PARIS : Un projet de loi contre les séparatismes religieux sera présenté à la rentrée, en septembre ou en octobre, par le gouvernement français.
Lors de sa première intervention publique sur le sujet, à l’occasion d’un déplacement à Mulhouse le 18 février dernier, le président français, Emmanuel Macron, a indiqué qu’il souhaitait combattre « le séparatisme islamiste ».
« Le séparatisme, c’est de ne plus respecter les lois et les règles de la République au nom d’une religion ou d’une influence extérieure. C’est précisément contre cela que nous nous battons », a-t-on pu lire dans un tweet de l’Élysée. Dans le même temps, Emmanuel Macron précisait, toujours en février: « Faire un plan contre l’islam serait une faute profonde (…) Il ne s’agit pas de stigmatiser quelque religion. »
Ainsi orienté, ce projet de loi est controversé. Il suscite des inquiétudes. Les musulmans de France craignent que ce dispositif gouvernemental ne serve qu’à nourrir les amalgames. « Si ce projet est destiné uniquement à combattre l’islam politique, combat auquel je suis favorable, il serait aussi opportun de lutter contre la haine, le rejet et la stigmatisation souvent portés contre la communauté musulmane. Et par cela, j’inclus les débats publics sur le sujet qui ont lieu jusque dans les médias à large audience », nous confie Ryad, un Franco-Marocain, jeune cadre dans une entreprise privée.
De son côté, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, lors d’une intervention au Sénat après sa nomination en juillet dernier, a déclaré vouloir piloter un projet de lutte contre « l’islam politique ».
« L’islam politique est un ennemi mortel pour la république, oui il faut combattre toute forme de communautarisme, a-t-il affirmé. Nous devons être intraitables avec ce que le président de la république a qualifié de séparatisme », a-t-il poursuivi. Il a assuré que le gouvernement devra « lutter de toutes [ses] forces contre l’islamisme politique qui attaque la république ».
Sauvegarde des lois de la République
Six mois plus tard, le projet de loi a pour objet la lutte « contre toutes les formes de séparatisme ». Fraîchement nommé à la tête du gouvernement, le Premier ministre, Jean Castex, lors de son discours de politique générale devant le Parlement le mercredi 15 juillet dernier, a confirmé l’élaboration d’une loi contre « les séparatismes ». Dans son allocution, le Premier ministre n’a pas fait référence à l’islam ni aux musulmans. Selon le gouvernement, l’intitulé du projet de loi évoque « les séparatismes », un mot au pluriel, un choix assumé pour lutter contre tous les radicalismes.
Cette loi visera « tout projet organisé en marge de la république, en vue de lui porter atteinte, a précisé Marlène Schiappa, ministre déléguée en charge de la Citoyenneté, sur les ondes de France Info. Je ne veux pas qu’on soit une addition de simili communautés qui ne se parlent pas au mieux et qui se détestent au pire », a-t-elle ajouté. Marlène Schiappa plaide pour la mise en œuvre « des politiques d’intégration pour les primo-arrivants et être également dans la répression ».
De son côté, le ministre de l’Intérieur, a souligné que les cellules départementales de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire (Clir) devraient être renforcées pour contrer « les actes qui sapent les principes constitutionnels: la liberté, l’égalité, la fraternité mais aussi la laïcité, l’égalité homme femme, l’indivisibilité de la République et l’unicité du peuple français ».
Ainsi, les préfets verront leurs pouvoirs renforcés dans la gestion des services publics locaux ce qui leur permettra de prévenir «les défaillances républicaines ». La future loi devrait interdire les discriminations à l’encontre des femmes dans l’accès à certains établissements comme les clubs et les commerces. Elle contiendra aussi des mesures pour lutter efficacement contre la pratique de la polygamie.
Conscient que ce projet de loi suscite une certaine agitation dans la société et l’accroissement de la confusion dont seraient victimes les musulmans de France, le ministre de l’Intérieur tente de rassurer. Avec des propos plus apaisants, il ne manque pas de rappeler qu’il s’adresse à tous les Français « quelle que soit leur couleur de peau et quelle que soit leur religion ».
Pour lever les équivoques, il rappelle ses origines, son deuxième prénom, Moussa, et parle de l’histoire de son grand-père, qui, selon ses propos, « priait Allah et portait l’uniforme de la république ». Gérald Darmanin martèle: « La laïcité n’est pas la négation de la liberté des cultes ».
De son côté, le Conseil français du culte musulman (CFCM) rappelle qu’il faudra lutter avec la même détermination contre toutes les formes de séparatisme. Il ne manque pas de pointer du doigt les personnes qui nourrissent les débats publics de discours assimilés à des « provocations à la haine religieuse et qui continuent malheureusement de s’exprimer librement et de déverser leur haine sur les Français de confession musulmane ».
Interrogé par Arab News en français sur l’utilité de la future loi, Mohamed, un fonctionnaire dans l’administration française souligne que cela peut être défendable à condition d’assurer un traitement d’équité et de justice quant aux nombreux dossiers de discrimination, y compris dans la vie sociale et professionnelle, comme l’accès à l’emploi ou au logement. « La république ne saurait tolérer la politique de l’autruche, celle qui applique une justice sur la base de deux poids, deux mesures », conclut-il.