, souvent de manière préventive.

Les données montrent qu'"il y a eu peu d'introductions" du virus à partir de la faune sauvage "et beaucoup de diffusion inter-élevages, la densité des élevages et la présence des oiseaux en plein air ayant joué un rôle majeur dans l'épizootie", écrivent les experts de l'Anses.

Consigne avait été donnée de confiner les volailles.

Dans une région où beaucoup d'éleveurs "sont hostiles à la claustration des oiseaux", les canards ont souvent été laissés dehors sur la base d'une dérogation pour les exploitations de moins de 3 200 palmipèdes.

"Dans les Landes, plus de 300 dérogations ont été demandées (environ 200 accordées), notamment pour des canards PAG (prêts à gaver), sans compter les élevages qui n'avaient pas sollicité de dérogation, tout en maintenant leurs oiseaux en plein air", est-il relevé.

Le document cite l'exemple de Sort-en-Chalosse, qui "comptait 15 élevages, dont les trois quarts avaient demandé des dérogations, conduisant à 25.000 canards PAG en plein air, en période à risque élevé, sur une seule et même commune..."

Les experts préconisent de supprimer cette dérogation sauf cas particuliers à déterminer. A charge pour les éleveurs de mettre leurs oiseaux à l'abri le moment venu, sans quoi il faudrait se séparer des animaux en trop.  

Les flux de personnes et de matériel entre les élevages ont généré d'autres "manquements à la biosécurité".

La formation d'intervenants extérieurs comme les ramasseurs (qui extraient les volatiles des élevages) et les vaccinateurs est jugée insuffisante, d'autant que ce personnel "n'est pas toujours francophone".

Par ailleurs, certains chauffeurs transportant les animaux morts ont pu "sortir d'un foyer sans désinfection des roues et bas de caisse, avec dans certains cas des bennes non étanches présentant un écoulement".

Est aussi relevée l'existence "de nombreux mouvements de PAG non déclarés, depuis les élevages vers des particuliers, gavant chez eux quelques dizaines de canards pour leur propre consommation ou pour des connaissances dans de petites salles de gavage très souvent non déclarées".

"Les auditions ont également permis de suspecter l'existence de déplacements d'animaux visant à soustraire une partie de la production des mesures imposées en période de crise sanitaire", est-il déploré.

Les abattages et l'enlèvement des cadavres ont peiné à suivre le rythme, avec des éleveurs attendant parfois une semaine pour que les animaux morts soient retirés de leur ferme.

Dès avril, le ministère de l'Agriculture, dirigé par Julien Denormandie, avait promis une "feuille de route" pour "éviter une nouvelle crise" dans une filière déjà ébranlée par les épisodes de 2015-2016 et 2016-2017.

"Ces épizooties récurrentes posent des questions de fond sur l'organisation des filières, notamment dans le Sud-Ouest", est-il estimé dans un premier "retour d'expérience" des experts de l'agence sanitaire Anses, publié fin mai.

Selon ce document, le maintien en plein air d'un trop grand nombre de canards, malgré la consigne nationale de mise à l'abri, a favorisé la diffusion du virus présent à l'origine parmi des oiseaux migrateurs.

L'Anses recommande de supprimer la dérogation permettant aux exploitations de moins de 3200 palmipèdes de laisser les canards dehors et de réfléchir à "réduire la densité des élevages, en particulier ceux de canards dans les zones ultra-denses du Sud-Ouest".

"Je pense que cette dérogation va être supprimée", a déclaré à l'AFP la directrice de l'interprofession du foie gras Cifog Marie-Pierre Pé, selon qui le ministre s'y est engagé.

"Cette question cruciale de la densité des élevages est complexe, mêlant des considérations structurelles, économiques, de choix de systèmes d'élevage, d'aménagements du territoire, de préservation de l'environnement, mais également sanitaires", souligne l'Anses.

Des élevages moins denses

Les syndicats Confédération paysanne et Modef, hostiles à l'industrialisation de la production de foie gras, s'inquiètent des arbitrages à venir.

Selon eux, les mesures envisagées se concentrent sur la restriction de l'élevage plein air, sans chercher à baisser la densité des volailles et les flux de canards qui parcourent parfois de nombreux kilomètres entre les élevages et les ateliers de gavage, au risque de disséminer largement le virus.

"Ces choix, s'ils sont confirmés par le ministre de l'Agriculture, signeront la fin des petites fermes de volailles, la fin des productions de qualité de plein air en France" et "n'auront par ailleurs aucun intérêt sanitaire", assurent les organisations dans un communiqué commun du 25 juin.

La feuille de route devrait instituer des "zones à risque de diffusion" ou ZRD, "qui sont des zones de haute densité de canards prêts à gaver, qui cette année était l'espèce la plus vulnérable et pour lesquels il fallait qu'il n'y ait plus d'animaux en extérieur, parce que cela représentait un risque majeur d'introduction du virus", a indiqué Mme Pé, lors d'un entretien à l'AFP.

Dans ces zones, définies à partir des enseignements des crises de 2016 et 2017 par la chaire de biosécurité de l'école vétérinaire de Toulouse, "il faudra impérativement mettre ces animaux à l'abri", ce qui impliquera "très exactement une diminution de 20% du nombre d'animaux mis en place, donc on va clairement diminuer la densité d'animaux sur la zone", a déclaré Mme Pé.

L'Anses rappelle qu'il y a un "risque de nouvelles introductions chaque année en Europe", et que des cas de transmission du virus H5N8 à l'Homme "ont été rapportés en Russie début 2021".

"La virulence du H5N8 chez l'être humain semble être très faible", mais "l'évolution potentielle des génomes pourrait faire bouger le curseur de niveau de risque zoonotique [transmission entre l'Homme et l'animal,NDLR] à l'avenir".


Agriculteurs: la Coordination rurale bloque toujours le port de Bordeaux

 La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
Short Url
  • La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place
  • Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine

BORDEAUX: La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais.

La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place.

Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine et auquel les agriculteurs comme la classe politique française s'opposent.

Il s'agit de la première visite de la ministre sur le terrain depuis le retour des paysans dans la rue, une mobilisation surtout marquée en fin de semaine par les actions des bonnets jaunes de la Coordination rurale.

A Bordeaux, ils bloquent ainsi les accès au port et au dépôt pétrolier DPA: des pneus, des câbles et un tracteur entravent l'entrée du site.

Sous une pluie battante, les agriculteurs s'abritent autour d'un feu et de deux barnums tanguant avec le vent. Une file de camions bloqués dont des camions citernes s'allonge aux abords.

Les manifestants ont tenté dans la matinée de joindre Annie Genevard, sans succès.

"On bloque tant que Mme Genevard et M. Barnier [Michel Barnier, Premier ministre] ne mettent pas en place des solutions pour la profession. Des choses structurelles, (...), on ne veut pas un peu d'argent aujourd'hui pour rentrer dans nos fermes, on veut des réformes pour vivre, avoir un salaire décent", a déclaré à l'AFP Aurélie Armand, directrice de la CR du Lot-et-Garonne.

"Le temps est avec nous parce que quand il pleut on ne peut pas travailler dans les fermes, donc c'est très bien", a-t-elle lancé, alors qu'une pluie battante balaye la Gironde avec le passage de la tempête Caetano.

Plus au sud, dans les Landes, des agriculteurs de la CR40 occupent toujours une centrale d'achat Leclerc à Mont-de-Marsan mais les autorités leur ont donné jusqu'à vendredi inclus pour libérer les lieux, a-t-on appris auprès de la préfecture.

Tassement du mouvement, avant une reprise 

La préfète du département a par ailleurs condamné "les dégradations commises par des membres de la Coordination rurale" mercredi soir sur des sites de la Mutualité sociale agricole (MSA), visée par des dépôts sauvages, et de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), ciblée par un incendie "volontairement déclenché" dans son enceinte.

Sur Europe1/Cnews, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a redit que les agriculteurs avaient "parfaitement le droit de manifester", mais qu'il y avait "des lignes rouges" à ne pas dépasser: "pas d'enkystement", "pas de blocage".

A l'autre bout de la France, à Strasbourg, des membres de la CR se sont installés dans le centre avec une dizaine de tracteurs pour y distribuer 600 kilos de pommes aux passants.

"Nous, on propose un pacte avec le consommateur, c'est-à-dire lui fournir une alimentation de qualité en quantité suffisante et en contrepartie, le consommateur nous paye un prix correct", a souligné le président de la CR départementale, Paul Fritsch.

Les autorités constatent une "légère baisse" de la mobilisation à l'échelle du pays par rapport au début de la semaine, quand les syndicats majoritaires FNSEA et JA étaient aussi sur le terrain.

Ce nouvel épisode de manifestations agricoles intervient à quelques semaines d'élections professionnelles. La CR, qui préside aujourd'hui trois chambres d'agriculture, espère à cette occasion briser l'hégémonie de l'alliance FNSEA-JA et ravir "15 à 20 chambres" supplémentaires.

Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a annoncé mercredi que les prochaines manifestations emmenées par ses membres auraient lieu la semaine prochaine, "mardi, mercredi et jeudi", "pour dénoncer les entraves à l'agriculture".

FNSEA et JA avaient prévenu qu'ils se mobiliseraient jusqu'à la mi-décembre contre l'accord le Mercosur, contre les normes selon eux excessives et pour un meilleur revenu.

Troisième syndicat représentatif, la Confédération paysanne organise aussi des actions ponctuelles, contre les traités de libre-échange ou les installations énergétiques sur les terres agricoles.


Les députés approuvent en commission l'abrogation de la réforme des retraites

L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
Short Url
  • La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.
  • La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation.

PARIS : La gauche a remporté mercredi une première victoire dans son offensive pour abroger la très décriée réforme des retraites : sa proposition de ramener l'âge de départ de 64 à 62 ans a été adoptée en commission des Affaires sociales, avant son arrivée dans l'hémicycle le 28 novembre.

Le texte, présenté par le groupe LFI dans le cadre de sa niche parlementaire, a été approuvé par 35 voix (celles de la gauche et du Rassemblement national), contre 16 (venues des rangs du centre et de la droite).

La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.

Le Rassemblement national, qui avait présenté une proposition similaire fin octobre, mais que la gauche n'avait pas soutenue, a voté pour le texte de La France insoumise. « C'est le même que le nôtre et nous, nous ne sommes pas sectaires », a argumenté le député Thomas Ménagé.

La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation : celle-ci est ramenée de 43 à 42 annuités, ce qui revient à abroger également la réforme portée en 2013 par la ministre socialiste Marisol Touraine pendant le quinquennat de François Hollande.

Un amendement, présenté par les centristes du groupe Liot pour préserver la réforme Touraine, a été rejeté. Les socialistes, qui auraient préféré conserver cette réforme de 2013, ont décidé d'approuver le texte global malgré tout.

La gauche affirme qu'elle est en mesure de porter sa proposition d'abrogation jusqu'au bout : après l'examen du texte dans l'hémicycle la semaine prochaine, elle a déjà prévu de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat le 23 janvier, à l'occasion d'une niche communiste, puis en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 6 février, cette fois dans un créneau dédié aux écologistes.

Les représentants de la coalition gouvernementale ont mis en garde contre un texte « pas sérieux » ou « irresponsable ».

« Il faut être honnête vis-à-vis des Français : si cette réforme des retraites est abrogée, certes ils pourront partir à 60 ans, mais avec une retraite beaucoup plus basse », a ainsi argumenté la députée macroniste Stéphanie Rist.


Censure du gouvernement : Le Pen fait monter la pression avant sa rencontre avec Barnier

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
Short Url
  • "Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure"
  • Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget

PARIS: Marine Le Pen fait monter la pression sur Michel Barnier, avant leur rencontre lundi à Matignon : elle assure que son parti n'hésitera pas à censurer le gouvernement à la veille de Noël si "le pouvoir d'achat des Français est amputé" dans le projet de budget 2025.

"Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure", a affirmé mercredi la cheffe de file des députés du Rassemblement national sur RTL.

Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget de l'Etat.

Si le RN et la gauche votaient conjointement cette motion alors la coalition Barnier, fragile attelage entre LR et la macronie, serait renversée et le projet de budget rejeté.

Si elle n'a pas détaillé la liste précise de ses revendications, Marine Le Pen a en particulier jugé "inadmissible" la hausse envisagée par le gouvernement pour dégager trois milliards d'euros des taxes sur l'électricité, une mesure toutefois supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

"Taper sur les retraités, c'est inadmissible", a-t-elle aussi affirmé, insatisfaite du compromis annoncé par le LR Laurent Wauquiez. Celui-ci prévoit d'augmenter les retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic.

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. Si elles étaient suivies, celles-ci pourraient empêcher Mme Le Pen de participer à une quatrième élection présidentielle.

Face à cette menace de censure, Michel Barnier va recevoir en début de semaine prochaine, un par un, l'ensemble des présidents de groupes parlementaires, à commencer par Marine Le Pen dès lundi matin.

Ce premier tête à tête, depuis son entrée à Matignon, suffira-t-il ?

"Et-ce que M. Barnier va respecter l’engagement qu’il a pris, que les groupes d’opposition puissent reconnaître dans son budget des éléments qui leur paraissent essentiels ?", s'est interrogée la cheffe de file des députés RN.

Les demandes de notre parti étaient "de ne pas alourdir la fiscalité sur les particuliers, de ne pas alourdir sur les entrepreneurs, de ne pas faire payer les retraités, de faire des économies structurelles sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat", a-t-elle récapitulé. "Or nous n'avons pas été entendus, nous n'avons même pas été écoutés".

Poker menteur 

Alors qu'il a déjà lâché du lest sur les économies demandées aux collectivités locales, aux retraités et aux entreprises face aux critiques de sa propre majorité, le Premier ministre, confronté à la colère sociale des agriculteurs, des fonctionnaires ou des cheminots, a très peu de marge de manoeuvres.

"L'objectif est d'arriver à un équilibre entre les ambitions des groupes parlementaires et les impératifs de rigueur" budgétaire, répète Matignon, alors que le déficit public est attendu à 6,1% du PIB fin 2024 contre 4,4% prévu initialement.

L'exécutif agite, à destination du RN mais aussi des socialistes, la menace du chaos.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur CNews.

"Le pire pour le pouvoir d'achat des Français, ce serait une crise financière", a alerté de son côté sur LCI sa collègue Astrid Panosyan-Bouvet (Travail).

Une question demeure: le RN bluffe-t-il ?

"Si le gouvernement tombe, il faudra attendre juin pour qu'il y ait des élections législatives parce qu'il ne peut pas y avoir de dissolution pour le moment!", a semblé nuancer le porte-parole du RN Julien Audoul.

Dans tous les cas, ce jeu de poker menteur risque de durer jusque la veille de Noël, lorsque l'Assemblée nationale aura à se prononcer définitivement sur le projet de budget 2025 de l'Etat.

Le RN n'entend, en effet, pas déposer ou voter de motion de censure sur les deux autres textes (fin de gestion de 2024 et projet de budget de la Sécurité sociale) qui pourraient être adoptés par 49.3 avant.