KABOUL : Les talibans ont rejeté dimanche les informations faisant état de la réimposition de restrictions sévères, telles que forcer les hommes à se laisser pousser la barbe ou interdire aux femmes de voyager sans tuteur masculin, dans les zones qu’ils contrôlent au nord-est de l'Afghanistan.
«Personne n'a reçu l'ordre d’imposer cela, et personne ne l'a fait », déclare dimanche à Arab News Zabihullah Mujahid, porte-parole des talibans.
« Cette propagande est diffusée par l'administration de Kaboul pour semer l'inquiétude, effrayer la population et attirer l'attention du monde alors qu'elle est au bord de l'effondrement. Cette information n'est pas véridique du tout », dit-il.
Cela fait suite à des informations sur les nouvelles règles du groupe à Takhar, l'une des nombreuses zones arrachées au gouvernement afghan depuis que les troupes étrangères dirigées par les États-Unis ont commencé à se retirer d'Afghanistan le 1er mai.
Dimanche, des responsables ont déclaré à Arab News que les dernières restrictions avaient été imposées dans 15 des 16 régions du nord-est de Takhar ces dernières semaines.
« Les talibans, par le biais des haut-parleurs des mosquées, ont annoncé que les hommes ne devraient pas se raser la barbe et que les femmes ne sont pas autorisées à sortir sans mahram (membre proche de la famille de sexe masculin) », dit Mohammad Ishaq, un chef de district nommé par le gouvernement pour Rustaq, l'un des 15 districts sous contrôle.
Hamid Mubarez, porte-parole du gouverneur de Takhar, ajoute que « les restrictions ont été mises en place dans un certain nombre de villages où les talibans ont consolidé leur domination ».
Les restrictions rappellent les politiques générales et dures appliquées par les talibans au cours de leur règne de cinq ans de 1996 jusqu'à leur éviction lors d'une invasion menée par les États-Unis en 2001.
Les lois de l'époque interdisaient aux femmes d’accéder à l’éducation et la plupart des travaux à l'extérieur, tandis que les fornicateurs étaient lapidés à mort et que les voleurs avaient les mains coupées dans le cadre des mesures d'exécution.
Cela a conduit à une amélioration significative de la sécurité tout en suscitant de sévères critiques mondiales à l’encontre du groupe.
En raison de leurs politiques, à l'exception du Pakistan, des Émirats arabes unis et de l'Arabie saoudite, d'autres pays se sont abstenus de reconnaître l'administration talibane.
Après que Washington a renversé les talibans, les femmes afghanes ont recouvré le droit à l'éducation, au vote et au travail hors de chez elles.
Pourtant, il n'est pas aisé d'être une femme, là où les mariages forcés, la violence domestique et la mortalité maternelle continuent d'être répandus à travers le pays, en particulier dans les zones rurales.
Cependant, l'accès à la vie publique s'est amélioré, notamment à Kaboul, où des milliers de femmes travaillent, alors que plus d'un quart du Parlement est féminin.
Les avancées des talibans au cours des derniers mois ont cependant ravivé les craintes parmi les habitants et les alliés étrangers que les talibans tentent de reprendre le pouvoir par des moyens militaires et d'appliquer des politiques dures comme ils l'ont fait par le passé.
Le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Tariq Arian, a déclaré dimanche à Arab News que "les dernières restrictions faisaient partie de la pression psychologique (appliquée) par les talibans pour apprivoiser les gens".
Les troupes étrangères restantes devraient quitter l'Afghanistan d'ici le 11 septembre tandis que Washington a remis jeudi à Kaboul la base critique de Bagram, la plaque tournante de ses opérations militaires et de renseignement pendant ses près de 20 ans d'occupation.
Les talibans ont gagné du terrain dans diverses régions, principalement grâce à la reddition des forces gouvernementales, et consolident leurs positions près des capitales provinciales, dont Kaboul.
Arab News a fait état des moyens utilisés par le gouvernement afghan en difficulté pour commencer à armer et à fournir de l'argent aux communautés locales afin d’enrayer les avancées des talibans dans leurs villages ces dernières semaines.
La semaine dernière, le commandant en chef sortant des États-Unis pour l'Afghanistan, le général Scott Miller, a averti que l'Afghanistan pourrait à nouveau sombrer dans la guerre civile et que « le monde doit s'en soucier ».
Les talibans ont envahi plusieurs régions du nord et du nord-est de l'Afghanistan, qui étaient le bastion de l'alliance anti-talibans à la fin des années 1990, où les militants ne pouvaient pas étendre leur contrôle pendant leur règne.
Des centaines de familles ont été contraintes de quitter leur domicile au milieu d'une escalade de violence dans les zones envahies, tandis que plusieurs institutions et infrastructures gouvernementales ont été gravement endommagées.
Abdul Mujib Khelwatgar, chef de NAI, un organisme de surveillance des médias à Kaboul, déclare aux journalistes que près de 20 organes de presse ont interrompu leurs activités « en raison de la violence et que plusieurs autres ont opéré sous la pression des talibans ».
Ismail Sadaat, directeur de Semaye Solh TV dans la province septentrionale de Samangan, raconte aux journalistes à Kaboul qu'il a dû fermer sa station « parce que le gouvernement et les talibans voulaient que les médias travaillent pour leur compte ».
Par ailleurs, dans une série de publications sur Twitter samedi, le chargé d'affaires américain à Kaboul, Ross Wilson, a déclaré qu'il était « troublé par les informations selon lesquelles les talibans feraient fermer les médias dans les quartiers qu'ils agressent, tentant de dissimuler leur violence en muselant la presse.
« La violence et la terreur ne peuvent pas engendrer la paix », a-t-il déclaré.
Le porte-parole des talibans Mujahid a qualifié les accusations de Wilson de "fausses", ajoutant que le groupe avait demandé aux médias de la région de rapporter "les faits tels qu'ils les voient".
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com