PARIS: A Paris, au Musée de l'immigration, un jeune homme s'installe au pupitre: « J'ai quitté mon pays en avril 2013 et après 730 jours d'un voyage inhumain et inimaginable, j'ai gagné la Belgique. Un jour, je suis rentré au cimetière du père Lachaise et ma vie a basculé ».
Mahmud Nasimi a quitté l'Afghanistan en guerre pour démarrer une nouvelle vie en Europe. A son auditoire, il a dit combien sa rencontre avec « les écrivains illustres français, Proust, Balzac, Eluard, Apollinaire » et la culture française avait favorisé son intégration dans son pays d'adoption.
Pour la Journée mondiale des réfugiés, il est venu raconter son parcours en ouverture d'un concours d'éloquence organisé samedi par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et des associations étudiantes comme l'Union des étudiants exilés, UniR ou Sciences-po Refugee Help.
Après lui, huit binômes composés d'un réfugié scolarisé en France et d'un étudiant français se sont affrontés oralement autour du thème de l'éducation, facteur d'insertion des réfugiés.
L'initiative est née d'un constat statistique: seuls 3% des réfugiés dans le monde accèdent à l'enseignement supérieur.
« La finalité, c'est la mobilisation de plusieurs acteurs pour la scolarisation des réfugiés: des autorités nationales, des universités, du secteur privé, des entreprises, on a besoin de financements pour les bourses », explique Céline Schmitt, porte-parole du HCR.
Parmi cette minorité de réfugiés scolarisés, il y a Alex, un Yéménite de 30 ans, étudiant en sciences politiques à Nanterre.
« En dehors de son monde »
« Je suis parti à cause du Printemps arabe et de la guerre », confie-t-il avant sa prestation. Après quatre ans en Arabie saoudite voisine, il est contraint de partir et rejoint la France.
Il doit reprendre son cursus à zéro mais garde le cap: « à 10 ans déjà, je me voyais travailler dans la diplomatie, l'humanitaire ou au sein d'une ONG ».
Etre exilé, « c'est être en dehors de son monde, de sa culture, de sa langue », rappellent à leur tour Aloé, étudiante à Sciences-po de 19 ans, et Sedra, 22 ans,réfugiée du Kurdistan irakien.
En 2020 et malgré la pandémie, le nombre de personnes fuyant les guerres, persécutions et violences a atteint un record de 82,4 millions, deux fois plus élevé qu'il y a dix ans, selon l'ONU.
Née il y a 26 ans en Guinée, Fatoumata (prénom modifié) a participé au concours pour raconter l'excision qu'elle a subie avec ses deux sœurs à la mort de leur père, qui les en avait protégées jusque-là.
A force de volonté, la jeune femme a poursuivi sa scolarité jusqu'à obtenir une licence de droit international.
Mais la tradition a fini par la rattraper. « Mes oncles m'ont dit que si je ne signais pas le mariage, je signerais ma mort ».
Alors à 24 ans, elle a fui son pays et gagné la France l'an dernier après un périple de six mois. Elle s'apprête à intégrer une université de droit parisienne à la rentrée prochaine.
« Les personnes réfugiés, à travers l'éducation, peuvent retrouver dignité et devenir des artisans de la paix », ont proclamé Hamza, réfugié syrien de 21 ans, et Siwar, 20 ans, de l'oratorium de l'Institut catholique de Lille, le binôme gagnant du concours.
C'est après avoir remporté une bourse pour apprendre le français que Hamza est arrivé à Paris en 2019. Devenu parfaitement francophone en moins de deux ans, il étudie aujourd'hui en première année d'ingénierie mécanique.
Le HCR souhaite généraliser les parcours comme le sien en multipliant les partenariats avec les écoles. En matière d'enseignement supérieur, « notre objectif est de passer de 3% à 15% des réfugiés d'ici 2030 », insiste Céline Schmitt.