PARIS: Rebelote pour l'abstention: le sursaut électoral espéré pour le second tour des régionales et départementales n'a pas eu lieu et sans surprise, elle est demeurée dimanche à un très haut niveau, autour de 65% selon les sondeurs, après le record du premier tour (66,72%).
Elle se situe entre 64,3 et 66,3% au second tour contre 66,7% au premier tour, selon les estimations d'Ifop Fiducial pour TF1/LCI, Elabe pour BFM/RMC, Opinionway pour CNews, Ipsos pour France Télévisons Radio France et la Chaîne parlementaire. L'institut Harris pour M6 est celui qui donne l'abstention la plus faible à 64,3%.
Le petit gain d'un ou deux points de participation entre les deux tours n'égale nullement le rebond de près de dix points lors du précédent scrutin des régionales de 2015 (41,59% au premier tour, 50,09% au second). Et place l'abstention de dimanche très au-dessus de celle enregistrée au second tour des départementales de 2015 (50,02%).
Élection escamotée
"Il n'y a pas eu de sursaut démocratique, cette élection a été escamotée par plus de 31 millions de Français dès dimanche dernier", a résumé le sondeur Frédéric Dabi (Ifop) sur LCI.
"Dans un contexte de sortie de crise, de proximité avec l'été, de précampagne présidentielle, cette élection n'a jamais trouvé sa place", ajoute-t-il.
"Les citoyens sont restés à côté des appels à voter des responsables politiques ou des médias. Il y a une forme d'imperméabilité à tout ça", analyse la spécialiste de l'abstention Céline Braconnier.
"Il y a un climat d'opinion défavorable qui est très installé et qui ne pouvait pas être modifié en une semaine", abonde Pierre Lefébure, politiste de l'Université Sorbonne-Paris Nord.
Au premier tour, le 20 juin, jamais les Français n'avaient autant boudé un scrutin depuis le référendum sur le quinquennat le 24 septembre 2000, le record absolu d'abstention sous la Ve République avec 69,8%.
Mais les semaines se suivent et se ressemblent donc et ce double désaveu électoral amplifie une tendance lourde des dernières décennies que le quinquennat Macron n'aura pas réussi à inverser. Plus de la moitié des électeurs ont boudé les urnes depuis son élection à chaque suffrage, des législatives de 2017 aux municipales de 2020, à l'exception notable du sursaut inattendu des européennes de 2019 (50,12% de participation).
"Il y a une forme de résignation et de distance qui s'est installée", met en garde Céline Braconnier.
"Le reflux du RN montre qu'il n'échappe pas à l'abstention, notamment à cause de son électorat jeune et défavorisé", précise-t-elle.
Comme au premier tour, les plus jeunes (21% de participation pour les 18-24 ans et les 25-34 ans, 25% parmi les 35-49 ans, contre 34,3% en moyenne, et 58% pour les plus de 70 ans) sont en effet parmi ceux qui ont le moins voté lors de ce second tour, selon un sondage Ipsos Sopra Steria.
Les femmmes (33%) ont un peu moins participé que les hommes (36%) mais la différence n'est pas aussi notable qu'au premier tour où l'écart était de plus de 10 points. Les employés (25%) et les ouvriers (27%) ont aussi été moins présents dans les urnes que les cadres (37%).
Et comme au premier tour, les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (30%) et de Marine Le Pen de 2017 (37%) sont restés moins mobilisés que ceux d'Emmanuel Macron (42%) ou de François Fillon (44%).
La tendance nationale ne doit pas masquer non plus des disparités régionales et des rebonds de participations locaux.
Ainsi dans la région Paca, avec un duel particulièrement clair pour les électeurs entre le LR Renaud Muselier et le RN Thierry Mariani, la participation a augmenté selon Ipsos de plus de 4 points (62,2% d'abstention contre 66,3% au premier tour), expliquant en partie le large succès du président sortant.
"Il y un petit regain mais négligeable, même en Paca", relativise le sondeur Jérôme Sainte-Marie (PollingVox).
Présidentielle préservée?
"Cela montre peut-être que le RN ne fait plus peur et qu'il y a une forme de banalisation y compris dans la mobilisation", avance-t-il.
Selon Ipsos, comme au premier tour, c'est toujours dans le Grand Est (70%) et les Pays de la Loire (68,5%) que l'on trouve le plus d'abstentionnistes, devant l'Ile-de-France (67%), les Hauts de France (66,8%), la Normandie (66,8%) et le Centre-Val de Loire (66,6%).
La palme du civisme revient toujours à la Corse (41,8%) qui se démarque clairement du reste de la France, devant l'Occitanie (61,9%) et la Nouvelle Aquitaine (62,8%), Paca venant se glisser parmi les bons élèves (62,2%).
Plusieurs spécialistes mettent cependant en garde contre une extrapolation pour 2022.
"La présidentielle garde un statut à part aux yeux des électeurs, celui de la seule élection qui compte vraiment", souligne Pierre Lefébure.
Pour la présidentielle "il peut y avoir une campagne de forte intensité, clivée", approuve Céline Braconnier.