BEYROUTH: Rassemblés face au port de Beyrouth, quelques dizaines de proches des victimes de l'explosion du 4 août ont commémoré dimanche les 11 mois du drame, exprimant leur amertume face à une enquête qui piétine toujours.
La gigantesque déflagration au port avait fait plus de 200 morts et 6 500 blessés, dévastant la moitié de la capitale. Elle avait été déclenchée par un incendie dans un entrepôt abritant des tonnes de nitrate d'ammonium, stockées depuis des années « sans mesures de précaution » de l'aveu même des autorités.
Dimanche, à une entrée du port de Beyrouth, plusieurs dizaines de personnes, dont les épouses, les parents et les enfants des victimes, se sont rassemblées comme ils ont l'habitude de le faire chaque mois depuis près d'un an, a constaté un photographe.
Certaines femmes tenaient dans les mains des portraits de proches décédés. D'autres photos de victimes ont été accrochées à des cordes tirées entre des poteaux sur le trottoir.
« Les femmes et les enfants des martyrs du port de Beyrouth vous demandent de nous rendre justice », pouvait-on lire sur une banderole brandie par un adolescent et une fillette.
Raghida al-Zein, 47 ans, mère de trois enfants, a perdu son époux Ali. « Nos sentiments sont indescriptibles, j'ai perdu le pilier de la maison, un ami, on a perdu ce qui faisait notre vie », dit-elle lasse, avant de fustiger les dirigeants sans « conscience ».
Près d'un an après le drame, l'enquête n'a toujours pas rendu ses conclusions publiques.
Le juge d'instruction a annoncé vendredi son intention d'interroger le Premier ministre démissionnaire Hassan Diab, qui a été inculpé, tout en préparant le terrain en vue des inculpations de quatre anciens ministres et de responsables sécuritaires.
« L'immunité des ministres n'a pas pour but de cacher leurs crimes. N'empêchez pas le juge d'instruction de les poursuivre », pouvait-on lire sur une bannière.
Ibrahim Hteit, porte-parole d'une association de familles de victimes, a lui-même perdu son frère Sarwat, et reste engagé pour connaître « la vérité ».
« Nous vivons dans un pays tenu par des gangs, on lutte sur tous les fronts », lâche-t-il.
C'est toute la République qui était au courant des dangers que posait la cargaison de nitrate d'ammonium, du président Michel Aoun à M. Diab, des membres de son gouvernement mais aussi des responsables des services de sécurité, selon des courriers officiels.
Elias Tanios Maalouf, militaire à la retraite, a perdu son fils, un soldat qui était à l'entrée du port. Il fustige « un pouvoir corrompu et criminel » mais dit placer ses espoirs en la justice.