JOHANNESBURG: L'ex-président sud-africain Jacob Zuma évite encore la case prison: condamné à 15 mois ferme pour outrage, il gagne du temps en jouant sur des recours judiciaires, dont une audience mardi pour éviter une éventuelle arrestation.
Avant même l'ouverture de cette audience, le ministre de la Police avait renoncé à arrêter M. Zuma cette semaine. Les autorités ont déclaré, dans un courrier adressé à la Cour constitutionnelle, qu'elles n'interviendraient pas avant la fin de la bataille judiciaire.
Condamné la semaine dernière par la plus haute juridiction du pays à la prison ferme, après plusieurs refus de témoigner dans le cadre d'enquêtes pour corruption d'Etat, l'ex président avait jusqu'à dimanche soir pour se rendre, sinon la police a reçu ordre de l'arrêter à compter de mercredi minuit.
Mais l'homme politique, charismatique et roublard, a obtenu que la Cour réexamine sa sentence; une nouvelle audience est prévue lundi. Entre-temps, il a réclamé que l'ordre de procéder à son arrestation soit suspendu.
C'est ainsi qu'à l'ouverture de l'audience virtuelle au tribunal de Pietermaritzburg, dans la province du Kwazulu-Natal (Est), son avocat Dali Mpofu a demandé « de manière effective » l'annulation du mandat d'arrêt contre un homme qui aura bientôt 80 ans et dont « l'état de santé est incontestablement précaire ».
« Absurde »
M. Zuma ne « risque pas de fuir », a-t-il argumenté, soulignant aussi que les autorités avaient d'elles-mêmes décidé de ne pas agir « en raison de la situation qui s'est aggravée dans le pays autour de cette affaire » et une « situation sécuritaire versatile ».
La police et le Congrès national africain (ANC) au pouvoir redoutent qu'une arrestation de l'ancien président ne provoque des troubles publics. Chantant et dansant, un petit groupe de ses partisans, rassemblés dans la matinée devant le tribunal, a été évacué.
Que la police refuse d'arrêter Jacob Zuma est « absurde », a estimé l'avocat de la commission anti-corruption qui a réclamé la prison pour l'ancien président, s'opposant devant le tribunal à son recours.
Jacob Zuma est un « récidiviste », qui est « venu vous demander d'enfreindre davantage la loi. Vous devez refuser », a martelé Me Thembeka Ngcukaitobi face au juge Bhekisisa Mnguni, qui a reconnu son « malaise » à devoir se prononcer sur une décision supérieure de la Cour constitutionelle.
Le week-end dernier, des foules de partisans s'étaient massées devant le fief de l'ex-président à Nkandla, dans la campagne zouloue. Des centaines, certains en tenue traditionnelle, torses nus et peaux de léopard, ont scandé son nom lorsqu'il est apparu.
« Le camarade Zuma »
« Pas besoin que j'aille en prison aujourd'hui », a-t-il plaisanté à l'expiration du délai pour se constituer prisonnier.
Puis s'en prenant une nouvelle fois à l'appareil judiciaire, le redouté chef du renseignement de l'ANC en exil lorsque le pays était aux mains de la minorité blanche a dénoncé « une condamnation sans procès », allant jusqu'à se dire « inquiet de voir l'Afrique du Sud revenir à un régime comparable à l'apartheid ».
L'ANC, qui compte encore de nombreux soutiens à l'ancien président, craint une aggravation des dissensions internes. Le parti a condamné mardi « toute tentative de répondre à des questions juridiques et judiciaires par des menaces et des actes de violence ».
Tout en déclarant « laisser le pouvoir judiciaire prendre ses propres décisions », Jessie Duarte, la secrétaire générale de l'ANC, a dit « espérer que la requête en justice du camarade Zuma sera couronnée de succès ».
M. Zuma est accusé d'avoir pillé les ressources publiques pendant ses neuf années au pouvoir. Depuis la création en 2018 d'une commission d'enquête sur la corruption d'Etat, M. Zuma, mis en cause par une quarantaine de témoignages, multiplie les manœuvres pour éviter de témoigner.
Englué dans les scandales, Jacob Zuma avait été poussé à la démission en 2018.