À dix mois de l’élection présidentielle, menaces sur la démocratie française

Un électeur pénètre dans un isoloir dans un bureau de vote du Touquet, pour le second tour des élections régionales françaises le 27 juin 2021. Ludovic MARIN / POOL / AFP
Un électeur pénètre dans un isoloir dans un bureau de vote du Touquet, pour le second tour des élections régionales françaises le 27 juin 2021. Ludovic MARIN / POOL / AFP
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Publié le Mardi 29 juin 2021

À dix mois de l’élection présidentielle, menaces sur la démocratie française

  • Le taux d’abstention a sonné comme un avertissement d’un divorce entre la population et les élites, et présage une profonde altération de la vie politique
  • Malgré le maintien ou le renforcement des positions des écologistes, de la gauche classique ou de l’extrême-gauche, le pays demeure majoritairement à droite

PARIS: Plusieurs événements marquants (fractures identitaires, loi contre le séparatisme, situation post-Covid, violence politique et abstention électorale) se sont succédé ces derniers mois en France. Ils sonnent comme des signaux d’alarme, et mettent en lumière les menaces qui pèsent sur la démocratie française. Une analyse du paysage politique et social s’impose pour mieux saisir la recomposition des forces politiques, et les perspectives dans ces mois critiques pour les acteurs concernés et le pays.

Les élections régionales ont été marquées par un taux d’abstention «abyssal», qui a sonné comme un avertissement d’un divorce entre la population et les élites, et présage une profonde altération de la vie politique.

Dans le sillage du déconfinement tant attendu après de longs mois, et simultanément au lancement des échéances électorales, la gifle subie, début juin, par le président Emmanuel Macron en direct (après tant de distanciation sociale et de travail à distance) est un choc qui confirme qu’un vent mauvais souffle sur la démocratie. Cette agression concrétise une radicalisation en cours résultant de polémiques et de surenchères entre les extrêmes.

Cependant, cette crainte paraissait exagérée à la lumière du premier test électoral (élections régionales), étape cruciale avant l’échéance de l’élection présidentielle, la clé de voûte de la Vᵉ République. En effet, les élections régionales ont été marquées par un taux d’abstention «abyssal», qui a sonné comme un avertissement d’un divorce entre la population et les élites, et présage une profonde altération de la vie politique.

L’abstention à grande échelle avait déjà été constatée au lendemain du second tour des élections municipales, le 28 juin 2020, (58,4% d’abstention), ou lors des élections régionales de 2015 (50,09% d’abstention).

Abstention à grande échelle

Il est vrai que l’abstention à grande échelle avait déjà été constatée au lendemain du second tour des élections municipales, le 28 juin 2020, (58,4% d’abstention), ou lors des élections régionales de 2015 (50,09% d’abstention). Les craintes d’une contamination pendant le scrutin, ou d’une campagne dominée par les thèmes nationaux, ne justifient pas le comportement des électeurs. Si l’abstention devenait un élément perturbateur de la pratique démocratique, il faut chercher les profondes raisons qui sont sans doute liées à ce hiatus entre la classe politique et les citoyens, qui jugent sévèrement le bilan des partis.

On peut tirer un enseignement majeur pour les prochains mois: la droite desserre la tenaille Macron-Le Pen. Au terme de ce scrutin, la photographie du paysage électoral se précise. La majorité présidentielle trébuche, la droite résiste, le Rassemblement national tousse, la gauche limite les dégâts, les écologistes s’installent. Pour Emmanuel Macron, c’est un revers.

Dans ce contexte, les sondages ont été démentis, et le Rassemblement national (l’héritier du Front national, la formation de Marine Le Pen) n’a pas réalisé pas la percée prévue. On le donnait gagnant dans six régions sur treize. Loin de ses ambitions initiales, on classe le RN comme perdant, tout comme la majorité (autour de la  République en marche, mouvement fondé par le président Macron), qui s’imaginait en «faiseurs de rois». 

Retour donc à la case départ avant 2017 (date de l’élection d’Emmanuel Macron). Ainsi, droite et gauche, pendant ce temps-là, maintiennent leurs positions.  

Un revers

On peut tirer un enseignement majeur pour les prochains mois: la droite desserre la tenaille Macron-Le Pen. Au terme de ce scrutin, la photographie du paysage électoral se précise. La majorité présidentielle trébuche, la droite résiste, le Rassemblement national tousse, la gauche limite les dégâts, les écologistes s’installent. Pour Emmanuel Macron, c’est un revers.

Malgré le maintien ou le renforcement des positions des écologistes, de la gauche classique ou de l’extrême-gauche, le pays demeure majoritairement à droite. Mais la rivalité confirmée entre le RN et les Républicains, prouve l’échec de la stratégie de Marine Le Pen pour attirer les bases de l’électorat de droite dans sa course vers l’Élysée. De même, la stratégie du président Macron n’a pas fonctionné. Certains ténors de la droite traditionnelle, et notamment Xavier Bertrand, ont prouvé leur enracinement, et ils peuvent peser dans l’élection présidentielle.

La campagne des élections régionales a bien révélé les tensions qui animent la vie politique, tensions qui se manifestent par la politique spectacle, le populisme, la vacuité des débats démocratiques.

Ce paysage politique éclaté, et le non-aboutissement de réformes promises, expliquent-ils ce durcissement de la radicalisation, comme l’a démontré l’agression contre le président Macron? Toutefois, elle n’est pas sans précédent sous la Vᵉ République. À deux autres reprises, un président a été ciblé par de groupes ou d’individus: l’OAS avait tiré sur Charles de Gaulle en 1962, à la fin de la guerre d’Algérie, et un jeune homme de 25 ans, Maxime Brunerie, avait tenté d’atteindre Jacques Chirac avec un fusil, lors du défilé du 14 juillet 2002. L’agression, cette fois, est moins importante et moins dramatique. Néanmoins, son déroulement au cours d’un bain de foule, et sa diffusion en direct à l’ère numérique, gonflent sa portée symbolique. Cet incident résume bien une ambiance marquée par la violence.

Violence verbale et physique

Rappelons que depuis des années, la violence monte à l’encontre des élus de la République, qu’ils soient maires, députés ou sénateurs , et de membres de l’exécutif. Violence verbale et physique, «attisées par le carburant des réseaux sociaux», selon l’expression de la fondation Sciences Po. De plus, le ressentiment personnel, le rejet politique, et la frustration populaire sont les ingrédients d’une ambiance délétère. Cette gifle et cette atmosphère s’inscrivent dans un contexte de radicalisation du climat politique, et d’un appauvrissement du débat public, deux menaces réelles pour l’exercice démocratique.

Tout aussi inquiétant, les déclarations de Jean-Luc Mélenchon, leader de la France insoumise, candidat pour la troisième fois à l’élection présidentielle, qui avait déclenché un légitime torrent d’indignations, en tenant un discours complotiste, considérant comme «écrit d’avance» qu’un «grave incident ou un meurtre se produirait dans la dernière semaine de la campagne présidentielle». Tout ceci n’est pas de bonne augure pour l’image de la France.

La campagne des élections régionales a bien révélé les tensions qui animent la vie politique, tensions qui se manifestent par la politique spectacle, le populisme, la vacuité des débats démocratiques.

Plus grave encore, en avril et mai dernier, la scène française a été marquée par une rare «ingérence militaire» dans les affaires politiques, pour la première fois depuis six décennies. Deux articles, des tribunes publiées dans les colonnes d’une revue conservatrice (signées par d’anciens et actuels militaires) critiquant la négligence des autorités dans la lutte contre «l'islamisme», s'inscrivent dans le cadre d'une opération politique montée pour abattre les cartes et cibler le président français, Emmanuel Macron. Cette polémique a conduit à clarifier les dangers qui pouvaient entourer la démocratie française, et la nécessité de la fortifier non seulement sur le plan politique, juridique et social, mais aussi en termes de prévention des collisions identitaires meurtrières et de promotion de la citoyenneté.


Narcobanditisme à Marseille: le ministre de l'Intérieur annonce 21 arrestations dans «le haut du spectre»

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) s'entretient avec la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence Martine Vassal et le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur Renaud Muselier lors d'une visite d'inspection des mesures de sécurité publique à Marseille. (AFP)
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) s'entretient avec la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence Martine Vassal et le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur Renaud Muselier lors d'une visite d'inspection des mesures de sécurité publique à Marseille. (AFP)
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  • Les personnes arrêtées sont de "hauts responsables qui tiennent un réseau à la Castellane", "pas du menu fretin", a-t-il insisté: ce "ne sont pas des petites mains, des charbonneurs, mais des responsables de haut niveau du narcobantitisme"
  • Toutes ces interpellations jeudi matin n'ont cependant pas eu lieu à Marseille, pour ce réseau qui présente des "ramifications nationales mais avec des racines marseillaises", a ajouté le ministre sans plus de détail

MARSEILLE: Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a annoncé jeudi un coup de filet avec 21 interpellations de trafiquants appartenant au "haut du spectre" du narcobanditisme marseillais, lors d'un déplacement à Marseille.

Une opération "a eu lieu très tôt ce matin avec 21 interpellations liées au narcobanditisme, dans le haut de spectre, qui doit nous permettre de démanteler un réseau important sur Marseille", qui tenait la cité de la Castellane, dans les quartiers populaires du nord de la ville, a déclaré Bruno Retailleau lors d'une conférence de presse.

Les personnes arrêtées sont de "hauts responsables qui tiennent un réseau à la Castellane", "pas du menu fretin", a-t-il insisté: ce "ne sont pas des petites mains, des charbonneurs, mais des responsables de haut niveau du narcobantitisme", a insisté M. Retailleau.

Selon une source policière, cette enquête portait notamment sur du blanchiment.

Toutes ces interpellations jeudi matin n'ont cependant pas eu lieu à Marseille, pour ce réseau qui présente des "ramifications nationales mais avec des racines marseillaises", a ajouté le ministre sans plus de détail.

Au total, 170 enquêteurs ont été mobilisés pour ce coup de filet qui est, selon le ministre, "un coup dur", "sinon mortel", porté à ce réseau.

La cité de la Castellane, vaste ensemble d'immeubles blancs en bordure d'autoroute, est connue pour être un haut lieu marseillais de ces trafics de stupéfiants qui empoisonnent le quotidien des habitants. En mars 2024, Emmanuel Macron s'y était rendu pour lancer des opérations "place nette XXL" contre les trafiquants et depuis la présence policière y était quasi constante, mais si le trafic était moins visible il se poursuivait notamment via les livraisons.

Ce coup de filet n'a a priori "pas de lien" avec les récents faits visant des prisons en France, a également précisé le ministre.

Le ministre était à Marseille pour dresser un premier bilan des plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien, lancés en février, avec par exemple mercredi 1.000 fonctionnaires mobilisés dans les Bouches-du-Rhône qui ont procédé à 10.000 contrôles d'identité.

Au total, 106 personnes ont été interpellées, dont une trentaine d'étrangers en situation irrégulière, dans le cadre d'une opération "massive" et "visible".


Le lycée Averroès, «un bastion de l'entrisme islamiste», selon Retailleau

Le lycée musulman lillois Averroès, dont le contrat d'association avec l'Etat a été rétabli mercredi par la justice administrative, "est un bastion de l'entrisme islamiste", a affirmé jeudi le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau. (AFP)
Le lycée musulman lillois Averroès, dont le contrat d'association avec l'Etat a été rétabli mercredi par la justice administrative, "est un bastion de l'entrisme islamiste", a affirmé jeudi le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau. (AFP)
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  • "Les faits sont graves, ils sont significatifs de l'entrisme islamiste que je veux combattre avec la plus grande fermeté. Et le lycée Averroès est pour nous un bastion de cet entrisme"
  • "On a des éléments extrêmement graves, extrêmement lourds, l'argent des Français n'a rien à faire dans ce genre d'organisation"

MARSEILLE: Le lycée musulman lillois Averroès, dont le contrat d'association avec l'Etat a été rétabli mercredi par la justice administrative, "est un bastion de l'entrisme islamiste", a affirmé jeudi le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, disant souhaiter "que l'Etat fasse appel".

"Les faits sont graves, ils sont significatifs de l'entrisme islamiste que je veux combattre avec la plus grande fermeté. Et le lycée Averroès est pour nous un bastion de cet entrisme", a déclaré le ministre. "On a des éléments extrêmement graves, extrêmement lourds, l'argent des Français n'a rien à faire dans ce genre d'organisation", a-t-il ajouté, lors d'un déplacement à Marseille.

 


Accélérer "l'électrification" de la France: des acteurs de l'énergie mobilisent les parlementaires

Le ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot (G), et le Premier ministre français, François Bayrou, quittent le Palais présidentiel de l'Élysée après la réunion hebdomadaire du cabinet, le 21 avril 2025. (AFP)
Le ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot (G), et le Premier ministre français, François Bayrou, quittent le Palais présidentiel de l'Élysée après la réunion hebdomadaire du cabinet, le 21 avril 2025. (AFP)
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  • Une vingtaine de fédérations et organisations professionnelles de l'énergie appellent jeudi députés et sénateurs à engager une "véritable rupture dans l’électrification des usages" pour réduire la dépendance de la France aux énergies fossiles importées
  • Sur proposition du Premier ministre François Bayrou, l'Assemblée nationale le 28 avril, puis le Sénat le 6 mai accueilleront un débat sur la souveraineté énergétique

PARIS: A l'approche d'un débat au Parlement sur la souveraineté énergétique, une vingtaine de fédérations et organisations professionnelles de l'énergie appellent jeudi députés et sénateurs à engager une "véritable rupture dans l’électrification des usages" pour réduire la dépendance de la France aux énergies fossiles importées et coûteuses.

"Chaque jour, ce sont 180 millions d’euros qui s’envolent pour couvrir notre consommation d'énergies fossiles – soit plus de 65 milliards d’euros par an versés à des puissances étrangères, parfois hostiles à nos intérêts", selon cette lettre ouverte aux députés et aux sénateurs.

Parmi les signataires figurent l'Union française de l'électricité, des acteurs des renouvelables (Enerplan, France Hydro Électricité, France Renouvelables, SER) et du nucléaire (Gifen, SFEN).

Ils soulignent "l'urgence" d'accélerer "les transferts d’usage vers l’électricité", dans les transports, l'industrie et les bâtiments encore très dépendants des énergies fossiles.

Sur proposition du Premier ministre François Bayrou, l'Assemblée nationale le 28 avril, puis le Sénat le 6 mai accueilleront un débat sur la souveraineté énergétique après 4 ans d'une large concertation pour bâtir la nouvelle feuille énergétique de la France pour la période 2025-2035.

Cette programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) doit mettre la France sur la voie de la neutralité carbone en 2050 en réduisant la part des énergies fossiles dans la consommation d'environ 60% en 2023 à 30% en 2035.

Ce projet a été approuvé le 27 mars dernier par le conseil de supérieur de l'énergie, et restait à publier le décret. Or l'adoption de cette PPE a été fortement critiquée par des partis allant du centre à l'extrême droite au Parlement, ainsi que par les défenseurs de l'énergie nucléaire, dénonçant un soutien trop important aux énergies renouvelables au détriment de l'atome selon eux.

De nombreux acteurs de l'énergie pressent pour que le décret soit publié au plus vite et appellent à cesser les tergiversations politiques, craignant l'absence de visibilité pour investir et recruter.

"La question n’est pas tant de savoir si l’électricité doit sortir d’un (réacteur) EPR, d’un SMR (mini réacteur), d’un barrage (...) d’une éolienne ou d’un panneau solaire, mais surtout de savoir comment cette électricité, produite intégralement en France et décarbonée, peut se substituer aux énergies fossiles importées", soulignent les signataires.

Le décret sera publié "d'ici à l'été", à l'issue du débat sans vote au Parlement, indiquait début avril le cabinet de la porte-parole du gouvernement Sophie Primas. Le décret pourra faire l'objet "d'éventuelles modifications en fonction des débats parlementaires qui auront lieu lors de la discussion" d'une proposition de loi du sénateur LR Daniel Gremillet. Celle-ci déjà adoptée en première lecture par le Sénat sera discutée à l'Assemblée nationale "la deuxième quinzaine de juin", selon Mme Primas.