EREVAN : L'Arménie élit dimanche son Parlement lors de législatives anticipées convoquées par le Premier ministre Nikol Pachinian, qui tente de se maintenir aux commandes, malgré la crise déclenchée par une récente défaite militaire face à l'Azerbaïdjan.
Porté au pouvoir par une révolution pacifique en 2018 grâce à sa promesse de chasser les élites corrompues du gouvernement de cette petite ex-république soviétique du Caucase, sa popularité a été mis à mal par le conflit perdu au Nagorny Karabakh à l'automne 2020.
Un cessez-le-feu a mis fin a six semaines de combats, qui ont fait près de 6 000 morts, mais Erevan a dû céder des territoires sous son contrôle depuis une trentaine d'années, décision qui a suscité d'importantes manifestations et des appels à la démission de M. Pachinian.
Face à cette mobilisation, mais aussi en raison d'un conflit avec l'état-major militaire, le Premier ministre a fini par convoquer des législatives anticipées.
Pour nombre d'analystes, sa victoire n'est pas acquise et la campagne électorale c'est déroulée dans un contexte de polarisation extrême de la société et de la classe politique.
Le Premier ministre arménien: populaire qui a perdu une guerre
Porté au pouvoir en héros par une révolution pacifique, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian joue sa survie politique après une cuisante défaite militaire fin 2020 contre son ennemi juré, l'Azerbaïdjan voisin.
Ce réformateur de 46 ans qui dirige depuis trois ans ce petit pays du Caucase fait face à un test politique clé lors de législatives anticipées dimanche, convoquées sous la pression de l'opposition qui réclamait un jugement par les urnes de celui qui était aux commandes lors de la guerre de l'automne contre les troupes de Bakou pour le contrôle du Nagorny Karabakh.
Après six semaines de combats meurtriers, l'Arménie a dû céder d'importants territoires qu'elle contrôlait depuis une première guerre dans les années 1990 autour du Karabakh, région sécessionniste d'Azerbaïdjan majoritairement peuplée d'Arméniens.
Négocié par Moscou, le cessez-le-feu a été dénoncé comme une humiliation nationale par l'opposition et une partie de l'état-major qui ont appelé au départ du chef de gouvernement.
Après avoir résisté, prenant personnellement la tête de manifestations de rue pour dénoncer une "tentative de coup d'Etat", M. Pachinian s'est finalement résolu au printemps à des législatives anticipées.
Mais l'ancien journaliste à la barbe poivre et sel a juré à ses partisans qu'ils remporteront le scrutin.
"Ne vous découragez pas, un brillant avenir attend l'Arménie!", a proclamé le tribun.
A Erevan, la figure de M. Pachinian divise donc profondément les électeurs.
"Ce capitulard, ce traître doit partir", lance à l'AFP Gedhan Haïrapetian, un chômeur de 52 ans.
"Nikol est notre héros et saveur, il ne faut pas le blâmer" pour la guerre perdue, réplique Sirouch Sirounian, une vendeuse de rue, 69 ans.
Pour elle, "ce sont les anciennes autorités qui sont responsables de tout, elles ont pillé le pays pendant des décennies" privant l'Arménie des moyens de faire face à l'Azerbaïdjan.
Car M. Pachinian conserve une popularité certaine pour avoir réformé le pays et s'en être pris aux richissimes oligarques et aux élites corrompues déchues en 2018.
Mais ses succès économiques ont été doublement mis à mal par la guerre avec l'Azerbaïdjan et la crise concomitante déclenchée par la pandémie.
Le parti "Contrat Civil" de M. Pachinian et le bloc de son rival, l'ex-président Robert Kotcharian, pourraient bien être au coude-à-coude dimanche soir.
Selon l'enquête de l'institut MPG, affiliée à l'américain Gallup, les deux formations sont aux alentours de 24% des intentions de vote. Suit le bloc de l'ex-Premier ministre Serge Sarkissian, avec 7,4%.
Le chef du gouvernement vise malgré tout un score de 60%, appelant ses partisans à lui donner "un mandat d'acier", brandissant même un marteau à l'adresse de ses adversaires.
Risque d'affrontements
"Je préviens tous ceux qui exercent des pressions sur les gens: après les élections, on viendra vous chercher", a-t-il lancé.
En réponse, son adversaire Serge Sarkissian a exhorté ses partisans à lui répondre à coups de "massue".
"Le risque d'affrontements de rue est assez élevé après un vote précédé d'une campagne aussi agressive", regrette l'analyste politique Viguen Hakobian.
D'autant que l'Arménie est habituée aux soulèvements post-électoraux. Avant la révolution de 2018, M. Pachinian, un ancien journaliste, avait été incarcéré pendant près de deux ans pour son rôle dans les manifestations réprimées dans le sang en 2008.
Son principal rival, l'ex-président Kotcharian, qui a dirigé le pays de 1997 à 2008, a fait campagne pour dénoncer l'incompétence du Premier ministre, à l'heure de la guerre avec son ennemi de toujours, l'Azerbaïdjan.
"L'Arménie est restée sans leader", a-t-il lancé lors d'un rassemblement de campagne.
L'accord de cessez-le-feu négocié par Vladimir Poutine et le déploiement de soldats de la paix russes ont permis à Erevan de garder l'essentiel du Nagorny Karabakh, région azerbaïdjanaise peuplée en majorité par des Arméniens.
Mais l'Arménie a perdu de larges territoires tout autour de la région et vu l'Azerbaïdjan revenir à sa frontière, ce qui a entraîné des accrochages militaires ces dernières semaines.
Environ 2,6 millions d'électeurs arméniens sont appelés aux urnes pour élire au moins 101 députés pour cinq ans. Quatre blocs électoraux et 22 partis - un record - sont en lice.
Si aucune majorité ou coalition majoritaire n'émerge dimanche, un second tour devra être organisé le 18 juillet entre les deux partis ayant obtenu le meilleur score.