DOUAI: Occultant les mauvais résultats de la majorité aux régionales, Emmanuel Macron prépare le tournant de l'après-crise, en mettant l'accent dès lundi sur la relance, lors d'un déplacement à Douai (Nord) au parfum de campagne présidentielle, avant un forum "Choose France" dans la soirée.
Certes les objectifs de départ n'étaient guère élevés pour M. Macron, dans ce scrutin promis aux sortants qui ont géré la crise sanitaire. Mais l'incapacité de la majorité à troubler le moindre match, doublée des scores flatteurs obtenus par de potentiels rivaux à droite pour 2022, encouragent le chef de l'Etat à clore rapidement le chapitre et à se tourner vers la suite, avec la relance post-Covid.
C'est donc un président à la manoeuvre sur le front économique qui s'est affiché lundi matin à Douai sur le site de Renault pour annoncer l'implantation d'une méga-usine de batteries sino-japonaise, avec deux milliards d'euros d'investissements et 1.000 emplois à la clé d'ici 2024, lançant une semaine axée sur le thème de l'attractivité française.
Lundi soir, il recevra également 150 patrons à Versailles pour "Choose France", inaugurera mardi les locaux de la banque JP Morgan puis terminera vendredi par l'exposition de produits "Made in France" à l'Elysée, l'occasion d'insister sur le rebond des créations d'emplois et de valoriser son bilan.
Signe que le coup d'envoi de la présidentielle du printemps 2022 est donné, il a retrouvé lundi matin dans le Nord Xavier Bertrand, président réélu des Hauts-de-France et surtout adversaire à droite pour 2022. M. Bertrand, qui compte faire des régionales sa rampe de lancement, ne s'est pas privé de chiper à M. Macron la primeur de l'annonce de l'arrivée du groupe sino-japonais Envision à Douai, nouvelle preuve que "la guerre est déclarée depuis un moment", dit aux Echos celui qui espère chambouler le duel Macron-Le Pen.
Balayant l'idée d'un grand remaniement, M. Macron doit également préciser son projet pour la rentrée. "Je crois qu'il fait encore des allers-retours dans sa tête", assure ainsi un proche.
"Le pays étant à un tournant, le président de la République s'exprimera (...) dans le courant du mois de juillet (...) sur le cap qui va nous amener dans les 10 prochains mois jusqu'à l'élection présidentielle", a indiqué le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal lundi sur FranceInfo.
Wauquiez refuse de participer à une «course de vitesse»
Laurent Wauquiez, qui a décroché dimanche un second mandat à la tête de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a indiqué lundi qu'il n'était "pas dans une course de vitesse", après l'appel de son homologue des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, également réélu, à "former une belle équipe" pour 2022.
"Evidemment ce qu'on fait dans notre Région est lié à ce qui se passe au niveau national. (...) Mais pour moi, c'est très important qu'il y ait de la constance. (...) Ce matin, je suis là comme président de région sur le terrain et je ne veux pas de ces espèces de course de vitesse où à peine élu, on passe à autre chose", a déclaré l'ancien président des Républicains devant la presse lors d'une visite d'un centre de surveillance de la sûreté ferroviaire à la gare Part-Dieu.
"Je pense qu'il n'y a pas d'avenir pour la politique ni au niveau local, ni au niveau national, si on bascule dans une espèce de course de petits chevaux de bois où à peine on a sauté une haie, on passe à une autre", a-t-il insisté, en se fixant d'abord "l'impératif d'honorer" ses engagements.
Lundi matin, Xavier Bertrand, en route vers la présidentielle après avoir été aisément réélu avec un score de 52,37%, a appelé M. Wauquiez et Valérie Pécresse, également réélue en Ile-de-France, à former "une belle équipe" pour 2022.
Meilleur espoir de la droite en 2022 selon les sondages, en dépit de son départ de LR en 2017, Xavier Bertrand a annoncé dès mars sa volonté d'être "le troisième homme" de la présidentielle, à condition de remporter un second mandat régional.
La question des retraites
Parmi les sujets laissés en suspens par la crise sanitaire, la réforme des retraites, qui divise l'entourage du chef de l'Etat tant sur sa forme que sur le calendrier.
"Il faut la faire, mais il faut aussi choisir le bon moment", a résumé Jean Castex auprès de Figaro, tout en affirmant que "ce ne sera pas la même" que celle initiée par son prédécesseur Edouard Philippe.
Alors que les comptes sociaux ont été considérablement grevés par la Covid-19, une partie de la majorité plaide pour un relèvement de l'âge de départ, mesure qui pourrait être prise dès le vote du prochain budget à l'automne.
Les régionales à peine bouclées, la bataille présidentielle peut commencer
Les élections régionales sont à peine bouclées que la bataille pour la présidentielle démarre: Emmanuel Macron est dès lundi sur les terres de Xavier Bertrand, candidat déclaré pour 2022, qui appelle de son côté ses homologues de droite à le rallier.
L'une d'eux, la présidente de l'Ile-France Valérie Pécresse, n'exclut pas de se lancer elle-même après l'été.
Avec une abstention vertigineuse - autour de 66% -, difficile de tirer des enseignements du second tour de ce scrutin local pour la présidentielle, soulignent toutefois les politologues.
"Ce que certains vont présenter comme le retour de la gauche et de la droite ne se traduit pas dans les sondages pour 2022. Les élections sont de plus en plus déconnectées les unes des autres", souligne Chloé Morin, politologue associée à la Fondation Jean-Jaurès.
Les présidents sortants sont, eux, confortés, tous réélus dans les treize régions métropolitaines, qu'il s'agisse de la droite et du centre (sept régions) ou de la gauche (cinq régions), qui peut même se targuer de voir la Réunion basculer dans son escarcelle.
Pour LREM, c'est la déroute, le parti présidentiel ayant été absent au premier tour en Paca, éliminé dans les Hauts-de-France, en Auvergne-Rhône-Alpes ou en Occitanie, et n'affichant que de faibles scores là où il est parvenu à concourir.
«Match à trois»
Occupant le terrain économique, il a visité dès lundi matin une usine de batteries électriques à Douai (Nord), notamment en compagnie de... Xavier Bertrand.
M. Bertrand avait conditionné la concrétisation de ses ambitions présidentielles à sa réélection à la tête de sa région. Pari tenu, avec plus de 52% dimanche après avoir "plié le match" dès le 1er tour.
Dès dimanche soir, il a dit vouloir aller à "la rencontre de tous les Français", alors que pour lui "la présidentielle est désormais un match à trois", le match "à deux" Macron/Le Pen ayant "du plomb dans l'aile".
Et tôt lundi matin, il a appelé la présidente réélue de l'Ile-de-France Valérie Pécresse (Libres!, ex-LR) et son homologue en Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez (LR) à former "une belle équipe" avec lui pour 2022.
Réponse de Valérie Pécresse dans la foulée: "Pour moi tout commence aujourd'hui".
Notant qu'"il n'y a pas d'homme providentiel aujourd'hui", Mme Pécresse (45,9% dimanche contre 33,7% à la liste d'union de la gauche emmenée par l'écologiste Julien Bayou) veut "réfléchir cet été" et "consulter pour la suite" avant de décider d'une éventuelle candidature à la rentrée.
Elle prône d'ici là un travail "collectif" de la droite et du centre "pendant la période estivale" pour "définir ensemble les règles du jeu" qui permettront de choisir un candidat commun pour 2022.
«Plafond vert»
Autre prétendant possible à droite pour 2022, Laurent Wauquiez a été réélu haut la main en Auvergne-Rhône-Alpes, avec un score de 55,17% contre 33,65% à la liste d'union de la candidate écologiste Fabienne Grébert.
La droite peut enfin aussi se satisfaire des victoires de Jean Rottner (40,30%) dans le Grand Est et Hervé Morin (44,26%) en Normandie.
Au RN, qui espérait briser le plafond de verre et enclencher une dynamique en vue de la présidentielle, la présidente Marine Le Pen a donné "rendez-vous aux Français, dès demain, pour construire tous ensemble l'alternance dont la France a besoin".
Alain Rousset en Nouvelle-Aquitaine (39,5%), Carole Delga en Occitanie (57,8%), François Bonneau en Centre-Val de Loire (39,15%), Marie-Guite Dufay en Bourgogne-Franche-Comté (42,2%) et Loïg Chesnais-Girard en Bretagne (29,8%) ont tous fini en tête, même si ce dernier n'aura qu'une majorité relative.
"Là, il y a une bonne ambiance, les boîtes ont envie d’investir, les gens de bosser, de partir en vacances, de revivre. Il faut laisser cette dynamique prospérer, on ne peut pas faire ça maintenant", rétorque un proche du président.
Dans un calendrier parlementaire restreint, comprenant des textes toujours en navette comme la loi Climat, M. Macron n'a plus guère d'espace pour un projet de loi d'ampleur. Des avancées sur la prise en charge de la dépendance, des signaux en direction de la jeunesse comme l'extension de la "garantie jeunes" sont attendus, alors que l'exécutif cherche également à occuper le terrain sécuritaire face à la pression exercée sur sa droite.
Dans le même temps, M. Macron espère aussi oeuvrer à la consolidation, voire l'élargissement de sa majorité en vue de 2022.
"Le problème c'est que les résultats des régionales", qui ont requinqué droite et gauche, "fragilisent notre attractivité", souligne un proche du président. Avant d'ajouter, inquiet: "et l'hypothèse que Macron n'est qu'une parenthèse dans l'histoire revient dans le jeu".