PARIS : La revue intellectuelle française « Le Débat » s’arrêtera cet automne, après 40 ans de publication, a annoncé samedi son fondateur et directeur, Pierre Nora, dans un entretien publié sur le site internet de l'hebdomadaire Le Point.
« C'était le moment, pour nos 40 ans. Nous avons choisi de nous saborder » , déclare l'historien, expliquant notamment cet arrêt par « la baisse (...) de la curiosité à horizon encyclopédique» et non par une raison « financière».
Créée en mai 1980, « Le Débat » est « une revue d'analyse et de discussion ouverte à toutes les réflexions qui permettent de mieux comprendre les évolutions du monde contemporain« , décrit son éditeur, Gallimard.
De fréquence bimestrielle, elle fut un lieu essentiel de la vie intellectuelle française, se voulant « loin de toute attitude sectaire, prophétique, partisane, étroitement militante et purement protestataire » . Elle publia des plumes prestigieuses telles que Claude Lévi-Strauss, Mona Ozouf ou Milan Kundera.
« Nous vendons tous les deux mois 3.000 à 4.000 exemplaires, ce qui était déjà le cas en 1980, or le nombre d'étudiants a bondi. Dans un monde que nous aurions espéré, ces étudiants, leurs professeurs, nous auraient lu », déplore Pierre Nora.
Le membre de l'Académie française estime aussi que l' « alliage » entre « culture des humanités » , « rapport à la cité« et « savoir des sciences humaines« que la revue « supposait pour sa lecture » « s'est défait » .
« Notre revue s'appuyait aussi sur un triptyque, histoire, politique, société, qui s'est sans doute déplacé vers d'autres centres d’intérêt : la biodiversité, le spécisme, les crises climatiques, sanitaires. À d'autres de le faire ! », ajoute-t-il.
Le dernier numéro, sur le thème des révolutions, paraîtra en septembre. Gallimard poursuivra en revanche la collection de livres « Le Débat », qui compte 80 titres.
Cet arrêt intervient après celui, fin 2018, d'une autre revue éditée par Gallimard, « Les Temps modernes ».
« La revue ‘Les Temps modernes’ n'était plus ce lieu de rencontre entre le questionnement critique et le public », avait estimé l'éditeur Antoine Gallimard en mai 2019, mettant aussi en avant « le recul des ventes et des abonnements » pour justifier la disparition de la revue fondée après guerre par Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir.