PARIS: À deux pas du Louvre, ce samedi soir, une foule bigarrée se presse au 150, rue de Rivoli. Dans l’ancien magasin de sport reconverti en temple de l’esport – premier de ce genre dans toute l’Europe selon son cofondateur, Aaron Buckstein –, on célèbre le partenariat entre le constructeur informatique taïwanais Asus et l’équipe d’esport Bunker, nouvellement rebaptisée «BK ROG esport».
Au sous-sol, derrière la salle aux 100 PC dédiée aux gamers, une arène, véritable plateau télé, réservée aux V.I.P, accueille Squeezie (16 millions de followers sur YouTube) et ses invités, Doigby (1,4 million sur Twitch; 1,3 million sur YouTube), Gotaga (3,75 millions), et des artistes urbains dont le chanteur Orelsan (meilleure chanson: 88 millions de vues sur YouTube et 1,5 million de followers) mais aussi Gazo, Doums, Jok’air pour un live retransmis sur la plate-forme Switch.
En effet, l’esport, la pratique compétitive du jeu vidéo, est actuellement en plein essor, encore plus depuis la crise sanitaire liée à la Covid-19. «Aujourd’hui, le football, sport planétaire par excellence, est suivi par près de 2 milliards de personnes», explique ainsi Serge Thiam, de Lead esport Afrique. «Dans six ou sept ans, on sera à 2,7 milliards de personnes. L’esport, quant à lui, est aujourd’hui suivi par 2 milliards de personnes, et dans six ou sept ans, nous serons 7 milliards à jouer et suivre les compétitions, grâce notamment au développement de la fibre et du réseau 5G. En termes de sponsoring, nous n’avions plus d’événements sportifs avec le confinement. C’était très difficile pour les différentes marques sponsors de se mettre en avant lors d’un événement physique puisqu’il n’y en avait plus. De nombreuses marques dans le monde, des marques de boisson, de mode, de voiture ou de friandises même, s’intéressent désormais à l’esport. Elles ont constaté que l’audience était là. Et forcément, les marques auront une grande appétence afin de se mettre en avant et atteindre les millennials, tout simplement, qui ne regardent plus la télé de façon linéaire, qui veulent regarder un programme quand ils le veulent, comme ils le veulent et où ils le veulent, et ça c’est possible grâce aux jeux vidéo et à la Game Content Video, qui est le contenu produit et diffusé en live ou en différé.»
C’est en effet le constat dressé par toutes les personnes réunies dans ces 2 000 m2 en face du Louvre. «Dans le sport, l’essentiel de l’audience se fait pendant le match. Dans un match d’esport, l’audience se fait pendant des semaines après le match. Ils consomment au moment où ils ont envie de le faire», explique Tracy Loisel, conseiller à la World Gaming Federation (WGF). Les millennials, ceux qui ont moins de 20 ans, connaissent plus de champions esport que de champions sportifs.»
Interrompant sa partie de jeu vidéo, Mamadou Ba, cofondateur d’Africa digital gaming (Adiga), agent de footballeur et d’esportif, travaille sur cette transition entre le monde du sport in real life et le monde de l’esport, «car au final, les deux restent du sport, avec des entraînements physiques quotidiens pour les champions», soutient-il, même si l’esport est encore «un monde en plein développement, en train de se spécialiser».
C’est la raison pour laquelle le constructeur taïwanais de PC Asus a décidé de soutenir l’équipe française non professionnelle Bunker, championne de France 2019 sur Brawl Stars. «En tant que constructeur dans les technologies de l’information (IT), il était évident pour nous de participer à la promotion et au développement de l’esport», explique Christine Le Calvez, marketing manager gaming France chez Asus. «Nous avons voulu professionnaliser l’équipe Bunker et la doter de moyens afin de développer le vivier français en donnant leur chance à des joueurs et en dénichant les futurs talents esportifs de demain.»
En attendant de dénicher ces nouveaux talents qui ne tarderont pas à émerger, on ne tarit pas d’éloges sur les vertus du jeu vidéo lors de cette soirée. Madjer tient à redorer l’image souvent négative du jeu vidéo en développant une approche philosophique de cette activité. Pourquoi jouons-nous, se demande-t-il? «Je veux que les gens comprennent que leurs enfants ne sont pas des tares parce qu’ils jouent aux jeux vidéo», souligne-t-il. «Au contraire. Car les jeux vidéo sont les seuls qui, lorsqu’on y joue, occupent tout le cerveau. En effet, le cerveau est continuellement dans l’analyse.» En outre, «un joueur de jeux vidéo ne s’arrête jamais sur un échec, il veut aller au bout de son jeu», soutient-il. «Les joueurs sont des rêveurs, et ce sont eux qui construisent le monde, en testant, échouant, recommençant. On va toujours plus loin en jouant.»