Bill McDonough appelle à reconsidérer le carbone dans l’économie circulaire

Illustration par Luis Grañena
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Publié le Dimanche 30 août 2020

Bill McDonough appelle à reconsidérer le carbone dans l’économie circulaire

  • Célèbre défenseur de la conception durable, Bill McDonough explique le rôle de premier plan de l'Arabie Saoudite dans la transition énergétique mondiale
  • « Cela nécessite un comportement héroïque énorme. Faisons quelque chose au cours des 10 prochaines années qui étonnera nos enfants »

Bill McDonough n'a pas mâché ses mots en disant : « C’est un problème très, très grave. La science est claire et les signaux sont vraiment effrayants. Regardons les choses en face », a-t-il déclaré lors d'une réunion d'une heure via le Zoom depuis son domicile en Virginie aux États-Unis.

Il parlait de la menace de la pollution de l'environnement et du changement climatique qui en résulte pour l'humanité, et il est bien qualifié pour en parler. Nommé « Un héros pour la planète » par le magazine Time, c’est le seul lauréat du Prix du président américain pour le développement durable. McDonough est considéré comme le « père de l'économie circulaire », stratégie qui vise à transformer les vies et les moyens de subsistance de l'humanité - avant qu'une catastrophe écologique ne fasse cela.

Actuellement, McDonough s'est associé à l'Arabie Saoudite pour relever ce défi, en particulier, pour déterminer la place des hydrocarbures – l’élément vital du Royaume -  dans la transition énergétique à venir.

« Cela nécessite un comportement héroïque énorme. Faisons quelque chose au cours des 10 prochaines années qui étonnera nos enfants », a-t-il dit, tout en soulignant l’ampleur du défi.

Ce message ne serait pas déplacé dans les prédications de nombreux agitateurs environnementaux, mais McDonough y apporte un pedigree intellectuel et un bilan d'application pragmatique.  Quand il dit: « Je vais concevoir des bâtiments comme des arbres », c’est bien plus qu’un simple slogan.

Né à Tokyo, depuis son enfance, McDonough réfléchit à de grandes questions comme la destruction d'Hiroshima par la bombe atomique, s’impliquant dans la physique, la chimie et les relations internationales avant de se lancer dans l'architecture en tant que profession.

Le concept « d'économie circulaire » est né pendant son travail de conception de bâtiments régénératifs sur le principe du « berceau au berceau » - l'idée que les constructions humaines doivent être construites en pensant nettement aux générations futures.

La reconnaissance internationale de son travail a augmenté régulièrement depuis les années 1990, où les gens deviennent soucieux de l'environnement, jusqu'à la publication - avec Michael Braungart - du livre «Du berceau au berceau - Refaire notre façon de transformer les choses » en 2002.

Les principes du livre ont été adoptés par le gouvernement chinois dans ses plans quinquennaux et par le Forum économique mondial en 2014. À Davos, McDonough a construit une structure appelée ICE House - avec l'aide de SABIC d'Arabie Saoudite - pour illustrer le concept de prototype durable.

Cette collaboration avec le Royaume témoigne d'une relation de plus en plus étroite. McDonough avait auparavant rencontré le prince Abdul Aziz bin Salman, le ministre saoudien de l'énergie, et avait trouvé un auditeur enthousiaste pour ses idées.

« Je sais que c'était naturel pour lui, tout était intrinsèque à sa pensée. L'une des parties les plus élégantes du dialogue est que j'aime vraiment travailler avec lui, parler à quelqu'un qui a pensé aussi profondément à cela », a déclaré McDonough en décrivant le prince, qui a fait de l'efficacité énergétique une clé de voûte de la stratégie énergétique du Royaume.

Ces conversations l'ont amené à réfléchir davantage au rôle du carbone dans le modèle circulaire, qui avait trois principes directeurs.

Premièrement, tout objet est une ressource pour autre chose; dans la nature, les « déchets » d'un système deviennent la nourriture d'un autre, que ce soit par un processus biologique ou technique.

Deuxièmement, l’énergie doit être propre et renouvelable, en s’intéressant particulièrement  sur les sources solaires ainsi que sur l’énergie éolienne, géothermique et d’autres formes d’énergie.

Troisièmement, célébrer la diversité des écosystèmes locaux dans lesquels la conception est adaptée à des circonstances spécifiques d'une manière « élégante et efficace ».

« C’est la base de l’approche « Du berceau au berceau » - les déchets sont égaux à la nourriture, célébrer la diversité et utiliser les énergies renouvelables, en particulier l’énergie solaire est une belle chose », a déclaré McDonough.

Dans un article de 2016 du magazine Nature, il a inventé la phrase reprise par les réalistes environnementaux du monde entier, et en particulier en Arabie Saoudite: « Le carbone n'est pas l'ennemi », ce qui semblait un cri de ralliement approprié pour un pays et une économie qui doit son développement moderne aux hydrocarbures sous forme de pétrole.

« J'ai eu cette révélation quand ils m'ont demandé de travailler dessus, car c'est en fait très important. Le carbone est en réalité une matière dans l’économie circulaire, mais c’est aussi un carburant, ce qui est très inhabituel, il mérite donc une attention particulière. Nous avons décidé de commencer à travailler là-dessus avec les Saoudiens », a-t-il déclaré.

La relation avec SABIC remonte à 2015, mais il a trouvé ses services très demandés à mesure que les plans pour les mégaprojets de la stratégie Vision 2030 avançaient. Il est devenu conseiller de la Société de développement de la mer Rouge, de la Commission royale pour AlUla et du projet Al-Soudah géré par le Fonds d'investissement public, ainsi que membre du conseil supérieur de NEOM, l'énorme projet de  développement urbain prévu pour le nord-ouest du royaume.

Plus tôt cette année, McDonough est devenu conseiller et collaborateur du Centre d'études et de recherche pétrolières Roi Abdullah à Riyad et a prononcé l’un des discours liminaires du Ministère de l’énergie du Royaume lors de la réunion du G20 sur l’énergie en mars.

Sa pensée s'est cristallisée. « Le problème n'est pas le carbone - le problème, c'est nous. Le carbone est un élément innocent, et comme je l'ai souligné, il y a le soleil, il y a du carbone dans l'atmosphère, et puis il y a le sol, également un carbone. Si vous dites que vous voulez être sans carbone, pensez-y ! Est-ce que vous dites vouloir vous décarboner? Impossible », dit-il.

Il classe le carbone en trois types et dispose d'un ensemble complexe d'illustrations de diapositives pour souligner ce point. Le « carbone vivant », qui est un ingrédient essentiel de la vie humaine et la base de toute agriculture. « C'est une chose positive de vouloir produire plus de carbone vivant », a-t-il déclaré.

Ensuite, il y a le carbone durable, qui est aussi un élément positif lorsqu'il s'agit d'une forme durable, comme un bâtiment, ou une ville, ou - l'exemple qu'il a donné - un morceau de papier, qui peut durer des siècles sous la forme d'un livre.

Puis, il y a le troisième type - le carbone « fugitif » - qu'il a appelé « le grand cri ». C'est la forme qui s'échappe dans l'atmosphère lors des processus industriels, de transport et de fabrication, ou qui est rejetée sur un rivage sous forme de déchets plastiques.

« C’est problématique que le carbone durable devienne fugitif », a-t-il déclaré.

Il est évident que McDonough croit fermement aux différents accords internationaux –  notamment l'accord de Paris –  sur le changement climatique, qui visent à limiter, voire inverser, les dommages environnementaux en contrôlant la quantité de carbone « fugitif » dans l'atmosphère, et ces limites sont intégrées à tous ses modèles. « Nous devons travailler dans ces limites », a-t-il déclaré.

La principale solution aux fugitifs est le processus connu sous le nom de CUSC - capture, utilisation et stockage du carbone - qui est également devenu un élément majeur de la stratégie énergétique du Royaume. Les techniques CUSC sont mises en œuvre par Aramco et dans NEOM. « Ce qui se passe chez NEOM est phénoménal et magnifique, car ils prévoient de fonctionner à 100% d'énergie renouvelable », a-t-il déclaré. « Tout d’un coup, ils vont produire de l’hydrogène par électrolyse. Nous allons donc avoir ce que nous appelons « l’hydrogène vert », qui est une magnifique perspective pour l’avenir de l’homme », a-t-il déclaré.

McDonough n'aime pas le terme « combustibles fossiles », qui, selon lui, encourage l'idée que la seule utilisation des hydrocarbures est de les brûler; il n'aime pas non plus l'expression « ressources en hydrocarbures ». « Appelons-les simplement des sources que nous obtenons de la nature », a-t-il déclaré.

Tout aussi important, le carbone fugitif peut être transformé en une variété de matériaux, comme les plastiques et les polymères, qui sont essentiels à la vie humaine.

McDonough a déclaré que le travail de SABIC, le groupe pétrochimique saoudien détenu par  Aramco, était à cet égard « particulièrement important ».

McDonough n'est pas non plus un partisan de ceux de l'extrême aile du mouvement environnemental, qui disent que le monde devrait cesser complètement d'utiliser les hydrocarbures.

« Je pense que la vue d'ensemble pour nous tous en termes d'avantages sociaux, de comportement et de conception intelligents est que nous voulons une énergie peu coûteuse pour tout le monde afin qu'ils puissent améliorer leur vie. Nous ne voulons tout simplement pas détruire l'atmosphère », a-t-il dit.

Le défi consiste à respecter les normes environnementales que la plupart des pays considèrent nécessaires pour empêcher le réchauffement de la Terre de plus de 2 degrés Celsius au-dessus des niveaux préindustriels d'ici le milieu du siècle; McDonough estime qu'il doit y avoir un engagement unifié de la part de l'humanité pour atteindre cet objectif essentiel.

McDonough a travaillé avec l'agence spatiale américaine NASA sur la conception de bâtiments, réalisant certaines des constructions les plus avancées et les plus respectueuses de l'environnement au monde. « Le président Kennedy a dit que nous allions lancer une fusée dans l’espace, et dans 10 ans, l'homme marchait déjà sur la Lune. J'aimerais faire un lancement de la Terre. »

Retardons un peu Mars. Avant d'aller travailler sur la Planète Rouge, puis-je revenir sur la Planète  Bleue? » il a dit.

Pense-t-il que l'humanité peut y arriver d'ici 2050 et se retirer du bord de la catastrophe climatique? "Je le pense. Je pense que nous devons le faire », a-t-il affirmé.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com  


France: forte contraction de l'activité du secteur privé en novembre, selon l'indice PMI Flash

Le Premier ministre français Michel Barnier prononce un discours lors du forum d'affaires trilatéral France-Italie-Allemagne à Paris, le 22 novembre 2024. Le Forum trilatéral, qui en est à sa sixième édition, réunit les associations professionnelles MEDEF, Confindustria et BDI des trois pays, qui représentent les secteurs industriels des plus grandes économies européennes. (AFP)
Le Premier ministre français Michel Barnier prononce un discours lors du forum d'affaires trilatéral France-Italie-Allemagne à Paris, le 22 novembre 2024. Le Forum trilatéral, qui en est à sa sixième édition, réunit les associations professionnelles MEDEF, Confindustria et BDI des trois pays, qui représentent les secteurs industriels des plus grandes économies européennes. (AFP)
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  • "De très nombreuses entreprises interrogées ont imputé cette baisse de l'activité globale à la faiblesse de la demande" de la part des entreprises et des ménages, indique le communiqué
  • "Les données de l'enquête indiquent une accélération de la contraction, tant dans le secteur des services que dans l'industrie manufacturière en milieu de quatrième trimestre", soulignent S&P et HCOB

PARIS: L'activité du secteur privé français a enregistré en novembre sa plus forte contraction depuis janvier, avec un indice PMI Flash en recul pour le troisième mois consécutif, indiquent vendredi l'agence S&P Global et la Hamburg Commercial Bank (HCOB), qui calculent cet indice.

Le PMI Flash s'est établi à 44,8 en novembre, au plus bas depuis dix mois, contre 48,1 en octobre.

"De très nombreuses entreprises interrogées ont imputé cette baisse de l'activité globale à la faiblesse de la demande" de la part des entreprises et des ménages, indique le communiqué.

"Les données de l'enquête indiquent une accélération de la contraction, tant dans le secteur des services que dans l'industrie manufacturière en milieu de quatrième trimestre", soulignent S&P et HCOB.

La production a ainsi "fortement baissé" dans le secteur manufacturier, avec un taux de contraction le plus élevé depuis décembre 2023. Les fabricants attribuent cette baisse de l’activité à plusieurs facteurs, dont la faiblesse des secteurs automobile, cosmétique et du BTP, ainsi qu’une conjoncture morose sur les marchés étrangers.

"Les prestataires de services ont quant à eux mentionné un manque de visibilité économique et politique, se traduisant par une plus grande réticence des clients à engager des dépenses". L'activité "a ainsi enregistré son plus fort recul depuis janvier dernier" dans les services.

Le volume des nouvelles affaires s'est lui aussi contracté en novembre, une baisse qui est "la plus marquée depuis quatre ans". Cette tendance "reflète principalement une forte diminution des nouvelles commandes dans l’industrie manufacturière".

Le recul global des ventes "s’explique également par un très fort repli de la demande étrangère, les tensions géopolitiques et l’affaiblissement de la demande en provenance des Etats-Unis", qui ont entraîné "la plus forte contraction des nouvelles affaires à l’export depuis mai 2020".

Les perspectives d’activité pour les douze prochains mois "sont orientées à la baisse pour la première fois depuis mai 2020" dans le secteur privé en novembre, car de nombreuses entreprises craignent que la faiblesse prolongée de la demande soit synonyme d'une contraction de l'activité au cours de 2025.

Les répondants à cette enquête expliquent leur pessimisme par "le climat d’incertitude actuel, engendré notamment par la morosité de la conjoncture économique", et "par la fermeture d’entreprises et la faiblesse des secteurs de l’automobile et du BTP".

S&P et HCOB relèvent toutefois "une tendance favorable" sur un point: "l'emploi est reparti à la hausse", avec un taux de création de postes à un plus haut depuis six mois, "exclusivement" dû à une augmentation des effectifs dans les services.


450 000 emplois dans le secteur saoudien du divertissement d'ici 2030, selon le ministère de l'Investissement

La progression rapide du secteur du divertissement s'aligne sur les objectifs de la Vision 2030 du Royaume. (Shutterstock)
La progression rapide du secteur du divertissement s'aligne sur les objectifs de la Vision 2030 du Royaume. (Shutterstock)
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  • L'Arabie saoudite a délivré 34 permis d'investissement dans l'industrie du divertissement au cours du troisième trimestre de l'année
  • La progression rapide du secteur du divertissement s'aligne sur les objectifs de la Vision 2030 du Royaume, qui visent à réduire la dépendance du pays aux revenus du pétrole brut

RIYAD: Le secteur du divertissement en Arabie saoudite devrait créer 450 000 emplois et pourrait contribuer à hauteur de 4,2% au produit intérieur brut du pays d'ici à 2030, selon un nouveau rapport.

Dans son dernier communiqué, le ministère de l'Investissement du Royaume indique que l'Arabie saoudite a délivré 34 permis d'investissement dans l'industrie du divertissement au cours du troisième trimestre de l'année, ce qui représente une augmentation de 13% par rapport aux trois mois précédents.

Le ministère a ajouté que le nombre total de permis d'investissement délivrés dans le secteur du divertissement entre 2020 et la fin du troisième trimestre s'élevait à 303.

«Conformément à l’initiative saoudienne Vision 2030, l'Arabie saoudite vise à diversifier son économie et à améliorer la qualité de vie en promouvant le tourisme et la culture saoudienne à l'échelle internationale pour attirer les visiteurs. Le secteur du divertissement est un pilier crucial pour atteindre ces objectifs ambitieux, en se concentrant sur l'amélioration de la qualité de vie à travers diverses activités culturelles et de divertissement», a déclaré le ministère de l'Investissement.

La progression rapide du secteur du divertissement s'aligne sur les objectifs de la Vision 2030 du Royaume, qui visent à réduire la dépendance du pays aux revenus du pétrole brut, qui dure depuis des décennies.

En 2016, l'Arabie saoudite a créé l'Autorité générale pour le divertissement en vue de stimuler l'industrie du divertissement et des loisirs. Depuis, le Royaume a connu des développements notables, notamment la réouverture de salles de cinéma en 2018.

Selon le rapport, l'Arabie saoudite a délivré 2 189 permis dans le secteur du divertissement au cours des cinq dernières années.

Le Royaume a également accueilli 26 000 événements au cours des cinq dernières années, attirant plus de 75 millions de participants.

Le ministère a ajouté que l'essor du secteur du divertissement catalysait également la croissance du secteur du tourisme dans le Royaume.

Le rapport indique que le nombre de touristes entrants dans l'industrie du divertissement a atteint 6,2 millions en 2023, ce qui représente une augmentation de 153,3% par rapport à 2022.

Les dépenses des touristes entrants dans l'industrie du divertissement ont atteint 4 milliards de riyals saoudiens (1,07 milliard de dollars; 1 dollar = 0,95 euro) en 2023, soit une augmentation de 29,03% par rapport à l'année précédente.

«Le secteur du divertissement est un domaine vital et dynamique du Royaume, agissant comme un catalyseur pour le secteur du tourisme. En accueillant divers événements et activités, il stimule le tourisme et attire les visiteurs, ce qui se traduit par une augmentation des dépenses touristiques et un renforcement de l'économie locale», a déclaré le ministère de l'Investissement.

En 2023, le secteur du divertissement a attiré 35 millions de touristes locaux, soit une augmentation de 17% par rapport à 2022.

Les dépenses des touristes locaux en 2023 étaient de 4,7 millions de riyals saoudiens, ce qui représente une baisse marginale de 8,5% par rapport à l'année précédente.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Black Friday, moment privilégié pour les cadeaux de Noël, réjouit les e-commerçants et désespère les indépendants

Un piéton passe devant un magasin lors du Black Friday à Paris, le 25 novembre 2022. (AFP)
Un piéton passe devant un magasin lors du Black Friday à Paris, le 25 novembre 2022. (AFP)
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  • Une nouvelle opportunité pour faire ses achats de Noël avant l'heure, que saisiront "près de 60% des consommateurs français" cette année, selon une étude du Boston Consulting Group (BCG)

PARIS: Dépassé, le lèche-vitrine des boutiques enguirlandées de Noël? Faire ses cadeaux durant le Black Friday séduit désormais les consommateurs, une tendance mettant au défi logistique les acteurs de la vente en ligne, et désespérant les commerces indépendants.

Loriane, 26 ans, achète ses cadeaux de Noël pendant le Black Friday car "les offres sont plus intéressantes, ça permet de faire de plus beaux cadeaux", justifie auprès de l'AFP la jeune femme, qui travaille au ministère de l’Intérieur. Pareil pour Marlène, 53 ans, salariée d'Orange, qui recherche "les meilleures offres". Son collègue Julien, 42 ans, confirme : "En boutique l’année dernière, les gens se pressaient plus pour le Black Friday qu'à Noël".

Né aux États-Unis, le Black Friday a été introduit en France par Amazon "il y a à peu près 15 ans", rappelle à l’AFP Frédéric Duval, le directeur général d'Amazon.fr.

Une nouvelle opportunité pour faire ses achats de Noël avant l'heure, que saisiront "près de 60% des consommateurs français" cette année, selon une étude du Boston Consulting Group (BCG).

Les consommateurs plébiscitent le "large choix de produits, les prix bas et la livraison rapide", selon M. Duval.

Cet événement commercial est toujours lancé le vendredi après Thanksgiving, et se tiendra cette année le 29 novembre.

- Black Month -

"Aujourd’hui, le plus gros mois pour la consommation, c’est novembre" plutôt que décembre, abonde Marc Lolivier, délégué général de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), qui juge auprès de l'AFP que ce phénomène "a cinq, six ans".

Evénement devenu phare de la vente en ligne, le Black Friday oblige les logisticiens à s'adapter pour faire face à l'afflux colossal de colis.

A titre d'exemple, en 2022, sur la semaine qui a suivi le Black Friday, La Poste avait livré 13,7 millions de colis. Elle en attend "16 millions en 2024", chiffre Jean-Yves Gras, le directeur général de Colissimo.

Certains entrepôts passent dès le mois de novembre "en trois-huit, sept jours sur sept, le dimanche et la nuit", comme à Cdiscount, décrit à l'AFP son PDG Thomas Métivier.

Les équipes sont massivement reforcées: Amazon recrute ainsi 8.000 saisonniers pour novembre-décembre.

Le défi est également technologique, comme pour Cdiscount, dont le site est visité par 10 millions de clients ce jour-là, contre 17 millions par mois en temps normal. "De loin la plus grosse journée de l’année en termes de trafic et d’achats", ce qui conduit les équipes à réaliser des crash-tests pour éprouver la robustesse de leur site internet, raconte M. Métivier.

Au fil des ans, le Black Friday est devenu une "Black Month", constate Quentin Benault, directeur général délégué de Mondial Relay, qui explique que les commerçants proposent des promotions dès le début du mois de novembre. Un soulagement pour les acteurs de l'e-commerce, car cela leur permet de lisser la charge logistique sur un mois plutôt qu'un seul jour.

- "Ça tue le commerce" -

Mais le Black Friday ne fait pas que des heureux. L’Union des Fabricants (Unifab), qui défend la propriété intellectuelle des industriels, alerte : cette période marquée par une profusion de colis en circulation "est une aubaine pour les contrefacteurs", leurs produits passant plus facilement entre les gouttes des contrôles.

"Plus de 8 millions de jeux et de jouets de contrefaçon ont été saisis par les douanes en 2023, la majorité au moment du Black Friday", rappelle sa directrice générale Delphine Sarfati-Sobreira à l'AFP.

Le Black Friday "tue la notion du commerce", déplore aussi Thibaut Ringo, directeur général d'Altermundi, un réseau de boutiques prônant une consommation responsable. "Le consommateur n’attend qu’une chose : qu'on fasse des remises mais nous, les commerçants indépendants, on ne peut pas s'aligner", se désole-t-il.

La Confédération des commerçants de France s'indigne, elle aussi, et met en garde contre des remises "pouvant être basées sur des prix de référence artificiels" et "des stocks spécifiques de moindre qualité proposés à prix cassés". Contre cette "concurrence déloyale", elle appelle à "mieux protéger [les] petits commerçants, qui font vivre [les différents] territoires".