Pourquoi l’Espagne est-elle la grande perdante dans la crise qui l’oppose au Maroc?

Une photo prise depuis l'enclave espagnole de Ceuta, le 19 mai 2021, montre des migrants marchant près de la barrière frontalière entre le Maroc et l'Espagne. ANTONIO SEMPERE / AFP
Une photo prise depuis l'enclave espagnole de Ceuta, le 19 mai 2021, montre des migrants marchant près de la barrière frontalière entre le Maroc et l'Espagne. ANTONIO SEMPERE / AFP
Short Url
Publié le Lundi 28 juin 2021

Pourquoi l’Espagne est-elle la grande perdante dans la crise qui l’oppose au Maroc?

  • L’exclusion des ports espagnols de l’opération Marhaba 2021 a eu un énorme impact sur certaines villes et certains ports espagnols. Un manque à gagner estimé à plus d’1,5 milliard d’euros
  • Le département américain de la sécurité intérieure a mis en garde les Espagnols contre les risques sécuritaires qu’ils encourent si la crise avec le Maroc devait perdurer

CASABLANCA: L’étau se resserre-t-il contre le gouvernement de Pedro Sánchez? Depuis le déclenchement de la crise diplomatique avec le Maroc, le 18 avril 2021, en raison de l’accueil sur le sol espagnol du chef du Front Polisario, Brahim Ghali, à l’aide de faux papiers, le gouvernement espagnol est sous les feux de critiques internes. Les partis de l’opposition, la société civile, des membres du gouvernement et jusqu’aux institutions souveraines ont tiré à boulets rouges sur le gouvernement et sa gestion «catastrophique» de cette crise avec le Maroc. La ministre des Affaires étrangères, de l'Union européenne et de la Coopération, Arancha González Laya, est la principale cible de cette salve de critiques; elle se trouverait d’ailleurs sur la sellette.

L’armée de l’air est également intervenue dans cette crise. Le général José Luis Ortiz Cañabate, chef de la base de Saragosse, a reconnu devant le juge d’instruction de cette ville, Rafael Lasala, que c’était le ministère espagnol des Affaires étrangères qui avait demandé à l’armée de l’air d’autoriser, le 18 avril 2021, l’atterrissage d’un avion sur la base aérienne de Saragosse sans fournir d’informations; cette manœuvre était destinée à faire entrer Brahim Ghali, le chef du mouvement du Front Polisario, sur le territoire espagnol en vue de son hospitalisation à l’hôpital de Logroño, sans qu’aucun contrôle douanier n’ait lieu. Brahim Ghali est pourtant poursuivi en Espagne pour crimes de guerre, viol, meurtres et séquestrations, entre autres – des faits qu’il aurait commis à Tindouf (en Algérie, NDLR).

Une perte de plus d’1,5 milliard d’euros pour les ports espagnols

Rappelons que cet acte avait provoqué la colère du voisin marocain, qui a riposté en ouvrant les vannes de ses frontières terrestres avec Ceuta, engendrant une marée de migrants de plus de 10 000 personnes en deux jours. S’en est suivie de part et d’autre une série de ripostes dans laquelle le Maroc serait, à l’heure actuelle, en bonne posture. Après avoir joué la carte de l’immigration clandestine, le Maroc a exclu l’Espagne de l’opération baptisée «Marhaba 2021», un dispositif destiné à accompagner les flux croissants des Marocains qui résident à l'étranger lors de leur retour au Maroc pendant la période estivale. Cette opération concerne plus de 3,5 millions de Marocains établis en Europe; la majorité d’entre eux passent par les ports espagnols pour regagner le Maroc.

Cette exclusion a eu un énorme impact sur certaines villes et certains ports espagnols. Un manque à gagner estimé à plus d’1,5 milliard d’euros, selon le quotidien espagnol La Razó – et qui pourrait être beaucoup plus important, estiment des professionnels du secteur portuaire en Espagne. La compagnie de transport maritime FRS a ainsi évalué les pertes, qui correspondent aux ventes de billets lors de l’opération Marhaba, à plus de 500 millions d’euros. Certaines villes, comme Mortil, vivent principalement grâce à cette opération: l’activité portuaire, les voyagistes, les stations-services, les hôteliers, les agences de locations de voitures et les commerces génèrent d’importants revenus. Mortil perdra 20 millions d’euros au bas mot cette année. Les ports espagnols qui seront le plus fortement affectés sont Algésiras, Tarifa, Almeria, Alicante, Mortil, Malaga, Ceuta et Melilla.

Le port d’Algésiras quasi désertique

Alors qu’il jouissait d’une intense animation pendant cette période, le port d’Algésiras est actuellement quasi désertique. C’est celui qui sera le plus touché, avec 11 millions d’euros de manque à gagner et 300 emplois menacés. Manuel Piedra, président d'Aesba (Association des entrepreneurs des services portuaires d'Algésiras), explique à l’agence de presse espagnole EFE que cette exclusion engendrera une perte de plusieurs millions d’euros dans plusieurs secteurs économiques qui avaient besoin de cette manne financière en cette période de crise sanitaire liée à la Covid-19. Les opérateurs des secteurs sinistrés ont appelé le gouvernement à trouver des solutions urgentes pour faire face à cette situation inédite qui entraînera des licenciements de masse dans plusieurs villes et qui aggravera la crise sociale en Espagne.

Cet avis est partagé par Vox, le parti d’extrême droite espagnol. Ce mouvement d’opposition a en effet profité de cette crise pour attaquer le gouvernement, qu’il considère incompétent et qu’il juge responsable d’avoir géré avec le plus grand amateurisme une crise diplomatique qui aurait pu être évitée si l’entêtement et le manque d’expérience de la ministre des Affaires étrangères espagnole n’avaient fait leur œuvre. En outre, le parti a qualifié d’«humiliante» la rencontre de vingt-neuf secondes entre le chef du gouvernement espagnol et le président américain, Joe Biden, pendant laquelle Pedro Sánchez devait évoquer la crise avec le Maroc. Une rencontre que Pedro Sánchez aurait survendue et qui s’est soldée par une humiliation cuisante, estime le parti Vox.

Le Parlement arabe soutient le Maroc

De même, le recours de l’Espagne devant le Parlement européen n’a pas eu l’effet escompté. L’institution avait émis une résolution contre le Maroc, notamment par rapport à l’exploitation d’enfants dans la crise migratoire avec Ceuta; mais, pour un bon nombre d’observateurs, cette résolution n’aurait pas grande valeur. En revanche, le recours a fait réagir le Parlement arabe, qui a émis, le samedi 26 juin 2021 au Caire, une résolution de soutien au Maroc et qui s’est montré très virulent à l’égard de l’Espagne et du Parlement européen. Il a ainsi exprimé son rejet catégorique de «l’approche arrogante inacceptable du Parlement européen dans le traitement des questions liées aux pays arabes», l’institution ayant adopté «des résolutions qui s’inscrivent aux antipodes des exigences du partenariat stratégique souhaité entre les pays arabes et européens». La crise entre le Maroc et l’Espagne va-t-elle devenir une crise arabo-européenne?

Les Américains mettent en garde les Espagnols contre des risques sécuritaires

Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que le gouvernement espagnol se trouve actuellement dans une impasse et que sa gestion de la crise s’est révélée un véritable fiasco. Résultat: le gouvernement espagnol a changé de ton et tente par tous les moyens de rétablir ses relations avec le Maroc. L’appel de Madrid, tel un drapeau blanc agité en période de guerre, représente-t-il une prochaine victoire diplomatique du Maroc contre son voisin ibérique et contre l’Europe – qui n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler le rôle stratégique du Maroc dans plusieurs sujets sensibles? Le Royaume chérifien demeure en effet l’un des fournisseurs traditionnels et stratégiques des pays européens en matière de renseignements sur d’éventuels attentats terroristes.

Grâce à l’infiltration de réseaux terroristes, en Europe notamment, les services de renseignement marocains ont permis à plusieurs pays européens, notamment à l’Espagne et à la France, tout récemment, d’éviter de véritables bains de sang. Un rôle que rappelle le département américain de la sécurité, qui a mis en garde les Espagnols contre les risques sécuritaires qu’ils encourent si la crise avec le Maroc devait perdurer. Le niveau d'alerte du dispositif espagnol de lutte contre le terrorisme vient de passer à l’orange – un niveau qui signale un danger de sécurité imminent en Espagne.


Le ministre irakien des Affaires étrangères en visite officielle aux États-Unis

 Le ministre irakien des affaires étrangères, Fuad Hussein. (File/AFP)
Le ministre irakien des affaires étrangères, Fuad Hussein. (File/AFP)
Short Url
  • La visite s'inscrit dans le cadre de l'engagement diplomatique continu entre les deux pays dans un contexte d'évolution de la dynamique régionale
  • "Nous discuterons des moyens de renforcer la sécurité commune et la coopération dans divers domaines", a déclaré le ministre des affaires étrangères.

DUBAI : Le ministre irakien des Affaires étrangères, Fuad Hussein, s'est envolé jeudi pour les Etats-Unis afin de participer à une série de réunions bilatérales visant à renforcer les liens entre Bagdad et Washington.

Dans une déclaration partagée sur la plateforme X et rapportée par l'Agence de presse irakienne, M. Hussein a déclaré que la visite se concentrera sur le renforcement des relations irako-américaines et la coordination des efforts sur les questions régionales et internationales clés.

"Nous discuterons des moyens de renforcer la sécurité commune et la coopération dans divers domaines", a déclaré le ministre des affaires étrangères.

Cette visite s'inscrit dans le cadre d'un engagement diplomatique continu entre les deux pays, dans un contexte d'évolution de la dynamique régionale.


Gaza: 22 morts dans des bombardements israéliens, selon secouristes et hôpitaux

L'hôpital indonésien à Jabalia dit avoir reçu les corps de neuf victimes après un bombardement israélien sur un commissariat de police de cette ville du nord du territoire palestinien. (AFP)
L'hôpital indonésien à Jabalia dit avoir reçu les corps de neuf victimes après un bombardement israélien sur un commissariat de police de cette ville du nord du territoire palestinien. (AFP)
Short Url
  • L'armée israélienne a confirmé dans un communiqué avoir effectué une frappe dans la région de Jabalia, précisant qu'elle ciblait "des terroristes opérant dans un centre de commandement et de contrôle du Hamas et du Jihad islamique"
  • Une autre frappe aérienne sur une maison dans le nord de la ville de Gaza, dans le nord du territoire palestinien, a tué une famille de six personnes, un couple et ses quatre enfants, a indiqué la Défense civile à Gaza

GAZA: Au moins 22 personnes, dont six membres d'une même famille, ont été tuées dans de nouveaux bombardements israéliens sur la bande de Gaza jeudi matin, ont annoncé la Défense civile palestinienne et des sources hospitalières.

L'hôpital indonésien à Jabalia dit avoir reçu les corps de neuf victimes après un bombardement israélien sur un commissariat de police de cette ville du nord du territoire palestinien.

L'armée israélienne a confirmé dans un communiqué avoir effectué une frappe dans la région de Jabalia, précisant qu'elle ciblait "des terroristes opérant dans un centre de commandement et de contrôle du Hamas et du Jihad islamique".

Une autre frappe aérienne sur une maison dans le nord de la ville de Gaza, dans le nord du territoire palestinien, a tué une famille de six personnes, un couple et ses quatre enfants, a indiqué la Défense civile à Gaza.

Cette organisation de secouristes a aussi fait état de deux morts dans une frappe sur une tente de personnes déplacées à Khan Younès, dans le sud.

Toujours à Khan Younès, l'hôpital Nasser annonce avoir reçu les dépouilles de deux victimes après une frappe sur une maison familiale. L'hôpital des martyrs d'al-Aqsa dit, lui, avoir reçu trois corps après une frappe sur une tente de personnes déplacées dans le camp de Nuseirat (centre).

Rompant une trêve de près de deux mois dans la guerre déclenchée il y a plus d'un an et demi, Israël a repris le 18 mars son offensive aérienne puis terrestre dans la bande de Gaza, où au moins 1.928 Palestiniens ont été tués depuis selon le ministère de la Santé du Hamas.

Ce bilan porte à 51.305 le nombre de morts dans la bande de Gaza, selon la même source, depuis le début de l'offensive israélienne lancée en représailles à l'attaque du Hamas en Israël le 7 octobre 2023.

L'attaque sans précédent du Hamas a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Sur les 251 personnes enlevées le 7-Octobre, 58 sont toujours otages à Gaza dont 34 sont mortes, selon l'armée israélienne.

 


1982 – Le massacre de Sabra et Chatila

Les corps des victimes du massacre de Sabra et Shatila sont transportés par le personnel de la Croix-Rouge pour être enterrés à Beyrouth. (Getty Images)
Les corps des victimes du massacre de Sabra et Shatila sont transportés par le personnel de la Croix-Rouge pour être enterrés à Beyrouth. (Getty Images)
Short Url
  • Le massacre, qui s'est déroulé au plus fort de la guerre civile libanaise, et les raisons qui l'ont motivé mettent en lumière les dimensions régionales complexes qui ont entouré le conflit
  • Arab News a publié des images saisissantes du massacre, qualifié de crime commis «avec la connivence des envahisseurs israéliens»

LONDRES: Le massacre de Sabra et Chatila, survenu en 1982, reste l’un des épisodes les plus tragiques et emblématiques de l’histoire politique mouvementée du Liban.

Des membres d’une milice chrétienne libanaise de droite ont pénétré dans le quartier de Sabra, au sud de Beyrouth, ainsi que dans le camp de réfugiés palestiniens de Chatila, tout proche. Ils y ont massacré des centaines de personnes. Certaines estimations font état de plus de 3 000 victimes, majoritairement des civils palestiniens et des Libanais musulmans.

Au moment où les atrocités ont eu lieu, le quartier, où résidaient de nombreux dirigeants palestiniens, ainsi que le camp, étaient sous le contrôle des forces d'occupation israéliennes à la suite de leur invasion du Liban-Sud trois mois plus tôt.

Selon certaines sources, les meurtres de masse ont été commis au vu et au su des forces israéliennes, de 18 heures environ le 16 septembre à 8 heures du matin le 18 septembre. Certains ont même affirmé que les milices chrétiennes avaient reçu l'ordre des Israéliens de «chasser» les combattants de l'Organisation de libération de la Palestine de Sabra et Chatila, dans le cadre de l'avancée israélienne dans la partie ouest de Beyrouth, majoritairement musulmane. Des rapports ultérieurs ont suggéré que les Israéliens avaient reçu des rapports sur les atrocités, mais qu'ils n'avaient pris aucune mesure pour les prévenir ou les arrêter.

Le massacre, qui s'est déroulé au plus fort de la guerre civile libanaise, et les raisons qui l'ont motivé mettent en lumière les dimensions régionales complexes qui ont entouré le conflit.

Comment nous l'avons écrit

--
Arab News a publié des images saisissantes du massacre, qualifié de crime commis «avec la connivence des envahisseurs israéliens», provoquant une onde de choc et des réactions d’horreur à travers le monde.

Au Liban, le sectarisme a presque toujours été un facteur central des conflits qui ont façonné les équilibres politiques et redessiné les cartes du pouvoir. Bien avant la chute de l’Empire ottoman à la fin de la Première Guerre mondiale, dont le territoire libanais faisait alors partie, la région du Mont-Liban avait déjà été le théâtre de violences confessionnelles. Ces tensions ont débuté en 1840 et ont atteint leur paroxysme en 1860, avec des massacres d'une telle ampleur qu'ils ont entraîné une intervention militaire française. L’Empire ottoman avait alors réagi avec fermeté, cherchant à contenir l’avancée française, dans un contexte de pressions diplomatiques exercées par les grandes puissances européennes.

Le bouleversement politique majeur consécutif aux massacres de 1860 fut la création, en 1861, du district autonome du Mont-Liban, gouverné par un fonctionnaire ottoman chrétien dont la nomination devait être validée par les puissances européennes.

Mais après la défaite de l’Empire ottoman à l’issue de la Première Guerre mondiale, la Conférence de paix de Paris en 1920 annexa plusieurs régions au Mont-Liban – notamment Beyrouth – et plaça le nouvel État élargi du Liban sous mandat français.

Dans ce Grand Liban, la population chrétienne, auparavant majoritaire dans la région montagneuse du Mont-Liban, vit son poids démographique réduit par l’intégration de grandes villes et districts à majorité sunnite et chiite. Néanmoins, les chrétiens comptaient sur le soutien du mandat français pour préserver leur domination politique. Une illusion qui s’estompa rapidement, surtout après l’indépendance du Liban en 1943.

À cette date, selon de nombreuses estimations, les musulmans – sunnites, chiites et druzes – formaient déjà une majorité démographique. Parallèlement, l’émergence du nationalisme arabe, alimenté par la Nakba palestinienne de 1948, radicalisa la scène politique régionale. L’afflux de réfugiés palestiniens au Liban, comme en Jordanie, accentua les tensions et contribua à fragiliser davantage l’équilibre confessionnel libanais.

Le processus de radicalisation a été encore accéléré par la défaite arabe lors de la guerre israélo-arabe de juin 1967, qui a donné naissance, ainsi qu'une énorme crédibilité, au mouvement de résistance palestinien (les «fedayins»).

À l'automne 1970, à la suite de batailles entre les fedayins et l'armée jordanienne, les mouvements de résistance palestiniens ont transféré leur quartier général d'Amman à Beyrouth.

Les musulmans libanais, les nationalistes arabes et les dirigeants de gauche se rangent aux côtés des Palestiniens et font cause commune avec eux. De l'autre côté, l'élite politique chrétienne et les masses chrétiennes au Liban craignaient que cette alliance naissante ne constitue une menace mortelle pour leur position dominante dans le pays et, par conséquent, pour son régime, son identité et sa souveraineté.

J'ai vécu cette époque et je m'en souviens très bien. En 1973, l'armée libanaise, dirigée par les chrétiens, a tenté de contenir le pouvoir des fedayins dans les camps de réfugiés, mais le tollé soulevé par la gauche musulmane contre les actions de l'armée a ouvert la voie à une guerre civile imminente. Très vite, les milices chrétiennes ont été ouvertement armées et entraînées par des officiers de l'armée, tandis que les milices gauchistes et arabisantes ont également obtenu des armes et un entraînement par l'intermédiaire des Palestiniens et de certains régimes arabes.

La guerre a éclaté en 1975 et s'est poursuivie, en plusieurs phases, jusqu'en 1990. L'invasion israélienne de juin 1982 avait pour but d'achever l'infrastructure militaire et politique palestinienne et d'établir un régime «ami» à Beyrouth. Israël a tenté d'y parvenir en utilisant sa puissance militaire pour forcer les mouvements de résistance palestiniens à quitter le Liban, puis en confiant la présidence libanaise à Bachir Gemayel, chef des Forces libanaises, la milice chrétienne la plus puissante, en août 1982.

--
Des familles pleurent les victimes du massacre dans le quartier de Sabra à Beyrouth et dans le camp de réfugiés adjacent de Chatila, où vivent des milliers de réfugiés palestiniens. (Images Getty) 

Cependant, Gemayel a été assassiné le 14 septembre 1982, avant même d'avoir pu prêter serment. Son assassinat, dans une explosion massive à Beyrouth, a choqué les chrétiens et rendu furieuses leurs milices, qui ont riposté en attaquant Sabra et Chatila deux jours plus tard.

À cette époque, le monde arabe est affaibli et profondément divisé à la suite de la reconnaissance d'Israël par l'Égypte dans les accords de Camp David de 1979, qui a entraîné la suspension de l'adhésion du pays à la Ligue arabe.

Les Israéliens ont donc pu participer au massacre de Sabra et Chatila sans craindre d'importantes représailles de la part des Arabes. En fait, c'est le tollé général suscité par ce massacre qui a conduit à la création d'une commission d'enquête présidée par Sean MacBride, assistant du secrétaire général des Nations unies et président de l'Assemblée générale des Nations unies à l'époque.

Le rapport de la commission, publié en 1983, concluait qu'Israël, en tant que puissance occupante, portait la responsabilité des violences et que le massacre constituait une forme de génocide.

La réaction de choc au massacre a été forte même en Israël, où les autorités ont créé leur propre commission Kahan pour enquêter sur l'incident. Son rapport, également publié en 1983, conclut que, bien que consciente de l'existence d'un massacre, l'armée israélienne n'a pris aucune mesure sérieuse pour y mettre un terme.

La commission a déclaré qu'Israël était indirectement responsable «d'avoir ignoré le danger d'effusion de sang et de vengeance» et que le ministre de la Défense, Ariel Sharon, en portait personnellement la responsabilité, ce qui l'a contraint à démissionner.

Eyad Abu Shakra est le rédacteur en chef d'Asharq Al-Awsat.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com