PARIS : Pour assumer l'impact des essais nucléaires en Polynésie française et mieux indemniser les victimes, le gouvernement français organise à Paris une table ronde face à une délégation polynésienne, au cours de laquelle Emmanuel Macron devrait faire une intervention jeudi.
A l'origine de cette réunion de deux jours, une requête du président polynésien Edouard Fritch, qui a demandé à ce que la France réponde aux différentes interrogations que laissent ces 193 essais nucléaires menés sur trente ans en Polynésie française, après la parution en mars d'une enquête du média d'investigation en ligne Disclose intitulé "Toxique", selon laquelle la France a sous-estimé, parfois volontairement, les conséquences des tests.
"On n'efface pas d'un revers de main soixante ans de propagande d'Etat, de déni, d'intimidation, de mépris et d'arrogance", avait rappelé M. Fritch, pourtant en bons termes avec la France.
Emmanuel Macron devrait faire une intervention jeudi en fin de journée, selon Matignon qui chapeaute cette réunion.
Ces débats se dérouleront cependant en l'absence des deux principales associations polynésiennes de victimes des essais nucléaires, Moruroa e tatou et 193, qui ont décidé de ne pas y participer.
L’Association 193 appelle à manifester vendredi à Papeete pour commémorer comme chaque année l'anniversaire du premier essai nucléaire en Polynésie, qui s'est déroulé en 1966 sous le nom de code Aldebaran.
Le parti indépendantiste Tavini Huiraatira dénonce des "mensonges d'Etat" et organise pour sa part jeudi en Polynésie une contre table-ronde pour aborder les questions "de l'indemnisation, de la déconstruction et de la réparation".
Avant l'intervention du président français, c'est la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, Geneviève Darrieussecq qui pilotera la première table ronde jeudi, consacrée à l'histoire et à la mémoire.
Vendredi, Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, pilotera la réunion sur les effets sur la Santé et Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mers, présidera celle dédiée aux effets sur le territoire.
Accès aux archives militaires
"Il y a un objectif de partage d'informations sans tabou, à la fois sur la période des essais et sur les impacts de la bombe en Polynésie française, dans une réunion placée sous le signe de la transparence", explique Matignon, qui affiche comme principal but de "définir une méthode de travail en particulier en terme de communication entre le gouvernement et la Polynésie française".
Le ministère des armées s'engage ainsi à "permettre à tous les Polynésiens d'accéder à leur histoire, aux archives et aux données de santé, en toute transparence, pour objectiver ce qui s'est passé durant cette période". Cet accès sera donc facilité, "tout en préservant certains secrets qui pourraient permettre à des puissances étrangères de progresser vers l'acquisition de l'arme nucléaire".
Des inquiétudes persistant "malgré des rapports parus depuis 1996 sur les conséquences des essais", le ministère doit également expliquer "les méthodes et données utilisées pour calculer les doses reçues pendant et après les essais nucléaires".
Même objectif au ministère de la Santé: "Dresser un état de la connaissance robuste car il y a nécessité de s'appuyer sur les connaissances scientifiques pour objectiver et faire reculer les incertitudes et les incompréhensions", avec la participation de représentants de l'’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) et de l'agence de recherche sur le cancer de l'OMS (Circ).
Les participants débattront également des moyens de renforcer l'accès au dispositif d'indemnisation par le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen), "particulièrement complexe du fait de l'insularité ou de la complexité des dossiers d'indemnisation sanitaire", selon le ministère de la Santé.